coaching
Comment transformer sa passion en métier, voire en expertise? Les chemins sont nombreux mais exigent de la ténacité et de l'audace. Témoignages.

Il sont nombreux à vivre une passion. Plus rares à en vivre. Et pourtant, les entreprises ont tout intérêt à laisser leurs salariés mettre leur violon d'Ingres à leur service. En témoigne André Mazal, très tôt passionné d'univers visuels, qui a fait des études littéraires à Saint-Étienne avant de monter à Paris dans les années 1970. «C'était une véritable frénésie, se souvient-il. Je courais les expos, j'achetais une dizaine de revues par semaine. J'ai aussi pris des cours d'histoire de l'art au Louvre.» Lorsqu'il décroche un job chez Doc 7, une entreprise qui vendait des dossiers de piges publicitaires aux services de documentation des agences, il y instille son expertise: «Je glissais des annotations sémiologiques ou bien j'effectuais des rapprochements graphiques. Je donnais un peu de sens à ce qui n'était qu'une compilation.»

Avec ses brèves analyses et ses topos lors des rencontres avec les clients, André Mazal se fait remarquer et atterrit dans une agence de publicité, où il continue de peaufiner son expertise. En parallèle, il écrit, avec d'autres, Temps dense. Véritable référence de l'évolution des univers visuels, ce livre connaîtra une seconde édition qui fera date. En 2002, Rémi Babinet, président de BETC, l'invite à rejoindre la documentation de son agence pour doper l'aspect visuel de ce département. Huit ans plus tard, André Mazal y est toujours et occupe désormais la fonction de planneur visuel.

Sa mission comporte deux aspects: d'un côté, il joue le rôle d'une vigie visuelle, toujours à l'affût des tendances, de l'autre, il définit les contours de l'univers dans lequel va se déployer la phase de création. «Imaginons qu'un client veuille développer un message moderne et baroque, détaille-t-il. Mon travail consiste à préciser ces éléments qui peuvent avoir un sens très différent selon les points de vue. Je dessine les contours de l'imaginaire dans lequel va se déployer le talent des créatifs, soit avec des graphiques, soit avec des éléments iconographiques.»

Seconde chance

Elsa Courtois a elle aussi mis du temps à faire coïncider sa fonction professionnelle et sa passion pour la décoration. Tout semblait d'ailleurs la contrarier. La famille comptant déjà une «artiste», elle a dû suivre des études classiques – hypokhâgne, droit, communication – qui la mènent tout droit à la Cogema. Côté déco, pas vraiment l'idéal…

Elle passe ensuite trois ans chez Celio avant de débarquer chez Publicis Consultants, en 2000, pour s'occuper des relations presse de Ricorée. La déco n'est toujours pas au rendez-vous mais Elsa se mêle aux graphistes et enrichit sa sensibilité. En 2003, n'y tenant plus, elle monte «voir le boss» de l'époque: «Je lui ai dit que j'étais arrivée au terme d'une expérience, qu'il me fallait autre chose».

Son audace paie puisqu'elle se voit confier les RP… de Publicis Consultants (elle est aujourd'hui responsable de clients). Enfin, elle peut organiser des séminaires dans des endroits magiques ou insolites comme le Cyclone, l'Atelier baroque ou le musée d'Orsay. Mais choisir l'endroit ne suffit pas, il faut aussi l'aménager: «Je réfléchis en termes de masses et de volumes, de lignes et de structures, de couleurs et de lumières.» Aux tenants de la rigueur budgétaire, elle oppose l'efficacité: «Faire du beau n'est pas forcément plus cher et inviter des gens dans un environnement valorisant, c'est aussi les valoriser!»

Parfois, les passions semblent brisées net et pourtant, elles font encore leur chemin. À 18 ans, Christophe Fourleignie, aujourd'hui directeur général adjoint de TBWA Corporate, avait déjà une décennie de voile derrière lui. Il se voyait skippeur mais un accident de moto l'a obligé à reconsidérer son futur. Après deux ans d'hospitalisations successives et de rééducation, faute de pouvoir devenir skippeur, il intègre l'association de course à la voile de l'université Paris-Dauphine. L'année suivante, il devient président du comité de course.

Au fil des contacts, il se fait un nom dans le monde de la voile au point de se faire repérer par la direction de la communication d'Elf, pour laquelle il va gérer un projet de trimaran : «Mon expertise technique s'est transformée en capacité à gérer des projets complexes».

Au quotidien, il devait répondre aux demandes du skippeur et prévoir des solutions de repli si la météo empêchait l'arrivée des bateaux au jour prévu. Son expertise en faisait aussi une aide précieuse pour des journalistes pas toujours aptes à saisir les subtilités du classement: «Ils appréciaient d'être assistés dans l'analyse des relevés bruts de positions fournies par les satellites, car en voile la ligne droite est rarement le chemin le plus rapide. Les systèmes météo ou des obstacles sont susceptibles de bouleverser l'ordre de ces positions avant le franchissement de la ligne d'arrivée.» Aujourd'hui, Christophe Fourleignie aide les DRH à mieux maîtriser les problématiques humaines. À l'heure où les bourrasques sociales fragilisent tant d'entreprises, il s'agit d'éviter les récifs les plus dangereux.

 

Encadré

Passionnés, faites-vous connaître !

Chez BETC, les passionnés sont prisés. Certains collaborateurs changent régulièrement de champ d'activité en faisant valoir à leur manager qu'ils ont l'envie de progresser ailleurs grâce à des connaissances ou une compétence déjà bien affirmée. Même s'ils n'interviennent pas du jour au lendemain, de tels changements viennent évidemment bousculer les organisations existantes. Un moindre mal pour Muriel Fagnoni, vice-présidente de BETC: «La préférence est liée à la compétence. Ainsi les domaines d'excellence de chacun d'entre nous sont liés au plaisir que nous avons à exercer nos capacités. La philosophie de l'agence est donc très claire: nous essayons de favoriser les évolutions qui permettent à chacun d'amplifier son talent en allant vers ce qui lui plaît.»

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