Ressources humaines
Il y a quelques jours le CEO de Microsoft était à Paris pour parler des nouvelles façons de travailler et de l’innovation. Une transformation portée dans l'entreprise en France, par Caroline Bloch, la DRH. Interview.

Il n'y a pas que les groupes traditionnels qui se lancent dans la transformation digitale. Le géant du logiciel Microsoft a aussi engagé sa propre mue, portée par Satya Nadella, CEO de l’entreprise depuis février 2014. Un basculement de business model vers le cloud, les services et le mobile. Le PDG, qui était à Paris le 9 novembre où il a rencontré François Hollande, a annoncé une aide importante aux start-up françaises (via la mise à disposition de ses outils ou de ses plateformes) et à l’éducation, à hauteur de 83 millions d’euros. Il a également participé à une conférence à la Sorbonne sur les nouvelles façons de travailler. A l’intérieur de son groupe, le patron promeut une nouvelle culture, dans laquelle les ressources humaines sont en première ligne. Le point sur ces chantiers et la méthode Satya Nadella avec Caroline Bloch, DRH France de Microsoft (1700 salariés).
 
Microsoft est en train de mener sa transformation sous l’impulsion de Satya Nadella?
Caroline Bloch. Ce qui change, c’est la nature de ce que l’on propose à nos clients. Aujourd’hui nous les accompagnons dans l’efficacité business, nous leur apportons des solutions métier (basées sur le cloud avec notre plateforme Azur, CRM…) alors qu’avant nous leur vendions des produits. Cela implique pour les salariés de Microsoft de changer de posture: développer leur écoute active, être capables de comprendre l’activité du client... Même dans une entreprise comme Microsoft, dans les nouvelles technologies, nous devons accompagner les collaborateurs dans cette transformation, et donc développer leurs compétences.
 
Pour rendre l’entreprise plus agile, Satya Nadella parle de «growth mindset», de quoi s’agit-il?

C.B. Cela consiste à adopter une posture d’innovation et sans barrière. Avec l’idée que nous sommes plus intelligent à plusieurs: quand un collaborateur a un problème à résoudre il doit savoir trouver les solutions rapidement, en connectant plusieurs cerveaux ensemble. Cela se retrouve dans la fixation des objectifs et la façon de mener les entretiens d’évaluation. Ceux-ci ont été rebaptisés des «rendez-vous», ils se déroulent quatre fois par an et sont plus courts (entre 45 mn et 1 heure). Le travail du DRH c’est d’être un peu le «chief of culture», sans être pour autant les gardiens du temple. Diffuser cette révolution culturelle avec des questionnements: en quoi es-tu sorti de ta zone de confort? De quelles manières as-tu pris des risques? Y compris avec les autres membres du comité de direction, avec lesquels nous avons un petit devoir d’impertinence. Il faut savoir les bousculer.  
 
La performance doit devenir collective…
C.B. Oui, on oppose souvent réussite individuelle et collective. Aujourd'hui nous disons à nos salariés: tes résultats seront bons si tu as généré de la collaboration pour y parvenir. Et nous les poussons à se poser ces questions-là: comment j’ai collaboré pour atteindre mes objectifs? Quelles nouvelles pistes j’ai essayées? Nous voulons renforcer la collaboration transverse. Comment j’ai répondu positivement à l’invitation de collaboration des autres. Quand un salarié a expérimenté cette nouvelle façon de travailler et que cela fonctionne, il l’adopte. Mais il faudra trois à cinq ans pour que l’on bascule tous dans ce mode de travail. Autre défi: parvenir à mesurer cette collaboration.
 
D’où l’émergence d’un nouveau mode de management…
C.B. Oui, le manager doit devenir social: il doit favoriser la collaboration, intégrer l’idée qu’il ne sait pas tout. Dans cet esprit nous avons expérimenté le «reverse mentoring»: c’est-à-dire qu’un junior accompagne un leader. C’est une initiative globale chez Microsoft. Nous allons la poursuivre au cours de cette année avec un ou deux membre(s) du comité de direction, puis l’étendre. C’est une vraie bouffée d’air frais pour les leaders.
Par ailleurs, le manager doit être capable de créer un climat favorable à la prise de risques pour ses équipes. Il doit montrer l’exemple en se questionnant lui-même: qu’est-ce que j’ai fait moi-même d’innovant  le mois dernier? Qu’est-ce que je vais faire dans les mois qui viennent pour accompagner mes équipes différemment? Pour que cela fonctionne et favorise vraiment l’audace, cela doit se faire dans une atmosphère bienveillante.
 
En France, il n’y a pas de culture de la prise de risque…
C.B. Pour que cela fonctionne, cela implique qu’à la fois les managers et l’organisation autorisent l’échec. Et que le collaborateur lui-même sache prendre le temps d’analyser son échec. Là-aussi il y a des méthodes concrètes à adopter: aller demander des feed-backs auprès de ses collègues et en profiter pour inventer des solutions nouvelles pour la fois d’après. C’est un cercle vertueux.  
 
Où en est le chantier de la mixité chez Microsoft?
C.B. En quatre ans, nous sommes passés de 30 à 32% de femmes chez Microsoft France. Le progrès est encore plus notable chez les managers depuis 2011: le taux a évolué de 30 à 35%. Et au comité de direction, on compte quatre femmes sur treize personnes. A noter que deux d’entre elles sont à la tête de business, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas sur des fonctions supports, où l’on trouve traditionnellement davantage de femmes.
 
La semaine dernière, se tenait la semaine pour l’emploi des personnes handicapées. Que fait Microsoft sur ce thème?
C.B. Nous allons engager un plan sur trois à cinq ans pour favoriser l’accueil des personnes handicapées. Nous devons faire en sorte que nos collaborateurs et managers soient sensibilisés au handicap et prêts à accueillir des collègues différents. Il faut aussi travailler sur les sources de recrutement.
 
Et vous inventez des solutions pour faire travailler ensemble les différentes générations…
CB. Oui, bientôt nous aurons trois générations différentes dans la même entreprise. Il faut s’assurer qu’elles travaillent efficacement ensemble et parviennent à se comprendre. Nous avons formé une trentaine de seniors (plus de 45 ans) au mentoring et ils vont accompagner des jeunes diplômés, dans le cadre de binômes. Une fois tous les deux mois, le senior rencontre son «Menti» pour répondre à ses questions et lui transmet ses connaissances. Ensuite, nous verrons comment inverser les rôles pour que le junior partage son savoir. 

Le parcours de Caroline Bloch  
1965. Naissance à Soisy-sous-Montmorency (95).
1988. Diplômée d’un bac + 5 en psychologie du travail (Université Paris V, René-Descartes) et DUT en gestion des entreprises et administrations (option ressources humaines).
1989. Responsable du recrutement et de la mobilité chez Atos.
1993. Responsable des ressources humaines de Microsoft France.
1995. Responsable des ressources humaines France de Kraft food (devenu Mondelèz), puis directrice du développement et RH France & Benelux (2002).
2011. Directrice du développement et de la gestion de carrière chez Microsoft France.  
Avril 2015. DRH France de Microsoft, membre du comité de direction.  

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