L'étude V Com V, réalisée auprès de 170 journalistes de médias français et internationaux, en atteste: une nouvelle génération de patrons est train d'émerger au sein des grandes entreprises françaises. «Il y a une nouvelle gouvernance, une nouvelle manière de se comporter, de parler aux médias et de traiter la mondialisation», résume Vincent de La Vaissière, qui a conduit les entretiens en face-à-face afin d'apprécier la réputation médiatique de 52 patrons d'entreprises cotées en Bourse (l'ensemble du CAC 40 et 12 du Next 20). En ressort l'idée d'une relève d'abord sur le plan générationnel, avec Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric), 49 ans, numéro un du classement, reconnu pour son leadership mondial dans «l'efficacité énergétique» et l'internationalisation de sa clientèle. Ou avec Xavier Niel (Iliad-Free), 45 ans, en sixième position. «Il a cassé le marché des télécoms et des patrons en donnant un coup de vieux à la gouvernance», estime l'auteur de l'étude, qui relève une équipe très réduite et un management en direct des hommes comme des relations presse.
Un peu plus âgé, Jean-Pierre Clamadieu, 54 ans, qui a réussi le tour de force de prendre les rênes de Solvay, après avoir redressé Rhodia, arrive en deuxième position. Bernard Charlès (Dassault Systèmes), 55 ans, est numéro trois après avoir imposé son groupe parmi les leaders mondiaux du logiciel 3 D, tandis qu'Olivier Piou, 54 ans, de Gemalto, groupe spécialiste de la carte à puce et de la sécurité informatique, prend la quatrième place. Dans l'étude de 2011, les trois premiers patrons, Gérard Mestrallet (GDF Suez), Bernard Arnault (LVMH) et Baudoin Prot (BNP Paribas) étaient alors âgés de 60 à 62 ans. Des «valeurs» autrefois sûres dégringolent, comme Maurice Lévy, 71 ans, «qui a un bilan extraordinaire à la tête de Publicis», mais paye son superbonus de 16 millions d'euros en passant de la 6e-7e place à la 34e en deux ans.
Dans les organisations patronales et les écoles aussi
Elément de blocage de toute relève, la succession des patrons est une maladie très française. La question se pose dans quinze grands groupes et ne laisse pas d'étonner la presse anglo-saxonne. A l'inverse, Christophe de Margerie (Total) et Henri de Castries (Axa), se préparent à transmettre le témoin.
La relève est bien sûr liée à la crise. Dans le domaine bancaire, Daniel Bouton (Société générale) a laissé sa place à Frédéric Oudéa, 49 ans, après la tempête des subprimes. Jean-Paul Chifflet (Crédit agricole) a repris le flambeau après la crise grecque. Le tremblement de terre dans les télécoms a eu raison de Jean-Bernard Lévy (Vivendi). Mais il faut aussi compter avec des actes de transmission quasi-dynastiques: Bernard Arnault prépare sa succession en Belgique, Alexandre Ricard doit prendre le pouvoir au sein de l'entreprise familiale, Axel Dumas va succéder à Patrick à la tête d'Hermès…
Enfin, selon V Com V, la relève est réelle aussi du côté des organisations et écoles de futurs patrons. L'Association française des entreprises privées (Afep) est ainsi devenue ouverte, collégiale et communicative sous la présidence de Pierre Pringuet (Pernod Ricard). Et à côté des «mouvances» Saint-Gobain ou Péchiney, où dominaient les grands corps d'Etat (X-Mines, ENA) ou la culture d'ingénieurs, s'érige une nouvelle école qualifiée de «Schlumberger». On y retrouve Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric) qui, après avoir fait l'Ecole supérieure électronique de l'Ouest, est repéré par Henri Lachmann en bas de l'échelle en Chine, Thierry Plienko (Technip) ou Olivier Piou (Gemalto). Pour eux, pas de mondanités, pas de parachutage après un passage dans un cabinet ministériel, un profil bas dans les médias, mais une culture du résultat et une ouverture aux pays émergents. Un regret cependant: sur les 52 dirigeants recensés, il n'y a toujours aucune femme…
