mécénat
En pleine crise économique, les groupes audiovisuels mettent l'aide aux défavorisés et l'insertion au cœur de leurs actions de mécénat.

Plus sociales, plus locales et plus mobilisatrices... Les fondations de médias font du «Solomo» revisité. Dans un contexte de crises économiques à répétition depuis cinq ans, de chômage élevé et de problèmes accrus d'insertion, l'idée est de se focaliser sur les populations les plus fragiles, et si possible au coin de la rue. Difficile pour un média, en effet, d'éluder les problèmes qui font l'actualité et de se concentrer sur la culture. Pour certaines, comme la fondation de l'AFP ou de France Télévisions, il s'agit d'un changement de cap après un premier quinquennat d'existence. Et ce, dans un contexte délicat, puisque les fondations d'entreprise ont failli perdre leur avantage fiscal avant l'été. Une idée contrecarrée par l'Admical, l'organisme en charge de la promotion du mécénat, et finalement abandonnée par Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture et de la Communication.

 

"Volet social"

 

Le social, tout d'abord, est-il une tendance isolée dans le monde du mécénat? Première certitude: les fondations médias ne font que suivre un mouvement global dans le mécénat. En 2011, le social a englouti 43% des budgets selon l'étude annuelle réalisée par Admical. Une tendance encore plus forte dans les groupes: 56 % des entreprises mécènes de 200 salariés et plus privilégient ce domaine. «Si l'on ajoute l'éducation et la santé au social, cela représente même 61% des budgets, nous éclaire Bénédicte Menanteau, déléguée générale d'Admical. Et aujourd'hui, même quand les fondations mènent des actions culturelles, il y a de plus en plus souvent un volet social.» Toujours selon Admical, les entreprises mécènes ont un double objectif: mener une action qui permette de contribuer à l'intérêt général (57%) tout en construisant l'identité de l'entreprise (31%).

 

«Rigueur juste»

 

Si la plupart des médias sont engagés dans des plans d'économies, aucun n'a décidé de raboter le budget de sa fondation. La «rigueur juste»? En tous cas les investissements demeurent constants: 450 000 euros pour France Télévisions, 500 000 euros pour M6, 700 000 euros pour TF1 et 200 000 euros pour l'Agence France Presse.

 

A l'AFP, le recentrage sur les questions d'insertion sociales est clair. «Nous avons créé la fondation en 2007, sur le modèle de celle de Reuters ou de la BBC, avec comme objectif de défendre la liberté d'expression en formant des journalistes dans les pays en voie de développement, détaille Robert Holloway, directeur de la fondation AFP. A l'occasion du renouvèlement des statuts, nous avons souhaité élargir le champ, en entreprenant aussi des actions de cohésion sociale en France. Cela va nous permettre d'impliquer des journalistes du siège.» L'AFP serait ainsi en discussion avec l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour travailler avec des jeunes en difficultés d'insertion. Ces interventions resteraient néanmoins dans l'univers du journalisme.


A France Télévisions, il y a aussi une inflexion de la stratégie. «Après avoir financé des projets très divers ayant trait à la santé, aux jeunes, aux seniors... nous avons décidé de resserrer les objectifs, précise Sandrine Soloveicik, déléguée générale de la fondation du groupe public. On financera des projets culturels, à condition qu'ils aient une dimension égalité des chances. Par exemple le Bondy Blog sera davantage soutenu. Nous travaillons également avec le musée du quai branly sur un projet à destination des sourds et malentendants.»


Comme à l'AFP, l'objectif consiste également à mobiliser davantage les salariés, en développant le mécénat de compétences. «C'est le cas pour les bourses France Télévisions, puisque les jeunes en stages dans l'entreprise sont suivis par un tuteur», continue Sandrine Soloveicik. Une démarche qui s'inscrit bien dans la perspective des contrats de génération annoncée par le gouvernement.

 

Nouveau diplôme

 

Le groupe M6 a pris, lui, un axe bien particulier. «Dès la création de la fondation il y a trois ans, le PDG Nicolas de Tavernost a souhaité orienter nos actions en direction de l'univers carcéral, précise Yann de Kersauson, délégué général de la Fondation M6. Avec trois axes: développer l'offre culturelle en prison, soutenir des acteurs associatifs et contribuer à la réinsertion des prisonniers.» Depuis M6 est parvenu à développer des centres d'apprentissage des métiers de la télévision. «Cela représente 300 heures de formation par an», poursuit Chris Morette, responsable de la fondation M6. Avec une petite victoire: désormais les détenus obtiendront un diplôme d'état de formation aux métiers de l'image et du son, de l'université Paris VII-Diderot. Huit d'entre eux vont bénéficier de ce nouveau cursus diplômant dès la rentrée. La chaine aussi tente d'impliquer davantage ses collaborateurs et animateurs: ainsi Grégory Cuilleron, vainqueur d'un Dîner presque parfait, a participé à des ateliers cuisine derrière les barreaux.

 

Quai du point du jour, à la Tour TF1, la fondation garde aussi le cap sur le social: «Notre but est de participer à la formation et au recrutement de jeunes adultes issus de quartiers défavorisés», dit Frédéric Ivernel, directeur de la communication de TF1. Un dispositif qui monte en puissance chaque année: «Aujourd'hui il y a vingt-quatre jeunes en CDD de 18 mois dans le groupe et ce, dans tous les services: journalistes, communication, ressources humaines, juridique... » Et la chaîne revendique de bons résultats en termes d'insertion: «Ils parviennent à trouver du travail, la moitié en CDI, le reste en piges ou CDD», poursuit Frédéric Ivernel. Et des représentants de TF1 vont tout au long de l'année faire connaître ce dispositif dans des lycées de quartiers difficiles.

 

Mais la fondation qui a imposé le rôle central du mécénat dans le social est sans doute la fondation de la deuxième chance. Mise en place par Vincent Bolloré en 1998, elle est aujourd'hui implantée dans 70 villes et a offert depuis son origine plus de 5 000 «deuxième chance». Dommage que Bolloré se désengage des médias...

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