«Je travaille dans le train et l'avion, quand j'arrive au bureau je pose mon ordi et je ne m'asseois plus, je ne fais que parler aux gens», assure Anne de Kerckhove, qui met un point d'honneur à connaître personnellement ses 150 salariés. La directrice générale EMEA de Videology, société spécialisée dans la publicité vidéo et le ciblage d'audience, prend en moyenne quatre avions et quatre trains par semaine. «Seulement une semaine sur deux, précise-t-elle, l'autre j'ai mes enfants, alors je m'efforce de voyager après les avoir amenés à l'école, et avant d'aller les chercher.» Elle voit ses managers directs en tête-à-tête chaque semaine, et ses collaborateurs les plus éloignés, au moins une fois par trimestre. «Une manager peut vite devenir très intimidante si elle n'est jamais là, donc pour moi c'est hyperimportant de passer du temps en one-to-one», souligne-t-elle avec son léger accent américain et son franglais récurrent.
Rencontrer ses salariés, c'est aussi un moyen de leur rappeler leurs objectifs, plutôt exigeants. «Ils sont toujours très précis et transparents, précise-t-elle, tous les “quarter” (trimestres, ndlr) je rappelle à chacun les trois enjeux stratégiques et les dix actions à faire». Ce rythme effréné qu'elle s'impose, elle en exige presque autant de ses salariés. «Je peux être assez dure», reconnaît-elle. Sarah Hemar, qui a travaillé avec elle chez Reed Elsevier et en a gardé une solide amitié, confirme: «Elle est très vive et rapide, ce qui peut faire penser à certains qu'elle est un peu brusque et parfois cassante». Pour autant, Sarah Hemar insiste: «Elle pratique l'exemplarité et construit vraiment une dynamique d'enthousiasme.»
Le luxe d'attendre
Ce mélange de bienveillance et de superexigence lui a valu le surnom de «Tiger Mom» par les équipes américaines de Videology. Un surnom donné aux mamans asiatiques qui sont à la fois hyperprotectrices avec leurs enfants et les poussent à fond. Anne de Kerckhove assume: «Dans la culture britannique, c'est très naturel de se moquer l'un de l'autre, ça permet de désamorcer le stress et d'éviter les ego.»
Videology, qui s'étend à vue d'œil depuis sa création en 2007, emploie 350 personnes et en embauche régulièrement. La société américaine, déjà présente en France, en Angleterre, au Benelux, ou encore en Turquie, se développe en ce moment au Danemark, en Finlande et en Islande. La moyenne d'âge est d'un peu moins de 30 ans, et les profils, plutôt très qualifiés. «Les gens que l'on embauche ont une capacité à comprendre les gros enjeux et à mener des actions hyperpratiques», explique celle qui participe à tous les entretiens d'embauche.
Anne de Kerckhove est entrée chez Videology par une amie, ancienne associée sur une start-up. «Je voulais faire une pause de six mois après avoir quitté mon dernier poste, et je n'ai pas tenu plus de quatre semaines», avoue-t-elle. «Mon amie m'a dit qu'il y avait des datas, des algorithmes, et, surtout, une super équipe». Elle, qui a créé sa première start-up à 25 ans, et a fondé depuis quatre sociétés, est passionné par «les industries en transformation».
De son expérience chez Inspired, où elle est resté sept ans et dans laquelle elle a contribué à créer le «cloud» britannique, le premier réseau wifi national, elle n'a gardé qu'un mauvais souvenir: «L'introduction en bourse. Là je me suis dit... parfois on se focalise sur les mauvaises choses, une IPO c'est tellement pas important.» Pour Videology, ce n'est donc pas une priorité: «On a déjà levé plus de 130 millions de dollars, ça nous donne le luxe d'attendre.»
Son parcours en bref
17 septembre 1972. Naissance à Québec
1992. Diplômée de Mc Gill Univeristy, en business, filiale marketing international
1997. Quitte un poste en finance internationale pour entrer à l'INSEAD
2000. Fonde une agence de marketing mobile, 12 snap
2003. Rejoint Inspired
Mai 2012. Entre à Videology comme directrice générale Europe
Juillet 2013. Promue directrice générale EMEA de Videology
