Diversité
Dans l’univers très sérieux et masculin du conseil en stratégie, l’inclusion des LGBT ne va pas toujours de soi, comme dans beaucoup d'autres secteurs. Le Boston Consulting Group s'engage fortement sur le sujet.

Pour 58% des étudiants et des jeunes actifs, être «out» au bureau «est potentiellement un inconvénient», d'après le baromètre sur la communauté LGBT et la sphère professionnelle réalisé début 2016 par le Boston Consulting Group (BCG). Toujours selon cette étude, si 63% des répondants déclarent avoir effectué leur coming out auprès de l’ensemble de leurs cercles, famille et amis, 34% des répondants éviteraient de dévoiler le genre de leur partenaire en milieu professionnel. Ils sont même 11% à préférer mentir, en se faisant passer pour célibataire ou en mentant sur le genre de leur partenaire. Aujourd'hui, les secteurs considérés comme les plus discriminants sont les secteurs traditionnels: 59% des personnes interrogées considèrent que faire son coming out est potentiellement un inconvénient dans la finance, 57% dans l’industrie, seulement 43% dans la communication et les médias et 49% dans le secteur du conseil. Le BCG a justement décidé de s'engager dans une politique «LGBT-friendly». Explications de François Dalens, senior partner et managing director.

 

Le Boston Consulting Group vient de signer la Charte d’engagement LGBT de l’Autre Cercle… quel est le sens de cette démarche?

François Dalens. Dans le secteur du conseil, où nous nous ressemblons beaucoup et sortons souvent des mêmes moules, des mêmes écoles, nous essayons de faire évoluer cette image en misant sur la diversité. Nous avons fondé dès 1994 au BCG un réseau LGBT qui a ensuite été étendu au niveau mondial. Paris, qui est aujourd’hui un des plus gros bureaux du BCG avec 450 consultants et 750 salariés sur les 14 000 collaborateurs que compte le cabinet dans le monde, est un des moteurs de ce réseau. Aujourd’hui, la signature de cette charte est un symbole fort mais en réalité nous sommes déjà plus avancés sur ce sujet que les engagements prévus par la charte. Et ce n’est pas qu’une question d’image, loin s’en faut: l’idée est de recruter les meilleurs, quel que soit leur parcours ou leur identité.   

 

Concrètement, en quoi consiste cet engagement?

F.D. Il est important de communiquer auprès de cette communauté: en disant à ses membres «vous êtes les bienvenus au BCG». Les gens passent beaucoup de temps au travail: je veux qu’ils se sentent bien dans ce qu’ils font au BCG, que ce sujet ne soit pas un problème, qu’ils concentrent toute leur énergie mentale à résoudre les problèmes des clients. Il faut aussi éviter que ce sujet soit tabou, que les salariés qui appartiennent à cette communauté puissent choisir ou pas d’en parler. Quand je présente le BCG aux nouveaux arrivants, il y a deux slides pour évoquer notre réseau LGBT. C'est peu de choses car il ne s’agit pas de faire de la discrimination positive mais le fait que cette parole soit tenue par moi est un signal fort.

 

Vos clients comprennent-ils cet engagement?

F.D. Il s’agit de montrer la voie à nos clients en termes de diversité, comme sur la transformation digitale ou tous les autres sujets business. C’est une prise de risque mais c'est dans l'ADN du BCG de les challenger sur tous ces sujets. D'ailleurs, j'ai partagé l’article relatant la signature de la charte sur mon profil Linkedin où il y a tous mes clients et cela a été très apprécié.

 

Est-ce un atout dans le recrutement?

F.D. Cela nous permet d’accéder à un pool de talents, de communiquer sur ce que l’on est vraiment et il n’y a pas d’incompréhension sur notre culture d’entreprise. D’ailleurs, les jeunes diplômés peuvent contacter notre réseau LGBT s’ils ont des questions (lire témoignage). Résultat, quand nous les recevons en entretien, ils sont focalisés à 100% sur le métier et ne cherchent pas à savoir si nous sommes LGBT-friendly ou pas. L’idée est de recruter les meilleurs, de les faire progresser… et de contribuer à diffuser les valeurs d’inclusion, de diversité. À l’heure où la frontière entre vie personnelle et professionnelle se brouille, de plus en plus de gens évoquent leur vie privée au bureau. Un phénomène encore plus marqué chez les jeunes. Du coup, les étudiants qui nous contactent cherchent un environnement LGBT-friendly. Pour eux, c’est devenu un critère important.

 

Votre politique diversité est plus large…

F.D. Oui, cela s’inscrit pour nous dans une politique ressource humaine plus large de promotion de la diversité. Nous avions ainsi pour objectif de recruter 40% de femmes et nous ne sommes pas loin du but puisque nous en sommes à 36%. De même qu’il y a aujourd’hui 35% de femmes dans le comité exécutif du BCG au niveau mondial.

 

Vous êtes dans une phase où vous devez aussi recruter de nouveaux profils…

F.D. En fait, nous avons toujours privilégié la diversité des profils: aujourd’hui, 40% des gens que l’on recrute ont déjà une expérience professionnelle. Parmi eux, il nous est arrivé d’embaucher des directeurs d’usine, un pilote d’Air France, un chirurgien cardiaque… et aujourd’hui des profils de mathématiciens ou de data scientist dans le cadre du lancement de notre entité BCG Gamma, spécialisée dans la data. Elle comprend 250 experts au niveau mondial et le mathématicien Cédric Villani en est le conseiller scientifique. Cette diversité nous permet d'avoir des regards, des perspectives, des façons de traiter les problèmes complémentaires. Si le fond de notre métier –accompagner les entreprises dans la transformation du monde– n’a pas changé, en revanche la boîte à outils, la façon d’accompagner les directions générales a profondément évolué ces dernières années. Les clés de la croissance pour un cabinet comme le nôtre, ce sont des missions que l’on n’aurait pas faites il y a cinq ans.

Témoignage 

«Inviter son partenaire à des événements pros sans se poser de questions»

Gontran Bagard, directeur de projet au BCG, responsable du réseau LGBT en France 

«Notre objectif, c'est que les LGBT ne ressentent pas de barrières à faire leur coming out s'ils le souhaitent. L’idée, c’est qu’il ne doit pas y avoir de mauvaises raisons de rester dans le placard, que les gens qui veulent être “out” puissent le faire. Le fait d’avoir un réseau LGBT (dont la taille a quadruplé sur les cinq dernières années et qui compte aujourd’hui 350 personnes dans le monde dont 150 personnes en Europe) avec des rôles modèles séniors (LGBT ou pas) est une chose importante pour moi. Le fait d’être dans un environnement de travail LGBT friendly permet d’être soi-même, de pouvoir parler de sa vie personnelle et inviter son partenaire à des événements professionnels sans se poser de questions. Les membres de notre réseau LGBT sont sollicités pour coacher des étudiants de grandes écoles souhaitant nous rejoindre. Il m’arrive par exemple de répondre à des questions d’étudiants LGBT qui veulent être rassurés sur la politique du BCG. Au cours de ces échanges téléphoniques, je tords le cou aux clichés qu’ils peuvent avoir sur le BCG: ils me demandent par exemple s’ils peuvent être out vis-à-vis des clients ou indiquer sur leur CV qu’ils ont participé à l’organisation d’un événement LGBT… Par ailleurs, en tant que nouveau manager, j’ai également suivi une formation où était abordée la gestion de la diversité dans les équipes et le sujet des LGBT.»

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