communication interne
Le trop-plein de mail et l’explosion des réseaux sociaux, signent la consécration de l’écrit dans le travail. Une bonne chose ?

Ecoper, écoper en permanence, pour éviter que sa boîte e-mail ne chavire. C'est le lot de tous les managers. « Je n'arrive que très rarement au bout de mes mails, seulement une ou deux fois par an, au moment des vacances, car les gens en envoient moins », témoigne Gilles Babinet, le dirigeant de Captain Dash (data visualization), qui reçoit quelque 270 mails par jour. Il y consacre trois ou quatre heures par jour. Un salarié passe en moyenne 28% de son temps de travail hebdomadaire à lire, écrire et trier son flot de mails, selon une récente étude de McKinsey.

 

« Toutes les enquêtes concordent pour estimer à un tiers du temps la gestion de sa messagerie, confirme Yves Lasfargue, directeur de l'observatoire du télétravail, des conditions de travail et de l'ergostressie (Obergo). Le problème c'est que cela s'ajoute à d'autres supports de plus en plus importants ».

 

Car, dans le même temps, il y a eu une explosion de canaux : réseaux sociaux, internes et externe, et autres outils de collaboration en ligne. Bref, les couches de communication s'empilent Pour 46% de la génération Y, les réseaux sociaux sont un outil de travail à part entière, selon une étude OpinionWay-Kaspersky Lab. Les 25-30 ans* se connectent en moyenne 6,4 fois par jour aux réseaux sociaux, Facebook en tête, depuis leur travail, avec une fréquence quasiment identique en situation de mobilité (6,3) ou depuis leur domicile (7,4).

 

« La grande évolution, c'est le passage, il y a une dizaine d'années, d'une communication surtout orale, par téléphone, à des messages essentiellement écrits, rappelle Yves Lasfargue. Or ces derniers demandent plus d'attention pour être compris. » Une évolution que l'on doit, selon lui, à la logique contractuelle à l'anglo-saxonne, sur laquelle s'appuient les nouveaux modèles d'organisation. « Toutes les méthodes de management - qualité totale, flux tendus... - reposent sur l'écrit, et  la montée en puissance des nouvelles technologies dans le travail accentue  ce phénomène », poursuit le chercheur.


Ce basculement d'un travail oral à une collaboration écrite n'a pas que des défauts : sa principale qualité reste la traçabilité des échanges. Les plus organisés sont capables de retrouver des mails antédiluviens. Le nec plus ultra, selon les aficionados de cette façon de travailler : les logiciels de gestion de projet en ligne, comme par exemple Group Camp, qui permettent de suivre en temps réel la réalisation des tâches de chacun dans l'équipe, même s'ils sont à l'autre bout du monde. Une sorte d'automatisation du management puisque certains mesurent la réalisation des objectifs.


Ces nouvelles façons de communiquer au travail ont aussi des limites. La principale : l'exigence de réactivité qui induit un risque d'overdose. « C'est la notion de "cadrus interruptus", les cadres sont en moyenne interrompus toute les trois minutes par un message, cela génère du stress car l'individu n'a pas plus la possibilité de travailler sur une longue distance », constate Yves Lasfargue.


Des entreprises tentent de réduire le flot de messages. Canon, par exemple a instauré une journée sans mails par trimestre. « Ca fait rigoler tout le monde, car bien souvent cela reporte au lendemain le nombre de messages à traiter », dit le chercheur. Atos annonce de son côté le passage à zéro mail (internes) début 2014 : le groupe disposera d'un environnement de travail collaboratif qui ne sera plus basé sur l'e-mailing. Il y aurait déjà 20 000 membres actifs dans son nouvel environnement de travail organisé autour du blueKiwi (réseau social interne) ; les plus avancés d'entre eux n'utiliseraient déjà plus l'e-mail en interne, mais communiqueraient sur un mode collaboratif.


Pourtant, selon André Perret, consultant RH, « on constate une chute du temps passé à écrire des mails, avec un langage proche du SMS, mais c'est une idée reçue de dire que c'est un outil du passé. » Pour 94%, selon l'étude Opinion Way-Kaspersky, c'est en effet un mode de communication pratique. « On diabolise le mail et l'on invente des solutions pour le remplacer, mais sans s'attaquer au problème de fond : quel est le volume d'informations nécessaire pour son travail ? », conclut Yves Lasfargue.

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