Dossier Evénementiel
Les événements de communication interne sont en pleine mutation: adieu les grand-messes «top down», désormais, l'accent est mis sur l’authenticité en faisant la part belle aux salariés.

Clap de fin? La convention d'entreprise, version grand raout célébrant la communion des collaborateurs avec le dirigeant, entame sa sortie de scène. «Le show du patron, les tables rondes de cadres supérieurs animées par un journaliste TV qui fait des ménages sans conviction, le coach sportif à la retraite venu vanter l’esprit d’équipe, le team building à tendance “on souffre ensemble”…, tout ça a du plomb dans l’aile, résume Bruno Scaramuzzino, cofondateur et PDG de Meanings. Les années 2000 finissent de mourir lentement, mais sûrement.» Une grande mutation s’opère donc, décisive et silencieuse. «La demande des entreprises a évolué et la rencontre “top down” est abandonnée», constate Franck Louvrier, président de Publicis Events. Une évolution qui a connu deux phases, détaille Jeanne Bordeau, fondatrice et dirigeante de l’Institut de la qualité de l’expression: «Il y a cinq ans, l’enjeu était porté sur l’écoute des salariés. Depuis deux ans, je note que ce sont plutôt leurs contributions qui sont mises en valeur.» Une parole dont les dirigeants feraient bien de s’inspirer, précise Jeanne Bordeau: «Il existe dans les entreprises des propos qui sont de véritables pépites verbales, singulières et imagées. Ils sont les échos de la culture d’entreprise et de la vision stratégique. C’est cette parole éprouvée, cette langue à soi, qui seule peut donner vie à une valeur partagée ou faire le suc et l’authenticité d’un discours.»

Intervenants et partenariats inattendus

Pour que cette mise en valeur soit une réussite, le recueil de la parole des collaborateurs devient un enjeu majeur. Jeanne Bordeau a sa méthode: «Il faut les écouter sans leur imposer quoi que ce soit. C’est le meilleur moyen de faire surgir une parole vraie, qui évoque de belles histoires mais aussi les défis et blessures inévitables d’une vie professionnelle. J’amène des ethnologues et des philosophes pour mieux capter tous ces témoignages.»

Les conventions font aussi une place toujours plus grande aux intervenants extérieurs. Une démarche somme toute logique aux yeux de Julie Jolliot, directrice de l’activité communication interne de Babel: «Les équipes ont de moins en moins de temps pour aller écouter ce qu’il se passe ailleurs, d’où l’importance de faire intervenir des personnalités extérieures, y compris de domaines complètement différents. Quand j’étais chez Kering, j’ai ainsi fait intervenir une prévisionniste des modes et tendances futures, qui ose dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Ce sont des moments qui élèvent, inspirent et permettent de faire un pas de côté.»

Havas Paris accompagne depuis trois ans Orange dans la conception et la préparation de son Show Hello avec une ligne directrice: que les salariés soient au cœur du processus et présentent les innovations. Libérer la parole a toutefois exigé un patient travail en amont, rappelle Olivier Bas, vice-président d'Havas Paris: «Cela prend du temps, mais nous avons maintenant une expression libérée. L’enjeu, c’est l’émotion et l’authenticité. Il y en a assez des éléments de langage! Les entreprises qui gagnent ont cette capacité à mobiliser l’interne pour exécuter la stratégie.»

Cette libération s’appuie parfois sur des partenaires inattendus. Le laboratoire pharmaceutique Janssen France a ainsi fait appel à des acteurs de la Ligue d’improvisation. «Nous avons proposé à nos collaborateurs de participer à des matchs d’improvisation, explique Valérie Perruchot-Garcia, sa directrice de la communication et des affaires publiques. Nous avons sollicité vingt-quatre acteurs de la Ligue d’improvisation. Chacun a formé deux équipes de collaborateurs, soit 48 équipes au total, qui se sont ensuite affrontées dans des matchs à base de sketchs dont l’objectif était de transmettre ce qu’ils savaient de Janssen. Les gens se sont amusés tout en prenant du recul.»

Un besoin face à la digitalisation

Par ailleurs, le choix du lieu reste déterminant. Il fait même partie intégrante du message, assure Franck Louvrier, de Publicis Events: «Pour une grande société d’assurance, nous avons organisé une convention de trois jours pour deux cents personnes au cœur de l’un des plus grands déserts du monde. Le lieu est aussi un message. Dans ce cas précis, il signifiait la fin d’un cycle et l’affirmation que l’entreprise existe par ses hommes et ses femmes, hors de toute urbanité superficielle.»

La fin du format grand-messe ne marque pas pour autant le déclin des conventions. Leur poids dans la vie des entreprises ne peut que grandir encore. «La convention ne peut que gagner en importance dans un monde voué à l’échange immédiat et désincarné, selon Bruno Scaramuzzino, de Meanings. Elle doit servir à recréer du lien, le matérialiser. Une réponse à la dictature du temps court et à la digitalisation du monde.» Contre toute attente, la digitalisation croissante a donc attisé le besoin de rencontres réelles autour de la parole des collaborateurs. Une nouvelle ère s’ouvre donc pour les conventions.

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