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Traditionnellement très féminisées, les agences cherchent à attirer davantage de collaborateurs masculins pour se conformer aux critères de diversité et mieux répondre aux demandes de leurs clients.

Parmi les quelque 250 salariés hommes de BETC Euro RSCG, les pères de famille vont cette année pouvoir accompagner leurs chérubins pour leur premier jour d'école: ils bénéficient désormais, à l'instar des mamans, d'une journée offerte par l'agence de publicité au titre de la rentrée des classes. La filiale du groupe Havas leur permettait déjà de recevoir la totalité de leur salaire (à concurrence de 8 500 euros) s'ils utilisaient les 11 jours de congé paternité auxquels ils ont droit de par la loi. Du coup, «100% de nos jeunes papas le prennent», se réjouit Muriel Fagnoni, vice-présidente de BETC Euro RSCG, qui ajoute, avec une certaine fierté: «Nous venons de recevoir la première demande de congé parental masculin.»

Si l'agence est aux petits soins pour ses salariés mâles, ce n'est pas un hasard. Dirigée par la très médiatisée Mercedes Erra, figure de proue de l'égalité hommes-femmes en France, elle fait partie des toutes premières PME à avoir obtenu le label Égalité, dont elle a, il est vrai, assuré la communication. Or, 65% de ses effectifs sont féminins. Soit légèrement plus que les 62% enregistrés en moyenne dans le secteur, selon les chiffres de l'Association des agences-conseils en communication (AACC). Mieux: chez BETC Euro RSCG, les collaboratrices représentent 78% des forces de vente!

Difficile de prôner l'équité avec un tel déséquilibre dans ses effectifs. Sans compter que «nous avons en permanence trois ou quatre femmes enceintes dans nos équipes commerciales», constate Muriel Fagnoni. Plus que la gestion compliquée des congés maternité, c'est l'aspiration à davantage de mixité, à l'heure de la diversité à tous crins, qui motive les agences de publicité à intégrer plus d'hommes. «De la complémentarité naît la richesse», rappelle Pierre Le Gouvello, coprésident et «chief people officer» de DDB France. D'ailleurs, son groupe, qui compte «seulement» 58% de femmes sur 1600 salariés, vient d'aligner le nombre de jours «enfants malades» accordés à ses collaborateurs sur celui (jusqu'ici supérieur) de ses collaboratrices.

Public peu fidèle

Les annonceurs aussi semblent désireux d'un meilleur équilibre dans les agences. «Si certains clients préfèrent être gérés par des femmes, d'autres, pour certains budgets, apprécient d'être suivis par des hommes», reconnaît Pierre Le Gouvello. «Les agences de publicité se disent qu'il faudrait qu'elles mettent plus de coqs dans la basse-cour», résume à gros traits Michel Marie, PDG du cabinet de recrutement Marie Team, spécialisé dans le marketing et la communication. Seul problème: la loi française interdit toute discrimination positive à l'embauche. «C'est vrai que, depuis quelque temps, nos clients nous demandent de recruter des hommes, avoue Yamina Moukah, directrice associée de Cherche Susan désespérément, un cabinet spécialisé dans le recrutement dans la publicité et la communication. Je leur explique alors que, davantage que le sexe, c'est le parcours et les compétences des candidats qui comptent.» Car il n'est pas facile pour les agences d'embaucher des hommes tant ils sont rares dans le secteur. Ni, ensuite, de les fidéliser. «Ils changent plus vite d'entreprise que les femmes», constate Muriel Fagnoni.

La publicité est-elle alors condamnée à être en mal de mâles? Pas sûr, grâce au développement des activités numériques et à l'intégration d'agences interactives dans les groupes de communication. «Avec le virage technologique pris par la publicité, les hommes s'intéressent davantage à ce métier», observe Michel Marie. «Nos activités Web nous permettent d'accroître la part de la population masculine dans nos effectifs», confirme Isabelle Jacquot, directrice des ressources humaines de TBWA France, qui emploie 60% de femmes parmi ses 2000 salariés. Ou comment Internet peut jouer en faveur de l'équilibre entre les sexes…

 

 

Les seniors reviennent en grâce

Les grosses agences de publicité ne veillent pas seulement à attirer davantage d'hommes. Elles commencent aussi à se soucier de leurs collaborateurs les plus expérimentés. Et pour cause: la loi les oblige, comme toutes les entreprises de plus de 300 salariés, à signer un accord avec leurs délégués syndicaux en faveur de l'emploi des seniors. Aucune ne s'est fixé d'objectifs de recrutement de personnes de plus de 45 ans (l'âge de référence des seniors déterminé par la branche professionnelle). Mais toutes s'efforcent, à l'instar de BETC Euro RSCG, de maintenir l'emploi pour ce public, qui peut représenter jusqu'à 12% de l'effectif.

L'année où ont eu lieu les négociations, 2009, correspondait il est vrai à l'une des pires crises que le secteur de la publicité ait connues et n'invitait donc pas à procéder à des embauches, a fortiori de seniors.

Dispositifs particuliers

Il n'empêche, la loi a eu pour vertu de changer la vision des agences de publicité sur leurs collaborateurs expérimentés. «Nous sommes en train de revenir sur le jeunisme qui prévalait jusqu'ici et qui était allé un peu trop loin, juge Élise Pillemand, directrice des ressources humaines de McCann France. Par exemple, est-il judicieux d'envoyer un junior négocier avec un PDG?» Les agences, où la culture de l'écrit n'est pas très développée, ont également pris conscience de la perte de savoir-faire liée aux départs à la retraite. «La connaissance d'un client peut difficilement se coucher sur du papier», estime Isabelle Jacquot, DRH de TBWA France.

Résultat: à défaut d'intégrer des seniors (même si les cabinets de recrutement notent une légère hausse de la demande pour ces profils), les agences mettent en place des dispositifs particuliers pour leurs salariés expérimentés. Chez DDB, ils peuvent suivre un congé de bilan de compétences spécifique à partir de 45 ans, opter pour le télétravail à 55 ans et travailler en 4/5 payé à temps plein au-delà de 60 ans.

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