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Aux yeux des DRH, les écoles de commerce restent «la» valeur sûre quand ils doivent recruter pour leurs départements marketing. Enquête.

Prenez le classement annuel des écoles de commerce françaises, mélangez un peu, ajoutez une fine pincée de facultés… et vous obtenez le palmarès des meilleures formations marketing! Cette recette simple, qui pourrait s'appeler «gratin du marketing», est quasiment suivie à la lettre par les quatorze entreprises interrogées par Stratégies quand elles doivent étoffer leurs équipes. Les responsables du recrutement, qu'ils soient dans des sociétés de grande consommation (Danone, Henkel, Nestlé), de téléphonie (France Télécom-Orange, SFR), du Web (Price Minister, Monster) ou encore de publicité (H, Fullsix, BETC Euro RSCG), appliquent à peu près les même préceptes: ils se fournissent en talents marketing principalement auprès des grandes écoles de commerce. «Je retrouve dans ce classement, nos écoles cibles et partenaires. Et ce n'est pas une surprise, car les meilleurs stratèges du marketing sont issus de ces formations», note Stéphane Bartolomucci, responsable du recrutement de BETC Euro RSCG et BETC Digital.
Ce que confirme Jean-Michel Azzi, président du cabinet de recrutement Maesina International: «Les groupes ayant un niveau d'exigence élevé recherchent en priorité des candidats issus des cinq ou dix premières écoles de commerce du marché. Les directeurs de ressources humaines partent du principe que les étudiants qui ont accédé à ces établissements sont plus pointus, car ces organismes ont un niveau moyen général plus élevé que les autres.» Autrement dit, ils forment des «têtes bien faites», qui seront entraînées à appliquer les meilleurs raisonnements, et pourront également afficher sur leurs CV des stages de longue durée. «Car, à la différence des diplômés d'université, ceux des écoles de commerce ont effectué, au cours de leur scolarité, au moins deux stages obligatoires de six mois, ce qui facilite leur insertion en entreprise», souligne Marc de Torquat, directeur général France du cabinet de chasseurs de têtes Firebrand.

Écoles Internet en embuscade

Un atout de taille à l'heure où le premier emploi se joue souvent en fonction de l'expérience professionnelle engrangée. Dans ce contexte, la cote des écoles de commerce, y compris celles qui ne sont pas dans le peloton de tête comme Audencia ou Rouen Business, est à la hausse.
Et l'évolution des métiers du marketing, de plus en plus techniques, avec l'émergence de nouvelles spécialisations dans le Web, n'a pour l'instant rien changé au mode de recrutement. «Pour les fonctions émergentes du marketing, de nouvelles formations nous servent également de viviers. C'est le cas de l'institut de l'Internet et du multimédia (pôle Léonard de Vinci), par exemple», précise Stéphane Bartolomucci. Et, sur ce créneau, les nouvelles écoles Internet sont en embuscade. «J'ai déjà essayé de prendre contact avec l'École européenne des métiers de l'Internet [projet porté entre autres par Marc Simoncini, fondateur de Meetic] et Sup Internet du groupe Ionis», poursuit le recruteur de BETC.
Les grandes absentes de ce classement, ce sont bien sûr les formations universitaires. Hormis Dauphine, elles sont invisibles. «Pourtant, les Instituts d'administration des entreprises (IAE), par exemple, produisent de bons chargés d'étude et chefs de produit sur le “digital”», note Jean-Michel Azzi, président de Maesina International. En réalité, c'est moins un problème de qualité de ces cursus (lire en p.41) que de marketing et de communication.

Se faire connaître hors des frontières

«Dauphine est le seul établissement universitaire à être organisé et structuré comme une école de commerce, juge Stéphane Bartolomucci. Je n'ai pas le temps d'aller faire un “road show” dans toutes les facs françaises, alors que si je sonne à la porte d'HEC, je sais que je vais être bien reçu. Les facs sont tellement absentes de notre environnement que je ne les connais pas! Je suis incapable de vous dire par exemple ce que fait l'université de Rennes ou de Lyon en marketing.»

Une situation qui pourrait évoluer dans les prochains mois, car la loi sur l'autonomie des universités, adoptée en juin 2007, commence déjà à produire ses premiers effets: les accords entre facultés et entreprises se multiplient. Une évolution indispensable selon Dipak C. Jain, tout nouveau doyen de l'Insead (lire en p. 40) et spécialiste du marketing: «Le gouvernement a raison d'injecter des millions d'euros pour en faire des géants mondiaux car, pour l'instant, une marque comme la Sorbonne vit uniquement sur son héritage et cela ne suffit plus. Comme toute marque, il faut investir dessus régulièrement pour qu'elle reste attractive.»
Y compris en consacrant un budget à la communication: «Les facs et les IAE manquent clairement de moyens, pointe Amaury Finaz de Villaine, président de l'Association française des directeurs marketing. Souvent ils n'ont pas de responsables communication ou partenariat avec les entreprises. Dans ces conditions, il est difficile de faire la publicité de leurs troisièmes cycles.» Un constat partagé par Jean-Michel Azzi, du cabinet Maesina: «C'est très fortement une affaire d'image et de réputation. Ces cursus doivent renforcer leur notoriété pour être plus attractifs.»
D'autant que les masters universitaires ne peuvent pas compter sur des promotions massives d'étudiants pour porter la bonne parole. Contrairement à certaines écoles françaises qui dénombrent plus de 200 diplômés chaque année, contribuant ainsi à leur rayonnement. Sans arriver à la cheville toutefois de la Harvard Business School et de ses 2500 diplômés.

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