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Les services de communication des établissements de l'enseignement supérieur souffrent d'un manque de moyens et d'une politique de marque embryonnaire. Toutes misent aujourd'hui sur le numérique pour communiquer.

La question est dans toutes les têtes des directeurs d'écoles et de leurs responsables de communication : dans cette forêt des formations à la «com» disponibles, comment peut-on se différencier pour attirer les étudiants? Tant au plan national qu'international, la concurrence dans l'enseignement supérieur n'a en effet jamais été aussi féroce, notamment dans la communication, où le périmètre des formations est très grand. On y trouve des écoles privées spécialisées, des écoles de design renommées, des licences et masters d'université, sans compter la ribambelle d'écoles de commerce et de management formant de futurs chefs de publicité et autres «responsables communication».

«La différenciation passe immanquablement par une réflexion sur la marque. Or, en ce domaine, la communication des écoles et universités en est encore à ses balbutiements», rappelle Brigitte Fournier, présidente de l'agence de communication Noir sur blanc, spécialiste de l'enseignement supérieur. Il y a trois ans, cette agence publiait une étude, «L'Enseignement supérieur à l'épreuve de la communication», en forme de pavé dans la mare  (cf. Stratégies n° 1431). Budgets riquiqui (46% des budgets de communication étaient inférieurs à 90 000 euros), équipes faméliques et mal formées, les services de communication de l'enseignement supérieur en prenaient pour leur grade.

Problème, selon Brigitte Fournier, la situation ne semble guère avoir évolué depuis. À l'Arces, l'association regroupant la majorité des responsables communication de l'enseignement supérieur, on partage le même avis. Pour promouvoir la communication des écoles, elle vient d'ailleurs de lancer la première édition du Prix de la communication pour valoriser les meilleures initiatives. «Beaucoup d'écoles parlent de marque, mais hormis HEC [6 millions d'euros de budget de communication] et quelques autres, très peu la travaillent aujourd'hui, note Véronique Giardina, membre de l'Arces et responsable de la communication de l'École supérieure de commerce et de management (Escem). Les communicants attachés à la promotion d'un enseignement supérieur souffrent d'un manque de reconnaissance d'autant plus grand qu'on les cantonne trop souvent à un travail sur les outils plutôt que sur la stratégie.»

Faire beaucoup avec peu de moyens

Alors, comment se différencier sans grands moyens et avec des équipes réduites? Les actions de marketing du type e-mailing et action de terrain restent largement utilisées, tout comme l'insertion presse (en moyenne du tiers à la moitié des budgets de communication). Mais c'est surtout Internet qui monte en puissance dans les écoles.

«Avec le Web et ses applications Web 2.0, on peut faire beaucoup avec peu de moyens», résume Virginie Munch, directrice de l'Iscom. L'école a ainsi créé un blog, Iscom life, animé par les étudiants. Des comptes Twitter et des pages Facebook pour rendre compte de l'actualité de l'école sont aussi actives, comme d'ailleurs dans de nombreux établissements, tels l'Edhec, HEC, ESCP Europe, Insead, etc. «Les jeunes y sont, ce qui fait que pour les toucher, on ne peut se permettre de ne pas y être», explique Véronique Giardina, de l'Escem. Jusqu'à risquer de paraître intrusive? Conseillée par une agence de communication, elle a placé des encarts publicitaires sur les profils Facebook d'étudiants susceptibles de la rejoindre. Les résultats? «Tout ce que l'on sait, c'est que ce n'est pas cher, affirme Véronique Giardina. Quatre mille euros, contre 70 000 pour notre dernière campagne sur France Info. Pour le reste, si l'agence nous a dit que les résultats étaient bons, on n'a pas pu vraiment les mesurer.»

Quoi qu'il en soit, dans les écoles, le Web est en train de révolutionner les façons de communiquer et aussi d'enseigner. Dorénavant, la pédagogie se conjugue également au numérique. Les cours tiennent même dans la poche. Certaines écoles de renommée mondiale, comme le fameux Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont déjà développé des modules pour smartphone. Sans compter les cours en amphi de plus en plus remplacés par des vidéos de professeurs avec lesquels les étudiants peuvent entrer en contact via des plates-formes communautaires créées à cet effet. «S'il n'est pas souhaitable que tous les cours soient dispensés ainsi, considère Jérome Simon, responsable d'Astrolab, une agence interactive interne à l'Escem qui a développé des modules d'e-learning sur Iphone et des vidéos pour l'école et ses étudiants, il est clair que ces nouvelles formes de relation fondées sur l'image et l'interactivité correspondent parfaitement aux aspirations des nouvelles générations.»

Côté communication, les plates-formes de partage de vidéos sont les plus en vogue, avec une multitude de films visionnables (événements d'écoles, visites des campus, films publicitaires, «lip dub», etc.). Notamment You Tube, le deuxième moteur de recherche sur Internet après Google en 2009, selon Comscore, devenu enjeu majeur pour les écoles en termes de référencement et de visibilité. Près de trois cents établissements, majoritairement anglo-saxons, dont une demi-douzaine de français (ESCP Europe, EM Lyon, HEC Paris, Université Paris 8, Insead, Sciences Po, etc.) sont ainsi sur You Tube EDU, plate-forme lancée en mars 2009.

Le renouvellement des cursus 

Mais si les étudiants sont très friands de ces réseaux sociaux et autres sites de partage de vidéos, ils en sont aussi les principaux émetteurs de contenus. Et ne se gênent pas pour parodier leurs propres écoles. Avec plus de 5 millions de visionnages, le «lip dub» non officiel des étudiants en communication de l'université du Québec à Montréal (Uqam) est l'un des plus connus. On y voit notamment des étudiants hilares faire tourner bières et alcools forts dans le campus. Pas sûr que l'établissement ait voulu être reconnu pour cette activité… Mais il y a encore bien plus trash, y compris en France. À l'image, entre autres, de cette parodie d'étudiants de l'école des Mines de Nancy sur leur junior-entreprise. Le titre de la vidéo ?  «Je t'encule.» «De fait, on ne peut maîtriser ce qu'ils mettent sur le Web, souligne Véronique Giardina (Escem). Tout ce que l'on peut faire, c'est tenter de les responsabiliser en cours et de créer des pages sur ces plates-formes pour les ramener à nous et mieux les encadrer.» Dans cette optique, certaines écoles créent des concours internes où les étudiants ont carte blanche pour parler de leur école. C'est ce qu'a fait l'ESCP Europe en juin dernier, où, à côté de la campagne de communication classique de l'école, les étudiants ont été invités à faire leurs vidéos pour créer du buzz (cf. Stratégies n° 1551). Un moyen de ramener les brebis égarées au bercail…

Avant tout, ce qui fait la différence aux yeux des étudiants pour choisir leur école concerne la qualité des enseignements et les débouchés offerts. Pour adapter leur pédagogie aux attentes des entreprises, les écoles ont de plus en plus souvent recours à des intervenants extérieurs en exercice dans l'entreprise (cf. Stratégies n° 1580).  Les écoles s'entourent de ces professionnels pour rester en phase avec les métiers de la communication, en les intégrant dans leur conseil d'orientation stratégique, voire dans leur conseil d'administration.

Au Celsa, les étudiants ont également leur mot à dire sur les futures orientations pédagogiques. Chaque année, une commission paritaire étudiants-enseignants-conseils de département se réunit pour évaluer les parcours, les modifier, voire les supprimer. En cinq ans, les cursus ont été renouvelés d'un tiers pour répondre aux attentes du marché, à l'image de la création d'une filière management des médias.
Enfin, qui dit insertion professionnelle dit réseaux d'anciens. «Il est fondamental que les établissements français les travaillent davantage», estime Brigitte Fournier, de l'agence Noir sur blanc. C'est ce que font par exemple les écoles anglo-saxonnes, très en pointe sur le sujet. Harvard en constitue une belle illustration. L'aura de cette université, au-delà de sa politique de produits dérivés, s'appuie largement sur ses anciens élèves, notamment pour sa politique de collecte de dons. Elle communique à loisir sur ceux classés dans les rangs du Fortune 500 ou symbolisant la réussite, tels Nathalie Portman, Al Gore ou Théodore Roosevelt, passés par l'école. Mais n'est pas Harvard qui veut…

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