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Bâtir des tours en Lego ou pratiquer des jeux de plateau en entreprise… A l’heure du tout digital, le «serious play», ou l'art de s'amuser sérieusement avec du vrai, fait de la résistance.

Faire jouer le comité de direction d'un grand groupe aux Lego? L'idée peut sembler saugrenue et pourtant début juillet dernier, sept directeurs de départements de Nissan Europe ont participé à un atelier Lego serious play pendant une journée, accompagnés par deux consultants. L'objectif: plancher sur un projet transverse concernant tout le groupe automobile.

Lego serious play? «Cette méthode a été inventée dans les années 1990, relate Jean Semo, consultant chez Avea Partners. A l'époque le petit-fils du fondateur Lego cherchait des pistes de diversification ; il s'est appuyé sur des recherches du MIT et de l'ImagiLab de Lausanne pour mettre au point à la fin des années 1990, Lego serious play.» Ces études démontrent qu'il ne se passe pas la même chose, quand on répond à une question en utilisant nos mains plutôt que notre cerveau.

« Cela se résume de la façon de la façon suivante, avec cette phrase de Seymour Pappert, cofondateur de l'artificial intelligence laboratory au MIT: «Ce que l'on bâtit dans le réel, on le construit aussi dans sa tête», poursuit Jean Semo. Autrement dit mettre les mains à la pâte, solliciterait le cerveau d'une façon différente. Ces vertus expliquent sans doute le fait qu'à l'heure du tout digital, des serious play et des jeux en réseau, ces jeux à l'ancienne perdurent. D'ailleurs Lego n'est pas le seul exemple: d'autres jeux de plateaux continuent de séduire dans les open-space. Mais ils ont un point commun, ils sont toujours orientés «business».

Doper l'innovation

 

Ainsi la meilleure vente du Centre international de la pédagogie d'entreprises (CIPE) qui conçoit et édite des jeux, s'appelle «Muda» (ce qui signifie gaspillage en japonais) et relève du «lean management». «L'idée de ce jeu qui peut réunir de 8 à 24 personnes pendant une journée? A travers un jeu de rôle, mettre à plat les processus de l'entreprise, établir un diagnostic de ses flux d'activité, de son fonctionnement... Cela débouche sur une  cartographie, sur des indicateurs... Avec comme but d'aboutir à des plans d'actions pour tenter de réduire les gaspillages, détaille Bertrand Simon président du CIPE. Le “lean management” représente 10% de notre chiffre d'affaires, et c'est assez stable sur les trois dernières années.»

Une problématique qui concerne tous les départements de l'entreprise. «Nous pouvons soit animer le jeu, soit le vendre à des formateurs qui vont le faire eux-mêmes», poursuit Bertrand Simon. Autres sujets porteurs pour les jeux d'entreprises: le management de projet, la créativité... «Nous avons lancé récemment un jeu pour stimuler la créativité avec simulation, cartes, études de cas interactives... Il a déjà été utilisé par le service marketing de Sanofi (une quinzaine de personnes), dans le cadre de séances de créativité pour inventer de nouveaux services autour du médicament, fin 2012», explique Bertrand Simon.

De son côté Avea Partners a récemment mis en place des sessions de Lego serious play chez Microsoft. La méthode peut être utilisée pour doper l'innovation, le team building, lancer un nouveau produit ou positionnement... «On travaille sur les questions avec les prescripteurs en amont et menant un audit pour bien comprendre le contexte, les objectifs, les problématiques», note Jean Semo.

Le jour J, quel que soit le contexte, le rôle des formateurs est crucial. «Nous avons été formés tous les deux à Billund, au Danemark, au siège de Lego, dit Marie-Christine Dupont-Leblanc, consultante chez Avea Partners. Notre mission: instaurer une certaine bienveillance, une dynamique de groupe et rappeler les règles de base, en particulier le fait qu'il faut faire confiance à ses mains et ne pas réfléchir avant d'assembler les pièces.»

Ensuite les constructions se succèdent dans un temps limité, d'abord individuelles et simples, puis collectives et de plus en plus complexes. «Cela commence par des questions très ouvertes, puis au fur et à mesure elles se rapprochent sciemment de l'objectif final», précise
Marie-Christine Dupont-Leblanc.

Toujours dans l'idée de donner plus de crédit à leur méthode les consultants d'Avea Partners viennent de créer un executive certificate (Certification in facilitating Lego serious play) à Centrale Paris. «Pour convaincre encore aujourd'hui, nous devons donner des gages de sérieux», souligne Jean Semo. Même constat chez l'éditeur de jeu CIPE: «A notre création en 1985 il ne fallait pas parler de jeu aux entreprises, note Bertrand Simon. Et encore aujourd'hui l'utilisation du mot “jeu” reste difficile, d'ailleurs je parle plutôt de pédagogie active.»

 

- Encadré: «J'ai testé le Lego serious play»

«Construisez une tour qui soit la meilleure pour vous!» Une fois la consigne donnée par Jean Semo, consultant chez Avea Partners, je dispose d'un sachet de 47 pièces de Lego et de 3 minutes pour donner de la hauteur à ma construction. «Ce n'est pas un concours de hauteur», note également le coach. Une précision utile pour les ingénieurs qui seraient tentés de se lancer dans une course à celui qui la plus grande tour. Une fois le sablier écoulé, le consultant passe au débriefing sur le mode interrogatif: «Qu'est-ce que vous avez voulu démontrer? Pourquoi avoir mis une brique transparente?» Les premières constructions individuelles servent à s'échauffer, à bien comprendre les règles et à s'immerger dans la méthode. Ensuite place à des questions plus précises et des constructions collectives... «La valeur ajoutée de l'atelier dépend de la qualité du questionnement initial, enchaîne le formateur. Dans chaque construction vous dites beaucoup de choses sur vous-même!»

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