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Le patron de Renault, Carlos Ghosn, ne s'est pas pris les pieds dans le tapis par hasard. Une étude de V Com V pointe le rejet qu'il suscite, en termes de communication, auprès de cent soixante-dix journalistes.

« Je me suis trompé, nous nous sommes trompés et… il semble que nous ayons été trompés.» Les excuses de Carlos Ghosn, le 14 mars sur TF1, à l'adresse des trois cadres accusés à tort d'espionnage industriel, n'ont pas suffi à éteindre l'incendie chez Renault. Crise de communication, crise de gouvernance, crise de confiance de l'État actionnaire (15% du capital) envers le management… Pire, après la catastrophe nucléaire au Japon, la marque au losange risque maintenant une crise industrielle du fait de son orientation vers le tout-électrique et de son alliance avec Nissan. Quid, en effet, de l'image écologique de la voiture électrique si le débat sur le nucléaire voit se ternir cette source d'énergie?

Même s'il peut encore sauver sa tête en raison de sa double casquette de PDG de Renault et de Nissan, Carlos Ghosn se voit désormais ouvertement contesté pour ses méthodes et sa stratégie. François Baroin, porte-parole du gouvernement, n'a-t-il pas qualifié d'«anormal» le fait qu'«une immense entreprise ait basculé dans un amateurisme et une affaire Bibi Fricotin, de barbouzes de troisième division»?

À en juger par l'étude qualitative bisannuelle de Vincent de La Vayssière (V Com V) «CAC 40 2011», Carlos Ghosn passe mal aussi auprès des cent soixante-dix journalistes français et étrangers issus de quarante rédactions, interrogés entre septembre 2010 et février 2011. Ou, plus exactement, il est perçu comme typique du patron «show off», en ce sens qu'il apparaît charismatique, solitaire, élitiste et qu'il se croit infaillible. «Il a fait des déclarations fracassantes et des choix très clivants vers le tout-électrique, explique Vincent de La Vayssière, ex-dircom de PPR. Ce faisant, il fait courir à sa boîte de très grands risques. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il s'est fait piéger sur une affaire d'espionnage industriel. Il donne l'impression de jouer au poker avec son entreprise. Et à force de faire des choix très dangereux, cela débouche sur une paranoïa

Changement de style

Résultat, Carlos Ghosn est, avec Lars Olofsson de Carrefour, le seul patron du CAC 40 qui ressort en «mode risqué» dans un chapitre de l'étude intitulé: «La posture en crise/sortie de crise.» Avec une note médiocre de 12,6 sur 20, il est tombé au vingt-sixième rang des chefs d'entreprise de la place boursière de Paris, si l'on se réfère à l'appréciation des journalistes. Et cette position peu enviable rejaillit sur l'ensemble de l'entreprise, y compris bien sûr les services de presse et de communication: «Comment un PDG, qui a le plus haut salaire du CAC 40, peut-il se laisser intoxiquer au point d'aller dans les médias, TF1 ou le JDD, faire part de ses certitudes sur l'implication de trois salariés?», interroge le fondateur de V Com V. Une pierre dans le jardin de TBWA, en charge de son image…

Car, en termes de communication patronale, la tendance est aujourd'hui au «show on»: «C'est le patron un peu gris, le “Columbo” qui ne fait pas attention à ses costumes, mais qui “délivre” et qui rassure», explique Vincent de La Vayssière. Parmi ceux-ci, on trouve Gérard Mestrallet (Suez), Jean-Paul Agon (L'Oréal), Pierre-André de Chalendar (Saint-Gobain), Benoît Potier (Air liquide) ou… Patrick Pélata, le directeur général de Renault, avec lequel Carlos Ghosn a eu l'habileté de faire tandem. Moins flamboyants, moins divas, moins paternalistes, ces «supermanagers» sont aussi davantage des chefs d'équipe en adéquation avec leurs collaborateurs en interne.

Revers de la médaille, ce changement de style induit un discours sans doute moins brillant et plus spécialisé: seul Frank Riboud (Danone) a, selon V Com V, un discours à peu près construit sur la responsabilité sociale de l'entreprise. Et nul n'intervient plus pour s'exprimer sur des sujets citoyens, comme la réforme des retraites.

En termes de gouvernance, l'étude sépare également les solitaires, tels Maurice Lévy (Publicis), Martin Bouygues et Lars Olofsson, des collégiaux, nettement plus nombreux, comme Jean-Paul Agon, Franck Riboud, Michel Rollier (Michelin). Le patron de Publicis, qui est vu comme le plus patriote dans la mondialisation, est pointé du doigt pour ne pas avoir su organiser sa succession. Quant à Arnaud Lagardère, dont le groupe a quitté le CAC 40 dans le courant de 2010, il arrive bon dernier. «Il s'en moque, estime Vincent de La Vayssière, il se considère suffisamment indépendant et libre pour ne plus avoir à faire d'efforts.» Vive la sortie du CAC!

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