Ressources humaines
De nombreuses entreprises du CAC 40 ont fait de la performance sociale une valeur montante, qui s'apprécie en espèces sonnantes et trébuchantes.

Peut-on concilier performances sociale et financière? La question intéresse de plus en plus de grands groupes, comme GDF Suez, Orange, L'Oréal, France Télécom, General Electric (GE) et Renault, qui se sont retrouvés le 25 octobre pour une matinée d'échanges, à Paris, en tant que partenaires du Mouvement pour un nouveau pacte social fondé sur la confiance et la performance. Il s'agit de favoriser l'engagement social des entreprises alors que seules dix parmi les quarante du CAC ont abordé la RSE (responsabilité sociétale de l'entreprise) en présentant leurs résultats 2011, et que la moitié indexe les bonus de ses dirigeants et managers sur des critères extra-financiers, essentiellement sociaux. Derrière cette notion se mêlent aussi bien l'actionnariat salarié, qui a progressé de 15% cette année (3,88% des capitaux du CAC 40), que l'amélioration de la qualité de vie au travail, l'égalité hommes-femmes, la satisfaction client, la diversité ou la formation.
Pour Stéphane Richard, PDG d'Orange, qui a fait d'un «nouveau pacte social» le socle de son action auprès de ses 170 000 collaborateurs, «seul un salarié heureux fait un client heureux et crée de la valeur». L'entreprise, qui va étendre en 2012 à l'international son baromètre social sur la satisfaction interne, sait depuis la vague de suicides qu'elle a connue en 2009 ce qu'il en coûte de négliger le facteur humain.

Sans être aussi dramatique, la réalité de la plupart des entreprises françaises est celle d'un «dialogue social en panne», comme dit Françoise Geng, de la direction nationale de la CGT, où l'insatisfaction des salariés est grande. Brice Teinturier, directeur général d'Ipsos France, fait le constat d'une démotivation grandissante, touchant 40% de salariés, quel que soit le statut (cadres, ouvriers, employés). Face à un marché du travail sclérosé, où il est difficile de bouger, la défiance n'est pas tant vis-à-vis de l'entreprise que de ses dirigeants. «La performance sociale peut-elle créer de l'engagement? Oui, à condition que les salariés aient le sentiment qu'ils peuvent s'approprier les bénéfices de cette performance et la capacité à se projeter en termes de mobilité», dit-il.

Un engagement renforcé

Mais le fait nouveau est que la valorisation financière n'est plus si étrangère à la RSE. «Les demandes des investisseurs sur des critères de performance sociale abondent de plus en plus fréquemment», constate Duncan Minto, directeur des relations financières de Renault. Même les agences de notation s'y mettent. «Une entité qui a une mauvaise performance sociale va avoir, sur le long terme, une mauvaise performance financière», estime Clara Gaymard, présidente de GE France. Ce sont les talents de l'entreprise qui en font la richesse.»
Face à des Etats qui auront de moins en moins les moyens de s'impliquer dans la société civile, selon Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, les entreprises devront renforcer leur engagement sociétal: «Il faut qu'on retrouve chez nous les mutations de notre société, note-t-il. Nos clients exigent des comportements irréprochables.» Pour lui, il reste difficile de mesurer la performance sociale sachant qu'il existe une douzaine d'indicateurs sociaux et environnementaux. Le groupe est toutefois, avec Orange et GDF Suez, l'un des rares à publier des indicateurs sociaux certifiés. En cas d'accident mortel sur un site, un directeur se voit privé de sa part variable «et, la deuxième fois, le type est viré». Nul doute que la performance sociale sera dans les mœurs le jour où on ne se contentera plus de taper au portefeuille au premier mort !

(encadré)
Huit pistes de réflexion
Lancé en mars 2010, le Mouvement pour un nouveau pacte social fondé sur la confiance et la performance propose huit pistes de réflexion:

1. Définir la performance sociale pour l'inscrire dans le projet d'entreprise.

2. Etablir des indicateurs sociaux communs à toutes les entreprises.

3. Concevoir un pilotage intégré, social et financier, avec des objectifs chiffrés de performance sociale.

4. Repenser l'intégration du social dans les comptes.

5. Intégrer la performance sociale à la gouvernance (avec rémunération variable pour les managers).

6. Associer les salariés à la performance et au projet de l'entreprise

7. Renouveler le dialogue social en intégrant les partenaires sociaux aux plans d'action.

8. Revoir le rôle social de l'entreprise vis-à-vis de ses sous-traitants, ses publics financiers et la société civile (insertions des jeunes…).

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