Face à une crise sans précédent du marché de la photo, les professionnels du secteur en appellent à l’État.

«Être photographe aujourd'hui, c'est une forme de suicide social.» Comme beaucoup de ses confrères, Alexandre Cometti, photographe professionnel depuis vingt ans et créateur du blog Le photographe cybernomade, a du mal à boucler les fins de mois. «Il y a quelques années, le photojournalisme représentait la majeure partie de mes revenus, explique-t-il. Aujourd'hui j'ai arrêté d'en faire tant les photos de presse sont mal payées et les abus nombreux.»

Alexandre Cometti est l'un des 13 500 signataires de la pétition Sauvons la photographie,  à l'initiative de l'Union des photographes créateurs (UPC), Freelens et la Société des auteurs de l'art visuel et de l'image fixe (Saif), déposée au ministère de la Culture et de la Communication le 2 février pour demander notamment la tenue d'états généraux de la photographie. Ces trois structures sont dorénavant réunies dans un seul et unique syndicat l'Union des photographes professionnels (UPP).

Le texte dénonce en vrac «les utilisations massives de photos dites libres de droit, celles à un euro, celles signées “DR” (Droits réservés), la baisse des tarifs, la remise en cause par les juges de la qualité originale des photographies, la banalisation de la photographie comme un bien de consommation…» Et aussi des «pratiques abusives générant une crise économique sans précédent mettant en péril les auteurs photographes et les agences photographiques qui diffusent leurs images [voir encadré]».

Une profession hétérogène

«On est en train de mourir et tout le monde s'en fiche, notamment les pouvoirs publics, s'insurge Frédéric Buxin, président de l'UPC. C'est quand même incroyable que dans la loi Création et Internet, la photo ne soit même pas mentionnée.» Réponse du ministère de la Culture et de la Communication : «Pour M. le ministre [Frédéric Mitterrand], les difficultés de cette profession sont un vrai sujet, assure Béatrice Mottier, conseillère communication au sein de son cabinet. Deux inspecteurs généraux ont d'ailleurs été mandatés sur des actions à entreprendre en faveur du photojournalisme. Ils rendront leur rapport en avril.»

Profession hétérogène (photographes de mode, d'art, de collectivités territoriales, de presse, artisans en boutiques), le métier regrouperait en France quelque 15 000 professionnels, dont 1 200 photographes de presse et 3 300 photographes-auteurs.

Parmi les pistes souhaitées par les organismes professionnels, la création d'une entité capable de gérer collectivement la diffusion de masse de la photographie sur le Web, à l'instar de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) pour les œuvres musicales ou de la Scam pour les auteurs (Société civile des auteurs multimédias).  «Si rien n'est fait rapidement, Paris capitale mondiale du photojournalisme risque de perdre ses derniers fleurons», prévient Frédéric Buxin.

 

 

Dépot de bilan pour Eyedea

Le groupe Eyedea, qui coiffe notamment des agences photographiques et fonds mythiques comme Gamma, Rapho, Jacana et Keystone, a annoncé le 26 janvier dernier sa mise en cessation de paiement aux membres du comité d'entreprise. Une filiale, Eyedea Presse, a été placée le 30 juillet 2009 en redressement judiciaire avec une période d'observation de six mois. En septembre, vingt-cinq licenciements avaient été prononcés, huit étant refusés par l'inspection du travail. Le tribunal de commerce de Paris a donné jusqu'au 26 février à Eyedea pour trouver un repreneur après sa mise en cessation de paiement. La prochaine audience est prévue le 30 mars.

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