communication interne
Si les managers sont très conscients de leur rôle dans la communication de proximité selon une étude de l’AFCI, les messages importants ne passent pas toujours et les collaborateurs restent démobilisés.

Quelque 70% des managers estiment jouer un rôle décisif dans la communication interne, selon une enquête récente, publiée par l'AFCI (Association française de communication interne) et l'ANDRH (Association nationale des directeurs de ressources humaines), réalisée par le cabinet Inergie. Il y a donc une réelle prise de conscience: les managers ont assimilé leur rôle de rouage central de la communication. Le hic c'est que les messages ne semblent pas passer. En dessous, les équipes se plaignent toujours de manquer de cap clair, de sens, et cela se retrouve dans le niveau d'engagement des collaborateurs. Alors qu'est-ce qui coince?

Une chose est sûre: aujourd'hui, le manager a bien intégré son rôle de communicant. D'ailleurs, 42% des managers jugent que la communication améliore la performance de leur équipe, et plus d'un sur deux est aujourd'hui évalué sur cette mission, toujours selon l'AFCI.

«Il y a six ans, lors de notre première étude, cela ne faisait pas partie des missions cardinales du manager, rappelle Guillaume Aper, président de l'association. Paradoxalement, le terme de kit de communication est devenu un mot un peu sale, assimilé à des éléments de langage fournis aux managers, une sorte de produit de masse, formaté.» En réalité, même dans ce domaine, de gros progrès ont été réalisés. «Par exemple, à l'AFCI, nous avons planché sur la communication autour de sujets sensibles, sociaux, réorganisation...», poursuit Guillaume Aper.

Sur ces thèmes, il y a toujours un risque de délit d'entrave vis-à-vis du comité d'entreprise, mais cela n'empêche pas de communiquer: ainsi, on peut fournir aux managers des documents écrits, en précisant sur chaque page «projet», ou encore organiser une «conference call» avec les managers. De plus en plus de directions de la communication intègrent ces nouvelles façons de faire. Si les managers communiquent avec leurs équipes, c'est principalement pour donner du sens à l'action (pour 81% d'entre eux), rester à l'écoute et maintenir le lien et le dialogue (pour 70%).
Pour autant, ces messages semblent ne pas arriver à leurs destinataires finaux: les salariés. Qu'est-ce qui bloque? «Cela dépend de quoi on parle: il y a plus de communication opérationnelle qu'il y a dix ans, par rapport à son équipe et son travail quotidien, juge Jean-Marc Le Gall, conseil en stratégies sociales et professeur associé au Celsa. En revanche, si l'on considère le manager comme un maillon de la communication de l'entreprise, là il est clairement en position de retrait. Et tant qu'il ne sera pas intégré à un système cohérent, en amont et en aval, qui lui permettra de jouer ce rôle avec des chances d'avoir de l'impact, il ne remplira pas cette mission.» D'où cette plainte récurrente des chefs de service et salariés de manquer de vision sur la stratégie, et donc de cap dans leur travail.

 

Créer des communautés managériales

«Pourtant, aujourd'hui, la stratégie peut avoir un impact direct sur le fonctionnement interne et sur un service: remise en question de l'implantation d'agences, d'une activité, externalisation...», remarque Jean-Marc Le Gall. Comme toujours, l'exemple doit venir du sommet, des hautes sphères de l'entreprise. Exemple: «L'équipe dirigeante de la SNCF est allée à la rencontre de 90 000 salariés dans une sorte de road show, sans qu'il y ait de casting, de présélection des collaborateurs», précise Guillaume Aper. Autre illustration, avec la démarche du nouveau directeur général de Norauto, Bruno Desmet, qui a pris contact avec un salarié sur dix. «C'est crucial d'instaurer ces moments où il y a des échanges qui sont plus naturels, moins superficiels, car le patron se trouve confronté à des salariés, experts de leur boîte, qui posent de bonnes questions», poursuit le président de l'AFCI. Ce type de démarche a, bien sûr, valeur d'exemple: c'est un signal fort envoyé à tous les managers.
«Pour ouvrir les vannes de la communication, il faudrait aussi travailler avec les patrons opérationnels: ce sont eux qui peuvent ouvrir ou fermer le jeu, précise Jean-Marc Le Gall. C'est un chantier d'entreprise sur deux ou trois ans, pour aboutir à une vraie communication, qui englobe de la transmission d'informations, l'instauration d'une relation et, si possible, d'un échange. La création de communautés managériales, permettant des rencontres régulières de cadres d'un même niveau, est la plus efficace. Aujourd'hui les dirigeants mettent encore la communication sous contrôle, et cela reste bien souvent un dialogue de sourds.» Et la profusion d'outils d'échange très chronophages, en particulier dans les grands groupes, finit par créer une «technocratie communicationnelle», conclut l'enseignant.


(Encadré)

Les managers français très «au contact»

 

Les managers français disposent d'un atout fort, selon le cabinet EY (ex-Ernst & Young): ils sont parfaitement adaptés aux structures d'intelligence collective. D'après l'étude «Les pratiques managériales comme avantage compétitif», menée au niveau mondial: «Ils passent 57% de leur temps en activités d'équipe (contre 43% d'individuelles), soit largement plus que leurs homologues anglo-saxons», décrypte Sylvie Magnen, associée en charge de la stratégie des ressources humaines chez EY. Une forme de management au contact des collaborateurs, qui serait une spécificité hexagonale. D'ailleurs 9 Français sur 10 affirment que les problématiques auxquelles ils sont confrontés sont si complexes que le travail en équipe est indispensable. «Pour y parvenir, 70% des managers français plébiscitent les réunions physiques, devant les e-mails de groupe et les réseaux sociaux internes (32%)», constate Sylvie Magnen.

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