Digital manager: Hélène Zemmour, la contre-attaque

«Un acte de guerre, savamment orchestré et préparé depuis janvier.» D’un naturel plein d’allant, Hélène Zemmour, directrice du numérique de TV5, évoque avec gravité la cyberattaque dont sa chaîne a fait l’objet du 8 au 9 avril. Tout commence par l’hameçonnage de trois salariés ayant téléchargé par mégarde un logiciel malveillant. Un cheval de Troie est alors introduit par des pirates se revendiquant de l’Etat islamique. En mars, un virus contamine plusieurs ordinateurs avant que ne débute l’attaque des serveurs et des réseaux sociaux le 8 avril. On connaît la suite: des comptes Facebook ou Twitter aux couleurs de Daesch et une antenne qui aurait pu être détournée si, après la chute des serveurs, l’équipe informatique n’avait pas eu le réflexe de ne pas la reconnecter au réseau.

Une chance que le 8 avril, pour le lancement de la chaîne TV5 HD Style, tout le personnel technique ait été présent. Reste que les conséquences seront lourdes: «Le niveau de sécurité a été renforcé. Mais il y a des dégâts matériels pour plusieurs millions d’euros, confie Hélène Zemmour. Nous avons un plan d’économies, qui passe par le renoncement à certaines acquisitions de programmes, mais nous demanderons une aide de l’Etat.» Sur les 18 personnes travaillant dans sa direction, la moitié continue d’opérer en télétravail alors que tout passe en interne par une messagerie sécurisée et que l’Agence de sécurité nationale des systèmes d’information est encore dans les locaux.

Autre chose qu'un chef

D’un niveau de sécurité «moyen plus» avant l’attaque, TV5 se veut aujourd’hui plus vigilante. «Pour évangéliser, nous avions donné les codes à beaucoup de personnes. Ceux-ci changent désormais toutes les semaines et sont envoyés par SMS aux rédacteurs en chef.» La cyberattaque a néanmoins révélé une «équipe très unie» qui témoigne, après coup, des avantages d’un «management de la confiance». «Les générations Y attendent d’un manager autre chose qu’un chef: quelqu’un qui leur donne de l’envie, du sens, de la qualité de travail et une bonne entente», souligne-t-elle. Elle cultive d’ailleurs une direction de proximité où il n’est guère besoin de prendre rendez-vous pour entrer dans son bureau. Et prend soin d’amener les plus jeunes à quitter leur écran pour les ouvrir aux contenus. «Nous ne sommes pas une boîte dans une boîte», souligne-t-elle. 

Pour retenir ses responsables techniques, elle sait qu’elle ne peut s’aligner sur le plan salarial. Mais TV5 offre de ne travailler 35 heures effectifs que quatre jours par semaine sur des contenus mondiaux de qualité, et le pragmatisme y règne en maître: «On lève le pied sur la logique d’applis – à 90 000 euros l’appli mobile – pour aller vers les web apps et le responsive design», avoue-t-elle. Et elle fait confiance à des prestataires pour les applications, notamment de TV connectée.

L’un d’eux, Stanlislas Léridon, PDG de Dotscreen, la décrit comme une femme «débordante d’énergie, toujours positive et ouverte à l’innovation, ce qui ne l’empêche pas d’avoir un sens critique». Nulle prétention en effet, chez cette littéraire titulaire d’un DESS d’édition électronique, à maîtriser dans le détail la chaîne de distribution numérique. «Mais elle a une vraie compréhension des mécanismes techniques de la conception à l’exploitation», note-t-il. Pour lui, la manageuse sait déléguer en ayant compris que le rôle d’un diffuseur était de se concentrer sur son cœur de métier... d’éditeur.