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Boris Razon, directeur des nouvelles écritures et du transmédia à France Télévisions, s'attache à porter sur les nouveaux écrans ses rêves éveillés de télévision du futur.

«Vous allez devoir vous débrouiller avec ça...» Boris Razon, 37 ans, directeur des nouvelles écritures et du transmédia à France Télévisions, en dira le moins possible de «cette maladie grave et qui laisse en même temps beaucoup de séquelles». Assimilé au syndrome de Guillain-Barré, ce mal étrange qui l'a saisi brutalement en 2005 et plongé dans l'enfer halluciné de son propre corps, est pourtant la matière d'un livre irradié qui vient de sortir, Palladium (Stock).

La maladie a provoqué une paralysie pendant plusieurs semaines et une éclipse de deux ans dans son métier. Une fois rétabli, celui qui était rédacteur en chef du Monde.fr a retrouvé son poste. «Je suis hyperreconnaissant», lâche ce vrai modeste qui dissimule derrière une économie de mots et un regard las une énergie et une passion pour l'écriture de la vie.

Au Monde.fr, aux côtés de Bruno Patino, le normalien s'est distingué à partir de 2000 par son sens aigu des nouvelles voies d'expression du journalisme. Il vient alors d'arrêter Don Quichotte, un fanzine qu'il a cofondé et sacrifié après quelques mois d'expérience en kiosques, malgré le soutien du Monde. Il s'est aussi frotté brièvement à la conception-rédaction de sites Internet pour des agences de publicité avec Jean-François Fogel.

 

«Savoir emmener un collectif»

C'est au sein du site de presse qu'il va donner toute sa mesure. Sens de la titraille et de la hiérarchie des sujets, idée de traitement multimédia, sens de l'image... «Le Monde.fr fut le premier gros site à avoir un vrai budget photos», rappelle Yann Chapellon, ‎directeur de la diversification et du développement des recettes de France Télévisions et ancien directeur général du site de presse.

Boris Razon anticipe le «social media» en donnant la parole aux abonnés ou aux experts à travers des blogs. Il a aussi l'intuition du développement des usages en mettant en ligne les images de l'affaire Méry, en 2001, ou des liens vers les vidéos à une époque où les débits ne suivaient pas.

«Il a la capacité rare de savoir emmener un collectif, explique Yann Chapellon, il a de la conviction et l'envie qu'elle soit partagée.» S'il dispose aujourd'hui d'un bureau fermé, Boris Razon préfère les rédactions Web, cet espace où l'on élabore les codes narratifs et la relation à l'information: «Il y a moins d'ego, c'est un univers tendu vers un objectif collectif qui est d'informer les gens le mieux possible dans un temps record et avec une forme assez riche.» Entre 2009 et 2001, il se frotte aux webdocumentaires, en imposant «Le Corps incarcéré» ou «François Duprat».

 

«Un apprentissage permanent»

Depuis deux ans dans le monde de la télévision transmédia qui prolonge le petit écran sur Internet, Boris Razon a conservé cette culture de l'aventure commune auprès d'une quinzaine de collaborateurs. «On n'a jamais seul la maîtrise totale d'un projet numérique, il faut une énergie collective», souligne celui qui veille à développer des «espaces créatifs transmédias» avec de nouveaux auteurs, producteurs, comédiens ou réalisateurs. Au sein de son Studio 4.0, «les gens ne travaillent pas par spécialité, indique-t-il, il n'y a ni territoire ni habitude. C'est toujours plus fatigant mais c'est la condition d'un apprentissage permanent et d'une remise en cause de soi-même. Pour nous, l'échec est partie prenante du progrès».

En deux ans, 38 réalisations ont été mises en ligne (pour 30 000 à 700 000 visites) et près d'une quarantaine sont en cours de création. Parmi elles, «Manipulations» sur l'affaire Clearstream, qui invitait les internautes à poursuivre l'enquête, ou «Viol, les voix du silence». En octobre, une série documentaire de France 2 sera associée à une grande opération réalisée avec la société de production Upian, «Génération Y», en partenariat avec Le Monde et Europe 1. Elle visera à collecter des données sociologiques sur les jeunes. Si Boris Razon reste toujours calme et ouvert, il sait aussi dire non. «Il commence par dire non, précise même Yann Chapellon. Après, on trouve un moyen...»

 

27 décembre 1975. Naissance à Paris.
1996. ENS Fontenay-Saint-Cloud.
1996-2000. Don Quichotte.
Décembre 2000. Chef des informations adjoint Le Monde.fr.
2002. Rédacteur en chef du Monde.fr.
2011. Directeur des nouvelles écritures et du transmédia de France Télévisions.

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