Digital manager
Jocelyn Denis, 40 ans, est à la tête de Digitaleo, une start-up rennaise de marketing digital. Pour ses 70 salariés, il a mis en place un management à mi-chemin entre les start-up de la Silicon Valley et les communautés d'Indiens kogis...

«J’ai créé une entreprise pour retrouver l’ambiance du vestiaire sportif.» Jocelyn Denis a l'esprit participatif dans la peau. Pourtant, en 2004, c’est seul dans son grenier qu’il crée de toutes pièces son entreprise, Digitaleo, solution de collecte de données en ligne. Son premier salarié est embauché en 2006 : «un allié à mes côtés depuis onze ans», précise-t-il.

Virage du multicanal

A sa création, Digitaleo se consacre uniquement à l’envoi de campagnes par SMS. Mais la start-up va profiter de plusieurs grandes vagues d’innovation. En 2007, la plateforme tire ainsi profit de la révolution du smartphone sur le marché pour devenir multicanal. Elle enrichit aussi son offre grâce à la démocratisation des bases de données, toujours plus précises concernant le parcours du consommateur… La prochaine vague? Jocelyn Denis, qui se voit volontiers comme un visionnaire, table sur une prise de pouvoir totale de l'individu. «De la même manière qu’on pilote son profil sur les réseaux sociaux, le consommateur sera maître de sa relation avec les marques: il personnalisera ses datas.»

Aventure collective

Pas à pas, celui qui a débuté comme salarié dans le jeu vidéo consolide sa société et continue d’embaucher. Il installe en 2014 ses 70 collaborateurs dans un grand loft de 1300 mètres carrés, La Fabrique, situé au cœur de l'écoquartier La Courrouze, à Rennes. En avril 2015, il lève 4 millions d'euros afin de s'étendre en Europe. «Le digital est un secteur créatif. Pour accompagner le développement rapide de mon projet, je voulais une méthode de management innovante», explique l’entrepreneur breton. En 2011, il rencontre Eric Julien, un expert en management participatif qui transpose à la culture d’entreprise le mode de vie des indiens Kogis en Colombie (1). Pas de hiérarchie, autarcie intellectuelle et économique… «Mon équipe devait savoir où je les emmenais. Eric Julien m’a longuement interviewé pour écrire l’histoire de Digitaleo jusqu’en 2020!»

A La Baule, un séminaire d'entreprise conduit les salariés de la start-up à s'asseoir en rond pour déclamer à tour de rôle une page du récit. «Ce texte fondateur, intitulé Viseo 2.0.2.0, qui se lit comme une aventure, a tout changé dans les relations au sein de l’entreprise, estime Jocelyn Denis. Il a permis de formuler nos valeurs clés: créativité, simplicité, réactivité, sens du client et esprit d'équipe.» En intégrant Digitaleo, chaque recrue trouve ce document sur son bureau. «On s’y réfère pour prendre la moindre décision.»

Convivialité et bien-être

Le flux des décisions est ascendant. «Un principe puissant – car de très bonnes idées émergent depuis l’équipe, ce qui soulage les managers», témoigne Jocelyn Denis. Des exemples éclairants: les «apéros-talk» ou les «breakfasts-talk», sur le modèle de ce qui se pratique dans les start-up de la Silicon Valley, sont autant de temps d’échange entre les collaborateurs.
Olympiades annuelles, babyfoot à l’accueil, balancelle centrale, cours de pilates, paniers de fruits, barbecue en libre service… Tout est fait pour favoriser le bien-être des salariés. Digitaleo multiplie les distinctions: PME la plus attractive de France (Régions job) et trophée Bronze du dirigeant de PME, en 2013, prix de la Convivialité et du bien-être au travail (Association nationale des DRH) en 2014. Une utopie ? Pas pour tout le monde. Le PDG reconnaît que l’entreprise sélectionne rigoureusement les candidats pour qu’ils s'intègrent au cadre. «Une personne qui n’aime pas le changement, qui n’est pas autonome, ne s’y sentirait pas bien: notre management ne correspond pas à tous les profils.»

Son parcours en bref

1975. Naissance dans le Maine-et-Loire.

1998. Diplôme de l’Ecole supérieure de commerce et de management de Tours-Poitiers.

2000. Chef de produit chez Guillemot Corporation (Ubisoft).

2004. Création de la société Digital Media (future Digitaleo).

2013. Cap des 5 millions de chiffre d’affaires (+81% en un an).

2015. Première levée de fonds (4 millions d’euros).

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