Dans la publicité et les médias, le comité de direction reste le dernier bastion masculin. Le Laboratoire de l'égalité vient de lancer l'offensive.

«17% d'écart de salaire, 100% d'inégalités.» «80% de l'activité domestique repose sur les femmes. Courage messieurs.» «Les femmes, on continue à s'asseoir dessus ou on change pour de bon.» Voilà les slogans concoctés par l'agence Mediaprism pour la campagne que vient de lancer le Laboratoire de l'égalité, dans l'espoir de faire signer aux candidats à l'élection présidentielle le Pacte pour l'égalité.

 

Objectif: peser dans la campagne électorale et prendre d'assaut les derniers bastions masculins. Les comités de direction en sont un, place forte qui résiste encore, et toujours, à l'envahisseur féminin... Contrairement à l'étage au-dessus, celui des conseils d'administration, en voie de féminisation, par la force: le législateur a décidé d'employer les grands moyens pour imposer des tailleurs aux côtés des costumes trois pièces. En vertu de la nouvelle loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011, les femmes devront représenter 20% des conseils d'ici mi-2012 et 40% en 2017.

 

Et aux étages inférieurs, dans la publicité comme dans les médias, le problème est presque inverse: les femmes sont devenues majoritaires. En 2010, les sociétés membres de l'Association des agences-conseils en communication (AACC) comptent 60% de femmes pour 40% d'hommes. Mais les femmes restent minoritaires en haut de la pyramide et ultra minoritaires dans les comités de direction et certaines fonctions stratégiques, comme celle de directeur de la création.

 

Un mouvement comparable est en train de s'opérer dans les médias: en 2011, 45,3% des cartes de presse ont été attribuées à des femmes. Mais sur les 547 titulaires de la carte dans la famille «directeurs», 449 sont des hommes...

 

«Malheureusement, cela ne s'arrange pas naturellement, il y a toujours un plafond de verre dans toutes les entreprises et les médias n'y échappent pas, confirme Cécile Daumas, présidente du Laboratoire de l'égalité et journaliste à Libération. Même s'il y a eu de grandes avancées en trente ans, il y a une panne du modèle égalitaire depuis dix ans. Les femmes sont victimes de leur effacement, de leur invisibilité, et c'est le produit d'un fonctionnement collectif.»

 

La révolution s'est arrêtée à la porte du comité direction. «Dans la publicité, c'est presque plus choquant. Si l'univers devient très féminin, il y a toujours très peu de patronnes, pointe Mercedes Erra, présidente exécutive d'Euro RSCG Worldwide, directrice générale d'Havas et co-fondatrice de BETC Euro RSCG. D'ailleurs, en 2002, quand j'ai été nommée présidente de l'AACC, il y avait 27 patrons et une secrétaire. Du coup, un homme qui souhaiterait avoir une progression de carrière rapide et accéder à des fonctions de direction a tout intérêt à entrer dans la publicité.»

 

Un des freins à ce combat pour l'égalité est le manque d'information. «Je pense que si l'on organisait un micro-trottoir, les gens diraient que l'égalité hommes/femmes est acquise, car il y a peu de chiffres qui circulent à ce sujet. Or, dans les faits, ce n'est pas le cas, renchérit Frédérique Agnès, présidente de Mediaprism. C'est pourquoi, nous avons conçu une campagne choc mais qui s'inscrit dans la vie de tous les jours.»

 

L'autre sujet qui fâche est la feuille de paie. Celle des femmes serait en moyenne 17% plus légère que celle des hommes. Un problème dont vient de se saisir le groupe Pages jaunes.  Dans le cadre d'un accord sur l'égalité professionnelle hommes-femmes, il prévoit «des ajustements dès qu'apparaîtrait un écart supérieur à 5% par rapport à la moyenne de la fonction» et s'engage à «respecter l'égalité salariale à l'embauche». Est-ce à dire que ce n'était pas le cas avant? Faute avouée, à moitié pardonnée.

 

«Les inégalités de salaires ne bougent pas depuis quinze ans», précise Cécile Daumas. Mercedes Erra témoigne: «Au début de ma carrière, je pensais que ce n'était pas la peine de demander une augmentation, que l'on était égaux. Cela m'a joué des tours. A la fin des années 1990, en tombant sur des papiers confidentiels, je me suis aperçue qu'il existait un énorme écart de rémunération caché avec mes deux alter ego, les co-fondateurs de BETC Euro RSCG, Eric Tong Cuong et Rémi Babinet. C'était lié à un système de stock-options. En bataillant, j'ai réussi à obtenir le même régime. Maintenant, je suis vigilante par rapport à cela.»

 

Du coup, la campagne du Laboratoire de l'égalité s'adresse aussi aux femmes: «Changez vos habitudes, réveillez vous!, lance Cécile Daumas. Le pouvoir s'apprend, demander des augmentations de salaire aussi... Il ne suffit pas d'avoir un comportement de bon élève pour obtenir une récompense.»

 

La campagne devrait avoir de l'impact grâce aussi à la mobilisation de grandes entreprises, qui ont décidé de relayer le message vis-à-vis de leurs clients ou salariés. C'est le cas de Mediapost, de la RATP qui va faire de l'affichage dans le métro, d'Orange qui va habiller entièrement son site Web, ou encore de La Poste qui va également diffuser le message dans ses bureaux.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.