Quand elle ne met pas les mains dans la glaise (la sculpture est une passion), Isabelle André aime les mettre dans le cambouis. Et ce n'est pas sa nomination à la tête du Monde interactif début mars qui va changer les choses.
Service après service, la nouvelle PDG fait le tour des équipes afin de bien comprendre la réalité des différents métiers. «C'est quelqu'un d'exigeant, qui a le souci de bien maîtriser l'activité, à un niveau assez précis. Elle a besoin de comprendre par elle-même les choses, dans le détail», confie l'un de ses proches collaborateurs au Monde, qui a souhaité gardé l'anonymat.
Un brin tatillonne, Isabelle André? «Elle ne peut pas s'empêcher d'être dans l'opérationnel, relève Eric Leclerc, son successeur à la tête des activités numériques du Parisien. Elle a besoin de comprendre le pourquoi des choses, ce qui peut être déstabilisant pour certaines personnes, qui y voient un manque de confiance en elles.»
Sa mission aux côtés de Louis Dreyfus, le président du directoire du Monde, consiste à accélérer le développement du quotidien sur les supports digitaux, que ce soit Internet, les mobiles ou les tablettes, et à accompagner l'essor des autres sites du groupe. «Nous sommes dans quelque chose qui continue à être inventé en permanence. Il faut donc innover sans cesse, tant sur le plan éditorial que marketing et technique. Si on s'arrête, on recule», s'enthousiasme cette jeune quadra, qui aime se donner pour objectif de sortir une nouveauté tous les trois mois au moins. «Elle n'a pas peur d'ouvrir beaucoup de fronts en même temps. Il faudra voir comment elle parviendra à “re-prioriser” ces chantiers si cela s'avère nécessaire», met en garde un collaborateur.
Du sens et de la pédagogie
Avec 7,8 millions de visiteurs uniques en mars, selon Médiamétrie Net Ratings, lemonde.fr se doit d'innover en permanence pour rester sur le podium des sites d'actualité les plus consultés dans l'Hexagone. Il s'agit d'être à la pointe des nouveautés éditoriales et techniques, mais aussi des innovations sur les modes narratifs et les diverses temporalités.
Le Monde s'est distingué sur le «live blogging», depuis le Printemps arabe, en apportant une information en temps réel. Dernier lancement en date, l'application «Social Reader» sur Facebook. L'objectif est toujours de toucher un public nouveau. «Ça m'amuse, toutes ces nouveautés», sourit la patronne du Monde interactif, qui dirige un peu moins de cent personnes, dont la moitié de journalistes.
Pas question pour autant de multiplier les projets sans y mettre du sens. «J'aime définir une vision, la direction dans laquelle on va, puis les chemins à prendre pour y arriver. C'est important de ne pas se tromper sur ses priorités», assure-t-elle.
Ce plan de route annuel, elle a pour habitude de le présenter ensuite en interne, à tous les échelons: «C'est important que les gens qui ne se consacrent pas spécifiquement au digital sachent ce que nous avons dans les tuyaux. C'est plus efficace.» Un travail de pédagogie sans doute plus facile en 2012 qu'il y a dix ans. Initié avec la campagne pour la présidentielle, le rapprochement des rédactions print et Web, qui se déroule sans accrocs, en témoigne. «On note aujourd'hui une plus grande compréhension de ce que le digital peut apporter, en termes de visibilité, par exemple. Au Monde, toute une partie des gens y sont présents depuis longtemps. Certains n'y viendront jamais et ce n'est pas très grave», assure Isabelle André.
Résignée? Non, pragmatique. «Nous sommes dans une phase de mutation très forte, où il y a beaucoup à faire. C'est donc important de ne pas passer du temps sur des choses qui ne le sont pas.»
Son parcours en bref
1970. Naissance à Paris.
1994. Diplômée de Sciences Po Paris et DESS de commerce extérieur (Paris I).
1995. Consultante en stratégie chez Braxton Associés.
2000. Fonde sa maison d'édition, Envie de créer.
2004. Rejoint Ineum Consulting.
2007. Directrice des nouveaux médias du groupe Le Parisien, puis directrice de la stratégie et du développement du Groupe Amaury.
Mars 2012. PDG du Monde interactif.
