Une étude BVA réalisée pour la société de conseil en management BPI montre que les dirigeants d’entreprises sont, comme les salariés, hautement conscients de l’importance de leur image sur le plan social.

Jacques Doyen, directeur de Vivienne 16-BPI, société de conseil en stratégie de changement, le reconnaît: France Télécom et sa vague de suicides ultramédiatisée ont servi de «caisse de résonance» et de «catalyseur» à une préoccupation globale des patrons, des salariés et de leurs élus. Ceux-ci ne courent-ils pas le risque, en ces temps de crise, de voir se détériorer l'image sociale de leur entreprise?

Une enquête menée en avril pour BPI par l'institut BVA auprès de 1 000 salariés, de 203 représentants du personnel et de 201 chefs d'entreprises de plus de 200 collaborateurs, montre qu'il y a aujourd'hui convergence des différents acteurs de l'entreprise sur l'attention à accorder à cette notion d'image sociale.

Non seulement, comme on le pense souvent, pour attirer des nouvelles recrues et préserver ainsi sa réputation d'employeur, mais aussi pour conserver les talents, favoriser l'implication des salariés dans leur travail ou, mieux encore, pour assurer l'attractivité de sa marque et de ses produits.

L'image sociale génératrice de business? A 90%, les salariés le pensent, selon l'étude. Et parmi les dirigeants d'entreprises, ils sont trois quarts à considérer qu'elle a un impact sur la relation commerciale et l'attrait de leurs produits (voir tableau).

«Il y a un consensus, à 98%, pour considérer que l'image sociale a des conséquences importantes, explique Jacques Doyen. Elle est déterminée par le bien-être et les conditions de travail, et elle contribue à garantir la prospérité de l'entreprise en assurant une bonne image auprès des clients et le développement de la rentabilité.»

Les dirigeants ne sont-ils pas un tiers (34%) à estimer qu'il faut travailler son image sociale pour des raisons commerciales? Marc Specque, responsable de la communication interne de Shell France, n'est pas surpris: «Oscar Wilde disait que l'image crée la réalité. Dans un environnement changeant, où les contrats sont plus éphémères, le respect des personnes, le bien-être ou l'employabilité des salariés comptent. Mais il ne faut pas chercher à aller dans la maîtrise totale de l'image, qui n'est pas assurée par les grands discours sur les valeurs, mais par la qualité du dialogue et des relations humaines. »

Concernant le respect des salariés, 71% des représentants du personnel, 64% des patrons et 57% des collaborateurs associent l'image sociale à cette notion clé. Viennent ensuite, de façon plus marginale, les éléments liés à la communication ou au marketing. En jeu, donc, l'attention portée aux conditions de travail, à la non-discrimination, à la qualité des relations avec le management de proximité ou encore à l'effort déployé pour assurer l'employabilité des salariés.

Quelle contribution autre que financière?

Les divergences apparaissent dès que l'on évoque le mot même de respect: là où les dirigeants songent positivement au bien-être des salariés (à 54%), les élus du personnel y voient surtout un manque de considération (à 45%). Autre signe de l'écart existant, ils sont 90% des patrons à estimer que leur entreprise a une bonne image sociale, alors que seulement 59% des salariés le pensent.

La politique de rémunération, souvent défavorable aux femmes, est mise en cause. Considérée comme peu attractive par 43% des salariés, elle est fustigée non seulement pour ses parachutes dorés et ses stock-options accordés aux dirigeants (47%), mais aussi compte tenu de la «disproportion» des revenus entre dirigeants et salariés (39%).

Dans une interview à L'Express, le 18 avril, le nouveau directeur général de France Télécom, Stéphane Richard, ne s'y est pas trompé: «Je sais que je risque d'être taxé de démago ou de mauvais camarade, mais l'écart de rémunération entre la base et les sommet de la pyramide est trop important.»

Une façon de soigner son image sociale? En tout cas, il a réaffirmé, le 18 mai dans Le Monde, qu'il avait une «vraie ambition collective» pour réussir sa «thérapie» à France Télécom.

Parmi les remèdes, un appel à être davantage «pro-actifs» vis-à-vis des personnes vulnérables et l'indexation de l'intéressement de ses managers sur le bien-être des salariés. Là où 80% de leur rémunération flottante étaient liés à des critères purement économiques (les 20% restants à la qualité), l'idée est de passer à 50% de part variable sur des critères non économiques, dont 30% dépendant de la réussite sociale du manager, qui se mesurera grâce à un baromètre de satisfaction des salariés.

Mais comment contribuer, autrement que financièrement, à s'assurer une bonne image sociale? On songe, bien sûr, aux engagements éthiques ou aux chartes environnementales. Mais ces éléments arrivent en bas de classement dans l'étude de BPI.

Des repères et des principes d'action

Pascal Tanchoux, directeur de la communication de Kraft Foods France, relève l'importance de solliciter l'avis des collaborateurs en amont du lancement d'un produit. Avant leur mise sur le marché, un ou deux échantillons de café Jacques Vabre Bio ou de chocolat Côte d'or sont distribués aux salariés afin qu'ils puissent les goûter en famille. «Si la nouveauté fait sens, observe-t-il, on peut avoir un excellent retour en interne, qui est encourageant. Et cela peut aussi contribuer à repérer une petite imperfection sur le packaging. C'est un lien très concret qu'on essaye de préserver auprès de nos collaborateurs.»

Jacques Doyen, de BPI, parle de «redécouverte du facteur humain dans les entreprises», qui survient après une décennie de restructuration des effectifs et dans un contexte d'incertitude sur la stratégie. «L'image sociale donne des repères dans une situation de flou permanent et permet de refonder une appartenance collective, explique-t-il. Elle ne se bâtit pas autour de grandes idées généreuses, mais sur des principes d'action. Si vous voulez de la performance collective, il faut que les gens s'impliquent, il faut recréer un pacte de confiance. Fini les paillettes et les process: le social fait partie du patrimoine de l'image et la communication interne doit toujours être fondée sur des pratiques de ressources humaines concrètes.»

Un conseil d'autant plus avisé que les jeunes générations ne se sentent plus liées à leur entreprise et ont tôt fait de faire et défaire les réputations des entreprises dans les réseaux sociaux.

Et si la clé de l'image sociale de demain résidait dans une meilleure prise en compte des relations interpersonnelles? C'est la thèse de Gérard-Dominique Carton, psychologue et ancien cadre dirigeant chez American Express aux Etats-Unis, qui vient de publier Happy Manager. Le bonheur? Pourquoi pas! aux Editions du Palio: «Il faut s'occuper de la souffrance au travail, mais aussi de générer du bien-être. Ce sont deux choses différentes», souligne-t-il. Lui qui vient d'organiser un colloque sur le sujet avec le professeur Cabrol à la Pitié-Salpêtrière, estime qu'il y a corrélation directe entre la confiance et un bon climat social. Mais comment l'assurer? «En favorisant les discussions entre les gens et en décloisonnant les tours d'ivoire, dit-il. Le respect passe par la convivialité, mais aussi par la politesse. Plus personne ne parle de ces crétins de clients, pourquoi accepte-t-on d'entendre dire ces enfoirés de la compta? Il importe aussi de veiller à mettre les discours en conformité avec les actes: on ne peut prétendre accorder une grande attention aux ressources humaines et supprimer des emplois dans le cadre d'une révision budgétaire.» La limite du bonheur en entreprise?

Lire aussi « Le retour d'un management à visage humain ? »

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