ressources humaines
Les 18-30 ans sont-ils des êtres à part, avec un mode fonctionnement propres, ou représentent-ils juste une invention de consultants pour vendre des formations ? Débat.

Ils seraient un peu rebelles, difficiles à manager, zappeurs… Les écouteurs tombant sur le ventre en forme de Y, cette génération de 18-30 ans arrive dans l'entreprise en étant plus à l'aise que ses aînés avec les nouvelles technologies (pratique des réseaux sociaux, usage du mobile, dextérité dans le multitâche, etc.). Génération Y? Le concept, en réalité, a été inventé par le magazine Advertising Age dès 1993. Depuis, la famille a bien grandi. Les sociétés comprendraient dans leurs murs trois archétypes: les baby-boomers nés avant 1960, la génération X venue au monde entre 1960 et 1979, puis les Y à partir de 1980. Cela suffit-il à en faire une génération à part, qui aurait ses propres codes ? Stratégies ouvre le débat entre deux chercheurs, auteurs d'études contradictoires.

 

La génération Y existe-t-elle vraiment?

Jean Pralong, professeur en gestion des ressources humaines à Rouen Business School (1). Non, c'est un mythe managérial, comparable à ce qu'a pu être la graphologie il y a vingt ans, dont se sont emparés les consultants et les médias. L'habitude de recourir à une grille générationnelle pour expliquer les mécanismes remonte à 1968. Selon moi, la seule différence entre les jeunes générations et les autres tient à l'accès à l'emploi, avec 25% de taux de chômage et une trajectoire d'insertion très longue (stages, CDD, avant le CDI).

 

Franck Brillet (2), professeur de management à l'IAE de l'université François Rabelais de Tours. Les puristes de la recherche vous diront qu'il n'y a pas de phénomène génération Y. Pour être plus précis, il vaut mieux parler de cohortes car cela intègre davantage de variables que le seul critère de l'âge: la formation, le fait d'être en activité ou pas… D'après les études que nous avons menées auprès des dirigeants, des directeurs des ressources humaines [DRH] et des jeunes eux-mêmes, cette cohorte a des valeurs, un rapport au temps et à la hiérarchie bien différents… Les formations pour gérer les Y se vendent très bien parce qu'il y a une vraie problématique.

 

Les 18-30 ans sont-ils vraiment plus rebelles?

F.B. Les DRH et dirigeants nous ont rapporté de nouveaux comportements. Par exemple en entretien de recrutement, où ils n'hésitent pas à se montrer directs: «Je serai où dans six mois?» ou «Demain, je veux manager une équipe». Leur façon de juger leur manager aussi se distingue: ils ne respectent pas d'emblée leur chef, ils vont attendre de le voir à l'œuvre, pour jauger ses compétences. Et n'hésiteront pas à lui dire s'ils ne le trouvent pas bon. Certains dirigeants vont jusqu'à placer les attentes de cette génération au centre de leurs préoccupations, l'un d'entre eux (un Y) a même affirmé qu'il ne recrutait que des Y.

 

J.P. Non je ne crois pas. Les contraintes de l'entreprise ne conduisent pas à se rebeller, mais plutôt à se montrer dociles. Or les moins de 30 ans cherchent avant tout un emploi stable. Ils sont mêmes prêts à accepter des postes moins intéressants, moins confortables. D'ailleurs, d'après nos enquêtes, l'une des idées les plus consensuelles entre les générations en âge de travailler est la suivante: «Un salarié qui ne se plie pas à l'autorité de son patron n'est pas indispensable.» En prétendant qu'ils veulent tout, tout de suite, cela revient à dire que c'est de leur faute s'ils ont des difficultés d'insertion.

 

Plus branchés que la moyenne, les Y?

F.B. Oui, ils sont technophiles et multitâches. D'ailleurs, au départ, je me braquais avec mes jeunes collaborateurs qui passaient trop de temps sur Facebook pendant la journée. Maintenant, je le tolère s'ils font bien leur travail. Car, dans le même temps, ils sont connectés à Internet en permanence et, pour eux, répondre à un e-mail professionnel pendant le week-end ou les vacances n'a rien d'anormal.
J.P. Il ne faut pas confondre technophilie et jeunesse. Peut-être que l'on va trouver davantage de jeunes de 25 ans à l'aise avec les nouvelles technologies, mais il y a aussi des quadras très branchés et des jeunes «low-tech».

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