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A mesure qu’elles se familiarisent avec les médias sociaux, les sociétés comprennent que leurs personnels peuvent y devenir leurs meilleurs alliés.

Quelque 40% des cadres estiment encore qu'ils peuvent parler librement de leur travail et de leur entreprise sur Internet et les réseaux sociaux. Les résultats de cette enquête, réalisée par l'Ifop pour l'Atelier BNP Paribas, ont été présentés lors d'une conférence sur le thème de la marque employeur, le 15 mars dernier. Un chiffre important qui devrait faire frémir les communicants en entreprise. Paradoxalement, les participants à ce débat, représentants de la SNCF ou de la BNP Paribas, ne se sont pas montrés effrayés. «Est-ce possible et souhaitable de contrôler la parole de 165 000 salariés sur les réseaux sociaux?», s'interrogeait ainsi Alexis Bernard, responsable des communautés 2.0 du transporteur ferroviaire. Quand on est un employeur de la taille de ce dernier, la réponse se trouve dans la question: la mission s'avère impossible. «Et puis les salariés s'expriment généralement de manière mature», jugeait-t-il.

Toute surveillance est d'autant plus complexe que le nombre de réseaux ne cesse de croître, avec la montée en puissance récente de Pinterest, site de partage de photographies, qui vient s'ajouter aux Linked In, Viadeo, Facebook, Twitter et aux outils d'échanges internes…
Contrôler les collaborateurs, non. Les guider, oui. D'où la multiplication des chartes de bonnes pratiques dans les entreprises: 24% des salariés interrogés disent que leur société en dispose; 42% affirment qu'il n'y en a pas et 34% n'en ont pas entendu parler, toujours selon l'enquête de l'Atelier BNP Paribas. «Beaucoup de groupes du CAC 40 se sont dotés d'un tel guide, indispensable pour se protéger, car tout le monde a envie de prendre la parole et peut être écouté», explique Carole Sottel, responsable adjointe du recrutement du groupe bancaire.

Vigilantes, les entreprises ne sont plus vraiment effrayées à l'idée d'être vilipendées aux quatre coins du Web. Leurs communicants ont également mûri par rapport à la question: à mesure qu'ils s'approprient ces réseaux, les services de communication comprennent qu'ils peuvent transformer ce risque en opportunité. Illustration récente à la SNCF: «Au moment des changements d'horaires, en décembre dernier, nous avons reçu 1 500 questions de clients en un mois, expliquait Alexis Bernard. Nous avons décidé de laisser nos collaborateurs s'exprimer: ils ont formulé 900 réponses. Si elles étaient correctes, nous les avons certifiées par l'entreprise a posteriori. Cela nous a fait gagner du temps. »

Spontanéïté et authenticité

Bien sûr, la communication incarnée, portée par des gens, est beaucoup plus crédible et a davantage de poids. Du coup, le transporteur ferroviaire va plus loin et s'appuie sur les agents les plus actifs en ligne, qu'elle a regroupé dans une «task-force» d'une dizaine de personnes chargées de porter la bonne parole. «On les informe via un fil Twitter privé, en leur donnant des informations exclusives, en les faisant se rencontrer», détaillait le responsable des communautés 2.0. Leur mission principale: défendre leurs métiers, souvent critiqués en ligne par les internautes. «Par contre, pas question de les transformer en communicants, de leur fournir des éléments de langage», précise Alexis Bernard. Leur spontanéité et leur authenticité sont justement leurs principaux atouts pour avoir de l'écho sur les réseaux sociaux.

Ainsi, 43% des cadres interrogés seraient prêts à s'exprimer en leur nom propre sur les réseaux sociaux si leur entreprise était attaquée. Et 84% d'entre eux vont même jusqu'à dire qu'ils seraient d'accord pour la défendre sur un site consacré à la marque (site officiel, fan page Facebook, compte Twitter, etc.). Autre intérêt des réseaux sociaux pour l'entreprise: les salariés peuvent y devenir de redoutables rabatteurs de bons candidats. Ce que confirmait, lors de la conférence de l'Atelier BNP Paribas, Mayen Mathen, directeur technique de Dimension Data, une SSII établie en Afrique du Sud qui appartient au groupe japonais NTT: «Les médias sociaux offrent des outils très dynamiques pour partager des expériences professionnelles, qui tranchent avec la façon habituelle de communiquer des entreprises, très figée.»

Cela va dans le même sens que le développement de plates-formes par les employeurs pour permettre à leurs salariés de témoigner à propos de leur travail: «Comme Inside Air France, dont le fil conducteur est “les métiers par ceux qui les vivent”, selon Jean-Noël Chaintreuil, consultant en stratégies ressources humaines. Ces plates-formes permettent de recevoir des CV de meilleure qualité et améliore même le niveau des entretiens, puisque les candidats, mieux renseignés, posent des questions plus pertinentes.»

Un mouvement de fond est donc engagé sur les médias sociaux. «Le fait que les candidats à l'élection présidentielle se bousculent pour accueillir Jack Dorsey, le patron de Twitter, en visite à Paris, est symptomatique de la place prise par la liberté d'expression sur les réseaux sociaux dans la société française, constatait non sans une certaine emphase Carole Zibi, directrice du marketing stratégique et du développement de Linked In. Aujourd'hui, l'homme fait passer sa liberté d'expression avant son statut de salarié.»

 

(Encadré)

L'expérience de Starbucks aux Etat-Unis

Les expérimentations des employeurs peuvent aller plus loin. Ainsi Starbucks, aux Etats-Unis, en a tenté une début mars avec le lancement de Startbucks Jobs, une page où les salariés pouvaient publier, comme sur un pêle-mêle, toutes leurs photographies de bureau. «Une belle idée car ils créaient collectivement l'identité visuelle de la marque», souligne Jean-Noël Chaintreuil, consultant RH. Mais la page a été rapidement fermée car elle posait des problèmes de droits: certains salariés publiaient, par exemple, des images avec des clients…

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