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Les écoles et les universités qui dispensent des formations en communication font souvent appel à des professionnels. Mais la présence de ces profs associés débouche rarement sur l'embauche d'étudiants.

Lessivée mais heureuse. Marie-Claude Sicard, experte en stratégies de marque, vient de sortir de quatre heures de cours au Celsa avec ses étudiants en master. «Être face à eux, c'est toujours un challenge intellectuel et un plaisir extrême», explique cette normalienne agrégée, devenue il y a deux ans professeur associé au Celsa. Comme elle, nombre de professionnels de la communication et des médias se sont construits une double vie d'enseignant. Avec des motivations diverses. Pour la plupart, le moteur principal est la passion, l'envie de transmettre. D'autres y joignent la volonté de rendre à l'école ce qu'elle leur a donné et enseignent dans l'établissement où ils ont fait leurs classes.


«Enseigner est également très formateur pour un professionnel,
considère Vincent Soulier, ancien directeur marketing dans le groupe Marie Claire, aujourd'hui maître de conférence associé au Celsa. C'est une manière de se contraindre à prendre du recul sur son métier, de le conceptualiser et de le théoriser. Une façon de s'activer les neurones et de revenir à une dimension intellectuelle que l'on ne retrouve pas toujours dans le monde professionnel.»

L'argent est-il une motivation ? Rarement dans les universités où les barèmes sont encadrés avec un tarif horaire de 60 euros pour un cours en amphi et 40 euros pour une séance de travaux dirigés (TD). Idem à Sciences-Po. «Quel que soit le renom du professionnel, les tarifs ne sont pas négociables», assure Jean-Michel Carlo, directeur de l'école de communication de l'Institut d'études politiques de Paris. À savoir, 60 euros le TD et 80 euros pour un cours magistral.

 

Entre 80 et 150 euros de l'heure dans le privé


En revanche, dans nombre d'écoles privées la rémunération peut être un moyen d'attirer des professionnels. Selon nos informations, le tarif horaire dans les écoles de communication serait généralement compris entre 80 et 150 euros. Ainsi, certains professionnels cumulent les cours dans différentes écoles privées pour se constituer un double salaire.

Autre motivation : le prestige attaché à la figure de l'enseignant. Surtout quand l'école est réputée. «Donner des cours chez nous, c'est aussi une carte de visite», remarque Philippe Vannier, secrétaire général du Celsa. Certains y vont aussi pour faire comme les copains. «Untel a son cours, moi aussi je veux le mien, nous disent certains», ajoute Jean-Michel Carlo. À Sciences-Po comme au Celsa, les professionnels se bousculent au portillon pour donner des cours. Ces deux écoles reçoivent chaque année près de cent cinquante candidatures spontanées. Autant dire qu'avec de tels viviers, ces écoles n'ont nul besoin de publier des annonces de recrutements.

 

Dans les écoles privées, la majorité des recrutements procède d'une démarche active. Avec, comme à l'Iscom (école supérieure de communication et de publicité), des personnes chargées de solliciter des professionnels en poste, via notamment les associations professionnelles et les réseaux sociaux. Mais quelles que soient les écoles, la difficulté est la même. «On peut être un très bon professionnel et un très mauvais prof», résume Virginie Munch, directrice générale de l'Iscom. Problème : on ne connaît les qualités pédagogiques d'un pro qu'après lui avoir donné les «clés» d'un cours.

Pour gommer les erreurs de casting, beaucoup d'écoles demandent à leurs étudiants d'évaluer leur prof à la fin de la période de cours. Le taux de turn-over dans les écoles est souvent très important d'une année sur l'autre.

Pourquoi faire appel à ces professionnels ? D'abord parce que la matière «communication» se prête parfaitement à des études de cas concrets. Ensuite, parce qu'afficher un maximum de professionnels dans ces équipes pédagogiques est un élément d'attractivité supplémentaire vis-à-vis des étudiants. À l'école de communication de Sciences-Po, la moitié des enseignements sont assurés par des professionnels. De son côté, le Celsa compte vingt-cinq enseignants chercheurs pour un vivier de quatre cents chargés de cours professionnels. Quant à l'Iscom, à partir de la licence, tous les enseignants sont des professionnels. «C'est un élément de notre marque, souligne Virginie Munch. Plus de la moitié des débouchés proposés aux étudiants sont le fait de nos intervenants professionnels.» L'occasion pour un professionnel de repérer des talents et éventuellement de les embaucher.

 

Les cours sont-ils pour autant un outil de prérecrutement ? Jean-Christophe Alquier, patron de l'agence Harrison & Wolf, qui intervient à l'école de communication de Sciences-Po dans un module de communication de crise – à raison de trente heures par semestre, n'y croit pas. «De même qu'un excellent professionnel n'est pas forcément un excellent prof, un bon étudiant ne sera pas forcément un bon professionnel, estime-t-il. De toute façon, on a rarement le temps de bien les connaître et d'évaluer leur intelligence relationnelle, fondamentale dans le monde de l'entreprise. » Comment ces intermittents de l'enseignement perçoivent-ils leurs élèves ? Naïfs pour les uns, désabusés vis-à-vis du monde de l'entreprise pour les autres, «zappeurs» pour la plupart. «Ils viennent tous en cours avec leur ordinateur portable, raconte Jean-Christophe Alquier. Je ne doute pas qu'avec la présence du Wifi dans les locaux ils fassent autre chose que de m'écouter...»

 

 

Professeurs titulaires contre professeurs associés

Les sciences de l'information et de la communication sont les disciplines qui recrutent le plus grand nombre de professeurs associés (30% du personnel permanent des universités contre 6% dans les autres matières). Le statut de ces professeurs associés comme leur mode de nomination agacent les professeurs titulaires. «Ils sont mieux payés que nous, n'ont pas de charges administratives et sont nommés par piston sans qu'un quelconque critère académique ne leur soit demandé», s'offusque l'un d'eux qui tient à garder l'anonymat.

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