Ressources humaines
Les 2 et 3 avril derniers se tenait le 27e congrès HR, rendez-vous incontournable des DRH. Leurs enjeux pour 2014: intégrer le big data, animer les réseaux sociaux internes ou encore ouvrir le dialogue social 2.0. Panorama.

«Pour les dédicaces de Francis Huster, rendez-vous à 10h30, dans la grande salle de conférence.» Les affichettes placardées sur les tentures du très sélect Pré-Catelan, dans le bois de Boulogne, à l'occasion du Congrès HR, ces 2 et 3 avril, prêtent à sourire. Mais on peut être DRH et groupie, et cette intervention est une respiration plutôt bienvenue, dans une conjoncture compliquée pour les DRH de grands groupes, présents en nombre ce jour-là. D'ailleurs l'acteur et auteur de Albert Camus, un combat pour la gloire (Le Passeur Editeur, 2013), venu s'exprimer sur le thème «Vivre et combattre dans une société en pleine mutation», a été très applaudi. Garder le cap face aux transformations en cours, tel est d'ailleurs la principale préoccupation: l'explosion des datas RH et l'émergence de nouveaux usages associés, la mutation des métiers ou encore les nouvelles façons d'interagir et de communiquer avec les collaborateurs et les partenaires sociaux. Trois commandements sont à retenir.


1 - Big data & RH tu marieras 

 

«Les vingt plus gros éditeurs logiciels ressources humaine du marché, au niveau mondial, disposent des données détaillées de 160 millions de collaborateurs, expliquait lors du congrès HR, Jean-Luc Moisan, directeur avant-vente de Technomedia (logiciels SIRH). Cela comprend le parcours professionnel du collaborateur (dans l'entreprise et avant), sa nationalité, ses compétences... Des années d'informations en mémoire.» Des données tellement fournies qu'aux Etats-Unis, elles font concurrence aux statistiques publiques: «Là-bas, les enquêtes emploi d'ADP (éditeur de logiciels de paie) sont très attendues par les analystes car elles sont aussi complètes que les données gouvernementales.»

Reste une question cruciale: pour quels usages? «Cela peut permettre d'extraire des statistiques particulières utiles pour un DRH, dans le cadre d'une négociation avec les partenaires sociaux ou pour une présentation à sa direction générale, détaille Jean-Luc Moisan. Ou encore de l'analyse prédictive sur les indicateurs professionnels: comment évolue le moral des collaborateurs? Pourquoi y-a-t-il un surcroît de turn-over?... Des indicateurs qui peuvent servir d'alerte.»

Un usage que confirmait Caroline Bloch, directrice du développement RH de Microsoft (1800 personnes en France): «Je m'appuie sur un “people scorecard”, tableau de bord ressources humaines, qui me fournit des indicateurs sur les entrées-sorties dans l'entreprise, la part de jeunes diplômés, le taux de promotion interne, de formation... Un tableau de bord simple, du pilotage du capital humain. Une forme de business intelligence RH.» Et ce n'est que le début, selon la DRH: «Nous avons énormément de données RH: l'enjeu est de les analyser, pour savoir sur quels aspects investir.»

Un usage encadré, entre autres par la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), mais il ne faut pas que cela soit trop contraignant: «En France, nous sommes gênés par cette peur de “big brother”, dans d'autres pays, comme les Etats-Unis, les dirigeants ne s'en privent pas, et ce pilotage des données RH devient un avantage compétitif», estime Jean-Luc Moisan, de Technomedia.


2 - Les réseaux sociaux internes tu animeras 


«La principale utilité des réseaux sociaux d'entreprise (RSE) est de remplir les cimetières de réseaux sociaux, relevait, sans ambages, Philippe Canonne, DRH de la Fnac. D'ailleurs l'expression réseau social d'entreprise est un oxymore: un réseau social ne peut pas être à la fois d'entreprise et un lieu de liberté, d'interactivité...»

Après ce constat sévère du directeur des ressources humaines de l'enseigne culturelle, d'autres cas d'entreprises prouvent néanmoins que l'issue fatale n'est pas certaine: «Chez JC Decaux, nous avons lancé “Bee” en 2008, relatait Agathe Albertini, directeur de la communication du groupe (10 000 salariés). Le projet a été porté par la communication, les équipes commerciales, marketing et la DSI (direction des systèmes d'information). Sur Bee, tout le monde peut créer une communauté sur un projet de nouveau mobilier urbain, un appel d'offres... Par exemple, un collaborateur poste une question parce qu'il a un rendez-vous le lendemain chez Coca Cola: avez-vous des idées? Quelles sont leurs dernières campagnes ?... Et il obtient des réponses des différents pays.»

Aujourd'hui, il y a 4000 collaborateurs inscrits sur au moins une communauté de Bee et plus de 220 communautés. Pour que le réseau social soit adopté, Agathe Albertini a commencé par réunir à Paris et former des ambassadeurs. Et elle continue de les rassembler régulièrement.


3 - Le dialogue social 2.0 tu libéreras

 

Autre cas de réseau social interne qui fonctionne, celui d'Alcatel Lucent, baptisé «Engage», lancé en 2010 et qui compte 70 000 utilisateurs. L'exemple de cette entreprise en difficulté est révélateur d'un bon usage de l'outil digital. Les représentants syndicaux y ont leur propre communauté sur «Engage». «Depuis deux ans, nous avons lancé cette démarche et dans un premier temps les organisations syndicales avaient peur que leurs adhérents soient fliqués quand ils viendraient sur leur page en ligne, expliquait, sans langue de bois, Sébastien Lebreton, le DG RH et communication. Mais les syndicats créent des groupes privés, accessibles et visibles par leurs seuls adhérents et cela leur permet de réaliser des sondages, d'organiser des mouvements sociaux... Les usages émergent très lentement et un comité européen a ouvert une page, sur laquelle il publie en “live” les décisions prises lors des comités de groupe européen.»

De l'innovation technologique au service des débrayages, dans ce groupe qui connait une profonde transformation avec une succession de PSE (plan de sauvegarde de l'emploi)... «Si j'ai emmené les partenaires sociaux sur ce terrain-là, c'est d'abord pour qu'ils soient au même niveau que les salariés, que ces derniers puissent venir alimenter les négociations; par exemple sur le télétravail, nous avons fait des appel à contributions, listait Sébastien Lebreton. Et puis, il s'agit d'accéder aux demandes internes, comme celles venues du groupe “equal” (gay, lesbienne, trans et bi), qui a pu porter ses revendications (extension du congé paternité aux couples gays & lesbiens par exemple).» Pas forcément une promesse de dialogue social en forme d'arc en ciel, mais de quoi se conciler des réseaux communautaires.



FOCUS. Les DRH contre le management directif

Il aura fallu attendre 2014 pour que les DRH appellent à la révolution dans les entreprises: «Fini la hiérarchie, le manager aujourd'hui doit être l'égal de ses collaborateurs, soulignait ainsi Sébastien Lebreton, directeur général RH et communication d'Alcatel-Lucent France. Le nouveau manager est plutôt un animateur de communautés, chargé du développement de ses équipes, de leur performance.» Ce rôle inclut la montée en compétences: «Le manager doit animer une communauté qui créé de la valeur, et agrège des connaissances pour cette communauté, cela peut aller jusqu'à identifier les sources de formation, les fabriquer, complétait Laurent Stencel, DG en charge du développement de Moon's Factory. Le manager passe-plat et courroie de transmission de la culture d'entreprise a atteint ses limites.»
Le DRH de la Fnac, Philippe Canonne, allait même plus loin: «Le management de la performance avec les entretiens évaluations, est mort, archi-mort!»

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