communication interne
Des groupes comme Accenture, Orange ou encore GDF Suez s'engagent dans des plans de communication interne pour une meilleure inclusion des lesbiennes, gays, bi et trans. Une tendance émergente.

Seulement un tiers des LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) ont fait leur coming-out au bureau, selon une étude citée par l'Autre Cercle et rappelée lors de la soirée-débat organisée par le cabinet de conseil Accenture, mardi 10 juin à son siège, sis en face de Bercy (Paris 13). La plupart des LGBT taisent leur orientation sexuelle dans leur entreprise, parfois par choix, souvent par peur des conséquences. Et c'est un vrai facteur de mal-être, si l'on en croit trois films, baptisés «Coming in» réalisés par Marlies Demeulandre pour la Clairière production, et projetés lors de cette soirée.

Parmi les témoignages poignants de salariés, celui de Jean-Marie Boutin, 36 ans, responsable des relations institutionnelles chez Accenture, qui a dû s'inventer une vie d'hétérosexuel pendant plusieurs années (lire ci-dessous). «Avant de visionner ces films je ne m'imaginais pas la douleur de ces salariés, le lundi matin devant la machine à café», remarquait une directrice de la communication, après la diffusion. Ces trois courts-métrages réalisés en partenariat avec Orange, GDF Suez, Alcatel-Lucent et Accenture, sont actuellement diffusés par les sociétés sur leur intranet.

Urgence à agir

Après avoir avancé sur d'autres sujets de diversité (la parité, le handicap...) et laissé passer la tempête de 2013 déclenchée par le débat passionné autour du mariage pour tous, les groupes s'emparent enfin de cette question de l'inclusion des LGBT dans l'entreprise. «Il y a sept ans, quand j'ai pris la tête d'Accenture, je ne pensais pas que cette diversité-là pouvait être un problème, reconnaît Christian Nibourel, le PDG du cabinet de conseil. Chez Accenture, nous devons avoir 6% de LGBT, comme dans la moyenne de la population, et si ces salariés ne sont pas bien dans l'entreprise, ils risquent à la fois d'être moins performants et de créer leurs propres réseaux internes.»

Orange aussi entend s'appuyer sur ces films pour continuer de progresser sur le sujet. «Nous avons signé une charte LGBT en janvier 2013 et certains salariés ont alors pensé que nous prenions position pour le mariage pour tous, mais ce n'était pas le cas, précise Laurent Depond, directeur de la diversité. Il y avait à urgence à agir sur ce sujet: par rapport à la “facilité à parler de l'orientation sexuelle dans l'entreprise”, nous sommes 20 points en-dessous de la moyenne des entreprises.»

Orange communiquait aussi depuis plusieurs années lors de la journée internationale de lutte contre l'homophobie, avec des affiches et un slogan: «Les pauses cafés c'est plus sympa quand on peut être soi». Maintenant le groupe organise des séances de partages sur cette thématique et projettera la version longue du film de la Clairière production, tout comme GDF-Suez.

Créer une "bible"

De son côté, Accenture a, depuis septembre dernier, constitué une équipe diversité LGBT, qui comprend aujourd'hui 18 personnes, avec plusieurs objectifs: «Sensibiliser les managers en interne, échanger avec les associations LGBT d'écoles et universités, mais aussi communiquer différemment avec notre écosystème, dont nos clients», liste Jean-Marie Boutin, en charge de ce groupe. Le dirigeant d'Accenture vient d'ailleurs d'adresser un email à ses 5 000 collaborateurs pour expliquer l'engagement de son entreprise.

«Organiser une prise de parole sur l'orientation sexuelle de ses salariés, c'est un défi pour un communicant, juge Guillaume Aper, président de l'association française de communication interne (AFCI). Cela implique d'avoir avancé auparavant sur d'autres sujets sociétaux. En termes de communication, c'est un sujet intéressant car il ne supporte pas la médiocrité: avant de se lancer, les entreprises ont intérêt à se demander si c'est le bon moment pour elles, à se comparer avec d'autres sociétés du secteur.»

Accenture avance pas à pas: «Nous avons besoin de formaliser les choses, de créer une sorte de “bible” avec des éléments de langage et un récapitulatif des textes de lois, tout cela doit être bouclé avant la fin de l'année et débouchera sur des formations pour les managers», précise Khalid Lahraoui, directeur capital humain et diversité.

Pour ces sociétés pionnières, les obstacles sont nombreux. Même chez Accenture, ce programme ne se déploie pas sans heurts: «Je reçois régulièrement des mails de salariés qui ne comprennent pas que l'on traite cette question, conclut-il. Quand on essuie les plâtres c'est d'abord un inconvénient vis-à-vis des clients mais très vite cela peut aussi vite devenir un atout.»


Jean-Marie Boutin, 36 ans, responsable des relations institutionnelles chez Accenture

 

«La discussion du lundi matin devant la machine à café a longtemps été un calvaire: chacun racontait son week-end et moi je devais m'inventer une vie pour ne pas dévoiler mon homosexualité, je m'efforçai de remplacer systématiquement compagnon par compagne. J'évitais toute allusion qui risquait de me dévoiler, en particulier je ne citais jamais le quartier du Marais, trop connoté “gay”, dans mes conversations. Cela fait onze ans que je suis chez Accenture et pendant cinq/six ans j'ai caché mon orientation sexuelle au travail, cela imposait de ne jamais me relâcher dans mes discussions avec mes collègues: tout était millimétré. Cela provoque une tension nerveuse et je ne me détendais qu'en rentrant chez moi, le soir. Cela a changé quand Accenture a commencé à communiquer sur le sujet, cela m'a interpellé et puis cela a coïncidé avec un cheminement personnel: mon coming-out familial et avec mes amis. J'ai décidé enfin d'en parler au bureau. Aujourd'hui je pilote un groupe de travail sur le sujet.»

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.