Formation
Le reverse mentoring continue de séduire les dirigeants de grands groupes pour plonger dans le grand bain du digital. Une pratique assumée.

Le reverse mentoring en catimini, c’est fini! Aujourd’hui les dirigeants de grands groupes assument au grand jour le fait d’être coachés par des jeunes férus de digital pour utiliser Twitter ou Linked In. On revient de loin! Il y a trois ans, le patron d’une entreprise installée à la Défense attendait le vendredi soir, que tous ses salariés soient partis, pour faire venir dans son bureau un digital native, afin qu’il lui apprenne les rudiments des réseaux sociaux. La pratique du reverse mentoring est donc mieux assumée aujourd’hui. Chez Axa, Accenture ou Orange, comme dans la plupart des groupes du CAC 40, le reverse-mentoring est devenu l’outil phare de formation des managers au digital. D’ailleurs pour les jeunes mentors, le fait de côtoyer les dirigeants est en général un sérieux accélérateur de carrière. En revanche la pratique du reverse-mentoring n’est pas une solution miracle, comme le souligne Emmanuel Vivier, fondateur du Hub Institute mais surtout un outil pour rattraper son retard en matière de transformation digitale (lire aussi ci-dessous). Alors le reverse-mentoring à quoi cela sert? En quoi consistent ces sessions coaching?

 

Une présentation adaptée à chaque problématique

 

Depuis six mois, Margaux Cals, chef de projet digital à la DRH groupe d’Orange a du pain sur la planche: avec le lancement de la nouvelle version du réseau social d’entreprise Plazza, elle multiplie les sessions de mentorat, à côté de son vrai métier: la gestion de projet. «J’ai formé une dizaine de membres du comité exécutif et d’autres managers, note la jeune prodige du digital, âgée de 26 ans. Il s’agit de sessions, en tête à tête, d’une demi-heure à une heure.» Elle leur explique le fonctionnement de la plateforme Plazza, et les bonnes pratiques sur ce réseau social. «A chaque fois j’adapte la présentation à leur problématique, par exemple comment identifier des experts ou comment partager des vidéos…», liste-t-elle. «J’insiste aussi sur le mode de travail collaboratif induit par Plazza et ses bénéfices, comme la réduction du volume de mails.» Parmi ses «élèves», il y a ainsi Jérôme Barré, le nouveau DRH groupe d’Orange et des membres du cabinet de Stéphane Richard, le PDG de l'opérateur. Du côté d’Accenture France (6000 salariés), Arnaud Babin, responsable des réseaux sociaux forme depuis plus d’un an, les dirigeants dont son président, Christian Nibourel, à l’utilisation de Linked In et Twitter: «Je coache une quinzaine d’entre eux, si au départ il fallait convaincre, maintenant c’est mieux assumé, et ils me sollicitent eux-mêmes, dit-il. Je leur apprends comment utiliser leur profil Linked In, partager du contenu, faire-valoir leur expérience, développer leur réseau…» Là encore, il s’agit de sessions de 30 minutes en face à face. «Avec Twitter, je passe en revue les codes de communication pour l’utiliser dans les règles de l’art, avec toutes ses subtilités (hashtag…)», poursuit Arnaud Babin. Et ces cessions vont se multiplier dans les mois à venir: «Nous sommes en train de travailler sur des mécanismes pour déployer à plus grande échelle le reverse-mentoring, c’est à dire à l’ensemble des cadres dirigeants (plus de 200).»

 

Rassurer les dirigeants



L’assureur Axa a clairement passé la vitesse supérieure sur le sujet: en quelques années, il y a eu plus de 1 000 personnes formées dans 26 pays, où le groupe est présent, par 470 jeunes mentors. Chaque fois, une à deux session(s) sont organisées sous la forme d’exercices pratiques. Etre mentor cela ne se résume pas à être un prof en nouvelles technologies: «Je passe 60% du temps de mes sessions à aussi rassurer les dirigeants, explique Margaux Cals. Et parfois ils me demandent une seconde séance pour aller plus loin, par exemple en créant une communauté de travail ou d’équipe au sein de Plazza.» Aujourd’hui le reverse-mentoring se démocratise également et il n’est plus seulement utilisé pour les cadres dirigeants: Margaux Cals assure ainsi des formations pour les femmes d’Orange, via le réseau Innov’Elles et là aussi pour leur faire découvrir les réseaux sociaux, améliorer leur personnal branding…



D’ailleurs les objectifs du reverse mentoring peuvent être plus larges selon un porte-parole de d'Axa: «Permettre aux différentes générations de mieux travailler ensemble autour du digital». Emmanuel Vivier, fondateur du Hub Institute plaide pour un reverse-mentoring qui fonctionne réellement dans les deux sens. Son argument? Les seniors ont aussi beaucoup de choses à apprendre aux digital natives…

Le fabuleux destin des mentors 

«Etre mentor cela permet d’accéder aux comités de direction de l’entreprise et de se constituer un carnet d’adresses en or», constate en «off» un ex-mentor. «Si l’on se débrouille bien, cela ouvre un boulevard pour la suite de sa carrière.»

Margaux Cals a proposé d’organiser de sessions de mentoring au comité direction RH d’Orange alors qu’elle n’avait que 23 ans et était en apprentissage chez l’opérateur: «Il s’agissait de sessions légères de découverte du réseau social d’entreprise et d’autres plateformes, explique-t-elle. Cela offre de la visibilité dans les hautes sphères de l’entreprise et cela a été vraiment bénéfique pour moi». Aujourd’hui elle est devenue chef de projet digital au sein de la DRH d’Orange.

Le groupe l’a aussi envoyée faire du reverse-mentoring pour des dirigeants externes, lors du Women’s Forum à Deauville.

 

«Valoriser la transmission dans les deux sens»

EMMANUEL VIVIER, cofondateur du Hub Institute

 

Le reverse mentoring, cela reste une tendance forte?

EMMANUEL VIVIER. Cela fait partie du kit de base de transformation digitale des entreprises, au même titre que la nomination d’un chief digital officer (CDO), l’organisation d’un hackathon ou d’une learning expedition dans la Silicon Valley. C’est bien de le faire, mais ce n’est plus hyperinnovant, dans le sens où cela fait plusieurs années que cela existe. Je pense que les entreprises devraient monter d’un cran dans la mise en place du reverse-mentoring. D’ailleurs certaines commencent à le faire, en valorisant la transmission du savoir dans les deux sens: du junior vers le senior et inversement. Les dirigeants peuvent expliquer l’organisation de l’entreprise, ce qu’est une plateforme de marque… L’idée est de créer des connexions, des réseaux nerveux, ce qui permet de faciliter la circulation de l’information dans la structure.



Le «shadow comex» (comité de direction composé de jeunes pour éclairer les dirigeants) mis en place chez Accor, est-ce une bonne idée?

E.V. C’est une autre façon de créer des échanges entre générations dans l’entreprise. Le groupe hôtelier est en train de le déployer dans tous les pays où il est présent. Il y a aussi d’autres initiatives innovantes, telle l’anti-Masterclass lancée par la webschool factory: par exemple des experts de Bouygues Telecom sont venus présenter un nouveau service aux étudiants de l’école pendant une journée. Ces derniers les ont «challengés» et ont fait des propositions d’amélioration. 

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