Dossier Entrepreneuriat
Quelles opportunités sur le continent pour nos jeunes pousses ? Les réponses de Jean-Michel Huet, associé chez Bearing Point, société européenne de conseil.

Un marché prioritaire pour les dix prochaines années! Voilà ce que pensent les directions internationales de 800 entreprises françaises interrogées sur les opportunités business en Afrique, dans l'étude annuelle, réalisée par Bearing Point, sur le développement international. Et c'est la première fois qu'elles considèrent le marché africain comme un relais de croissance prioritaire. Elles prévoient ainsi que la part de chiffre d’affaires relatif à leur activité sur le grand continent va augmenter de 75% au cours des dix prochaines années. Un marché stratégique aussi pour les plus petites entreprises, en particulier dans la high-tech.

 

Les jeunes pousses françaises s'intéressent-elles à l'Afrique?

Jean-Michel Huet. Oui, le mouvement est bien enclenché. Il y a une double tendance: depuis 2012, un premier flux de personnes issues de la diaspora -des jeunes qui sont partis étudier en France ou ailleurs-, reviennent en Afrique avec un projet de start-up. Ces jeunes entrepreneurs sont, du reste, soutenus par des incubateurs et des financements locaux, à l’instar de bailleurs de fonds tels que le grand programme d’infrastructure de la Banque mondiale. Et depuis deux ans, émerge une autre tendance: des start-up françaises considèrent l’Afrique comme un marché spécifique où les opportunités ne manquent pas.

 

Nos start-up de l’ad tech ciblent-elles ce marché?

J-M. H. Le marché publicitaire digital africain est confronté à deux difficultés majeures. D’un côté, le peu d’annonceurs, souvent issus des mêmes secteurs (télécom, banque et agro-limentaire). De l’autre, l’absence d’acteurs indépendants de la mesure d’audience, de type Médiamétrie. Pourtant, le terminal privilégié étant le smartphone, le support personnel par excellence, les possibilités de concevoir des campagnes très ciblées sont grandes. De nombreuses start-up françaises se positionnent autour de la pub mobile.

 

Quels sont les pays où s'implantent ces jeunes pousses?

J-M H. L’Afrique, c’est 54 États, un territoire qui comporte donc une grande diversité de modèles. Il faut savoir que 45% des entreprises françaises y menant une activité optent pour une stratégie de déploiement pays par pays. Évidemment, la dimension francophone pèse dans leur choix, l’Afrique compte en effet 25 pays francophones. Mais, pas uniquement. Des considérations d’ordre démographique et économique entrent en ligne de compte. Il en va ainsi pour l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Éthiopie ou l’Égypte. Bien sûr, on trouve moins de start-up dans les pays instables (Érythrée, Soudan du Sud…). Paradoxalement, venant de France, elles sont beaucoup plus actives en Afrique Subsaharienne qu’au Maghreb. Ce sont des pays plus matures en termes de technologies, la concurrence y est donc plus rude.

 

Y-a-t-il des initiatives pour soutenir nos entreprises innovantes?

J-M H. Il y a un projet conjoint du Medef international et d'Up Afrique baptisé «Hup 40». L’idée est de suivre 40 start-up innovantes françaises opérant en Afrique. À ce jour, la moitié des entreprises a été sélectionnée pour ce projet. Il n’y a pas de réseau structuré unique des start-up françaises sur le continent, mais on voit se développer des clubs, soit en lien avec le «terreau» français (par exemple des alumnis) ou par secteur, notamment dans le domaine de la santé ou de l’internet des objets.

 

Quels sont les secteurs privilégiés?

J-M H. Il y en a trois. Le premier est l'énergie, notamment dans des pays subsahariens qui éprouvent des lacunes en taux de raccordement de l'électricité. Deuxième grand secteur: la fintech, en particulier autour des moyens de paiement. Le troisième, c’est le digital, dont l'e-commerce, qui se développe à grande vitesse en Afrique depuis deux ou trois ans, même si l’usage est encore faible par rapport à l’Europe. Comme l’Afrique est un continent «mobile first», il est possible d'y mener des expérimentations que l’on ne peut pas faire en France.

 

Quelles sont les opportunités encore à saisir pour les entrepreneurs?

J-M H. Tout ce qui relève du big data, de l’analytique, de la data science et du machine learning est dans l’ensemble peu couvert. Ce qui s’explique par le peu de données accessibles: démographie, audience média, comportements, tout reste à construire de ce côté-là. Par ailleurs, il existe encore peu de projets autour de la robotique et de l'électronique, parce que le tissu industriel se développe plus lentement. On trouve tout de même quelques start-up locales, à l’instar de la société VMK, qui conçoit des appareils mobiles. 

Criteo a l'Afrique dans son radar

Pour le géant français de l'ad tech, le continent africain est un marché intéressant. «Nous avons l'Afrique depuis plusieurs années dans notre radar, après avoir lancé notamment notre première campagne sur le continent en 2013, explique Dirk Henke, directeur général «Marchés émergents» de Criteo (lire son interview ici). Notre objectif est de devenir la plateforme préférée de marketing à la performance pour toutes les entreprises d'e-commerce, locales et internationales, qui cherchent à se développer en Afrique.»

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