"Le magicien qui défie la station météo" (France 3), "Le sorcier qui défie la pollution" (Le Point)... Les titres qui lui sont habituellement consacrés évitent rarement la sémantique de son homonyme Harry Potter, auquel le fondateur de Netatmo ressemble, il est vrai, un peu. Dans la salle de réunion, pas de baguette magique mais des trophées Innovation décrochés au CES, la grand-messe de la high-tech qui se tenait à Las Vegas en janvier. C'est la deuxième année consécutive que Frédéric Potter en décroche.
Avec Netatmo, la start-up qu'il a lancée en 2011, l'homme a su saisir les premiers vents favorables aux objets connectés. De fait, plusieurs start-up françaises ont brillé au CES en début d'année. «Internet dévore le monde, tout comme il a dévoré la téléphonie mobile. Le Net permet de connecter des objets ordinaires», résume Frédéric Potter. «Il y a plusieurs axes de développement pour les objets connectés: la maison, la santé, la cosmétique connectée...», énumère-t-il. Sur ce dernier segment, la beauté, il vient de dévoiler une innovation qui pourrait cartonner sur les plages cet été: le bracelet connecté June, qui relève en temps réel l'indice UV, et envoie des conseils à son porteur selon son type de peau, sur une appli mobile dédiée. L'an dernier, Netatmo avait lancé son thermostat connecté.
A 42 ans, Frédéric Potter en est à sa quatrième création d'entreprise. Ce fils de médecins praticiens dans le secteur hospitalier, ingénieur passé par l'ENST, bardé d'un doctorat en électronique, est «un vrai bon informaticien, qui n'a pas peur de prendre à bras le corps des sujets un peu costauds, avec une grosse technologie», résume Henri Verdier (QUI C'EST ?), un de ses anciens collègues. «Quand j'avais douze ans, mes parents m'ont offert un Apple 2, que j'allais brancher sur un respirateur artificiel le weekend. J'ai alors appris à programmer», se souvient l'intéressé.
Entrer dans la vie des consommateurs
En 1995, à peine diplômé, il arrive chez Kaptech, un des premiers opérateurs télécoms. En 2000, il cofonde Cirparck, un acteur de la voix sur IP, qu'il revend à Thomson en 2005, pour quelques 82 millions d'euros. En 2008, première aventure dans les objets connectés: il cofonde Withings avec Eric Carreel. Et en 2011, Netatmo: il y investit 2 millions d'euros, puis lève 4,5 millions en juin 2013. S'il ne communique pas de chiffres, sa start-up est déjà rentable. Cette année, il devrait même passer de 40 à 60 salariés, et s'apprête à ouvrir un bureau à Boston.
Une croissance qu'il va devoir gérer. «Jusqu'à présent, on n'avait pas de responsables transversaux. Là, nous allons devoir créer un organigramme, avec un comité de direction et une organisation par métiers d'ici six mois», précise Frédéric Potter. Pour lui, le management repose avant tout sur la délégation et la responsabilisation. Chez les candidats, il regarde lors des recrutements «la capacité à proposer des idées, la compétence, l'envie, ce qu'ils veulent faire dans la vie. Et leur aptitude à concevoir des produits qui entreront dans la vie des consommateurs». A ses yeux, apporter des idées fait partie du job: les brevets sont déposés au nom de l'entreprise, le nom du salarié apparaissant comme inventeur. «Il peut y avoir une gratification. Mais inventer fait partie de leur métier», souligne-t-il.
Exigeant, il est «sans circonvolutions, il a le sens du détail, ce qu'il attend de ses collaborateurs. Mais il sait déléguer», remarque Jean-Pierre Dumolard, cofondateur de Cirpack, maintenant business angel et consultant. Autre principe, tout dire aux salariés sur la vie de la start-up: «Les ventes et chiffres de ventes sont connus, j'organise des réunions trimestrielles de présentation. C'est une culture de la responsabilité».
Encadré
Son parcours en bref
1972. Naissance à Paris.
1993. Diplômé de l'Ecole nationale supérieure des télécommunications.
1996. PhD microélectronique Pierre et Marie Curie.
Septembre 1995. Directeur de la technologie chez Kaptech.
Janvier 2000. Fonde Cirpack.
Mars 2008. Cofonde Withings avec Eric Carreel.
Avril 2011. Lance Netatmo.
