Ressources humaines
Le groupe audiovisuel expérimente le bureau à domicile, un jour par semaine, pendant un an. Près de 1 000 salariés pourraient opter pour ce dispositif.

Depuis le 1er juillet, Canal+ teste le télétravail. Après trois mois de négociations, trois syndicats sur quatre (+ Libres, la CFDT et la CGC) et la direction des ressources humaines sont parvenus à un accord expérimental d'un an qui pourrait concerner 1 000 cadres du groupe audiovisuel (ainsi que les collaborateurs seniors ou handicapés), sur les 3 200 salariés français. Il leur permet de travailler à la maison un jour par semaine. «L'idée était de le faire pour le plus grand nombre, de dire à chacun que c'était possible», explique Sophie Guieyesse, la DRH du groupe de Canal+. Du coup, chaque collaborateur peut formuler une demande à son manager, et ce dernier arbitrera. Pour certaines fonctions, la réponse est déjà connue: ce sera plutôt non pour les trois cent cinquante journalistes qui officient au service des sports et sur I-Télé. Pas évident de présenter le journal depuis son salon.

 

«Les journalistes ont besoin d'être sur le terrain pour faire du reportage ou sinon d'être présents dans la rédaction, pour utiliser le matériel de montage», justifie Sylvain Thibon, délégué syndical central CFE-CGC de Canal+. Même règle pour la cinquantaine de commerciaux. Sur les 1 400 cadres autonomes que compte le groupe, et donc potentiellement concernés par l'accord, un millier a des chances d'en bénéficier. Au maximum. Car les managers également peuvent opposer leur veto. «On laisse la main aux chefs d'équipe, ils peuvent dire qu'ils ne sont pas à l'aise avec le travail à distance», précise Sophie Guieyesse. En revanche, on interviendra si un manager refuse cette possibilité à un collaborateur et l'accepte pour un autre, alors qu'ils exercent tous deux la même fonction.»

 

Certes, Canal+, comme beaucoup d'entreprises, pratiquait déjà le télétravail à «l'insu de son plein gré», comme on dit chez Les Guignols de l'info. «Il y avait une vraie demande de l'encadrement et nous réclamions cet accord depuis près de trois ans, et l'épisode de l'épidémie de grippe aviaire, poursuit Sylvain Thibon. La direction était plutôt opposée à cet accord jusqu'ici.» Selon la DRH, si le sujet n'a été abordé que cette année, c'est plutôt pour une question de priorité: «Senior, bien-être... il y a eu beaucoup de sujets de négociation ces dernières années, nous avons juste repoussé celui-ci, que nous avions évoqué comme une piste, dans le cadre de la discussion sur l'amélioration des conditions de travail des salariés», répond Sophie Guieyesse. L'année 2011, c'était le bon moment pour aborder ce sujet, le systématiser, offrir la possibilité d'organiser son travail de façon autonome.»


«Ne pas casser le collectif»

L'entreprise a choisi d'expérimenter ce dispositif et de faire un point dans un an pour opérer des réajustements si besoin. La direction des ressources humaines vient de communiquer en interne pour faire connaître le dispositif et s'attend à recevoir les premières demandes dans le courant de l'été. Bien sûr, l'accord est réversible. «À tout moment, le collaborateur ou le manager peuvent dire: "Ça ne marche pas, j'arrête"», précise la DRH. D'ailleurs tous les salariés conservent leur bureau, le but n'est pas d'inciter le plus de monde possible à faire du télétravail, pour gagner des mètres carrés, comme le font certains cabinets de conseil, qui organisent une rotation, avec des caissons pour les affaires des collaborateurs. On ne veut pas casser le collectif; déjà, avec les RTT, il y a des moments où l'on ne peut pas se réunir et pour se parler c'est quand même mieux de se voir. C'est pourquoi nous n'avons pas accédé aux demandes de la plupart des organisations syndicales d'accorder deux jours par semaine de télétravail.»


Ne pas casser le collectif, c'est également l'argument de la CGT de Canal+ pour ne pas signer l'accord sur le télétravail. «Nous sommes réticents car cela coupe le lien social, c'est un peu un miroir aux alouettes, il y a un gros risque en termes de mal-être, juge Jean-Marc Janeau, délégué syndical central CGT de la chaîne. Il y a un risque d'isolement et de fragilisation des salariés, et nous ne pouvons plus les aider. Les problèmes s'accélèrent.»
Le délégué de la CGT aurait préféré que le dispositif soit testé auprès d'un panel de cadres, en leur donnant le choix entre 1, 2 ou 3 jours pendant six mois. Et qu'une évaluation soit ensuite ménée.

Autre point noir relevé par le syndicaliste: l'absence de coup de pouce de l'entreprise. «Il n'y a aucune compensation du matériel utilisé et pourtant, cela immobilise l'ordinateur familial, indisponible pour les autres. Nous voulons que Canal + nous fournisse l'équipement nécessaire», pointe Jean-Marc Janeau. Une revendication qui sera sûrement âprement discutée dans un an, au moment de la signature de l'accord final.


Rien non plus concernant le domicile du collaborateur et l'existence d'un coin bureau à part. «Nous demandons juste aux salariés de signer un certificat attestant qu'ils ont de bonnes conditions de travail chez eux, indique Sophie Guieyesse. Nous ne voulons pas nous immiscer dans la vie privée des gens et leur envoyer le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) à la maison.» La confiance reste le maître-mot.

 

(Encadré)

 

L'accord Canal+ en bref

 

Modalité: un jour par semaine
Population concernée: 1 000 cadres environ sur les 3 200 salariés français
Durée de l'expérimentation: un an
Pris en charge par l'employeur: la remise à niveau de l'installation électrique (si besoin) et le surcoût éventuel de l'assurance habitation
Non pris en charge par l'employeur: l'équipement informatique.

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