1- Est-ce le bon moment pour changer?
Un changement d'employeur est toujours une mise en danger professionnelle quand le taux de chômage dépasse les 10%. Au point que ce directeur d'agence (sous couvert d'anonymat) déconseille de franchir le pas: «Sauf s'il y a une insatisfaction très forte, il vaut mieux rester en poste. Il y a beaucoup de risques à bouger en ce moment car les agences restent fragilisées par la volatilité des clients, qui nous remettent bien souvent en compétition tous les ans.» Une conjoncture délicate, mais pas pour tout le monde: les profils digitaux peuvent bénéficier de vents plus porteurs. Au point que Pierre Cannet, fondateur du cabinet Blue Search, est plus optimiste: «La rentrée est un bon moment pour postuler. En plus, le digital est un marché assez fluide et cela va durer dans les prochains mois.»
Mais si l'on fait le choix de bouger, il faut redoubler de prudence dans celui de l'entreprise d'accueil: est-elle en bonne santé, dans un marché porteur? Ses managers sont-ils des visionnaires? Au-delà des questions conjoncturelles, ce changement d'employeur doit être cohérent avec un cheminement individuel. «Cette décision est intimement liée à un cycle d'évolution personnelle, confirme Stéphane Bartolomucci, DRH de l'agence digitale Nurun. Si la personne est en poste depuis 3-4 ans, et plutôt jeune, cela peut être le moment opportun pour elle de prendre des risques, et compléter une expérience en agence par une autre dans une start-up ou chez un acteur du web important, comme Criteo, Vente-privée, Amazon, etc.»
La clé dans ces choix de carrière peut se résumer à une question: «Qu'est-ce que je vais apprendre?» En effet, les recruteurs sont très sensibles à cette notion de courbe d'apprentissage professionnelle.
Dossier : Emploi dans le marketing et la com', enfin la reprise ?
2 - Où se cachent les offres d'emploi?
Même si le volume d'offres publiées sur les sites d'emplois repart à la hausse, selon la dernière étude de l'Apec (Association pour l'emploi des cadres), leur niveau reste relativement faible dans l'univers de la communication et du marketing, en comparaison avec d'autres secteurs. Et pour cause, le secteur est traditionnellement un marché caché: le recrutement se déroule surtout par cooptation.
Pour les jobs dans le digital, où il y a le plus d'embauches actuellement, les recruteurs privilégient clairement les réseaux sociaux: les agences recrutent souvent en direct sur Twitter (ou via leur site corporate). Dans les agences comme chez les annonceurs, l'autre réseau apprécié est Linked In: «Pour les profils digitaux, je ne vais pas publier d'annonce sur un site emploi généraliste, car sur 300 CV reçus, 280 ne correspondront pas à ce que je cherche», explique Pierre Cannet. Du coup, il privilégie Linked In, en plus de son vivier de candidats et de l'approche directe. Selon Charlotte Vitoux-Evrard, directrice du recrutement de Zenith-Optimedia France, les offres en marketing, communication et digital peuvent se trouver sur Linked In, Viadeo, Facebook, le site de l'Apec ou les sites corporate des entreprises, «mais ce qui marche le mieux c'est Linked In et la cooptation classique».
Lire : 5 compétence qui boostent un CV
3- Un passage par l'étranger est-il indispensable?
«Avec le digital, on ne raisonne plus local, il n'y a plus de frontières, dit Marc de Torquat, cofondateur du cabinet Shefferd. Du coup, cela se retrouve dans les exigences des entreprises, certaines nous demandent des profils ayant travaillé à San Francisco ou en Asie, capables de penser, d'abord, les problèmes avec une culture internationale.» Bien sûr, l'idéal est de pouvoir le faire en début de carrière, et c'est l'occasion en plus de devenir réellement bilingue.
Selon les métiers, il faudra opter pour un visa différent. «Une expérience en Californie peut-être bonne pour les métiers techniques, estime Stéphane Bartolomucci, de Nurun. Pour les planneurs ou les commerciaux, le choix est large: Etats-Unis, Londres, Amsterdam, Singapour, Hongkong, Bangkok, Shanghai… Enfin, l'Europe du Nord, notamment la Suède, Sao Paulo au Brésil, et l'Australie sont de bonnes destinations pour les créatifs.»
Cette immersion peut aussi s'effectuer en milieu de carrière, selon Charlotte Vitoux-Evrard, de retour en France, après une année passée chez Zenith-Optimedia à Londres: «C'est essentiel en termes de savoir être et savoir-faire, cela apporte d'autres méthodologies. L'idéal étant de bouger au sein de son groupe.»
Lire : le digital recrute
4- Quelle marge de négociation sur le salaire?
«Quand un salarié change d'entreprise ou d'agence, il peut espérer gagner 10 à 15% de plus, indique, en «off», un DRH d'agence. Cette marge de négociation peut être plus importante pour des profils très juniors: ils peuvent viser une hausse de 25%.»
Pour autant, la tendance globale pour les salariés travaillant dans une agence est plutôt morose, selon notre enquête «Salaires de la pub», réalisée par le cabinet Shefferd et à paraître la semaine prochaine dans Stratégies (n°1783 du 2/10/2014): le directeur de la création et celui du planning stratégique ainsi que les métiers commerciaux voient leur salaire médian baisser. «Mais d'autres tirent leur épingle du jeu, constate Marc de Torquat, comme par exemple le responsable “social media”».
5 - Comment bien se vendre quand on est au chômage?
Avec un chômage supérieur à 10% en France (10,2% au 2e trimestre 2014, selon l'Insee), les risques de passer par la case «demande d'emploi» sont élevés actuellement. Un cercle vicieux car une fois en recherche de job, les concurrents sont nombreux, à la fois les chômeurs et les salariés. Il faut saisir les occasions de se former pendant sa période de recherche d'emploi, en utilisant par exemple son DIF (droit individuel à la formation). La portabilité (principe du maintien des droits en cas de fin ou de rupture de contrat) du DIF permet normalement de financer ces cursus .
Selon Charlotte Vitoux-Evrard, de Zenith-Optimedia France, «il faut être actif dans son chômage: continuer d'activer son réseau, effectuer des missions en free-lance ou lancer un projet, une association».
6 - Quelles sont les règles à respecter pour transformer l'essai?
Trois mois pour convaincre, c'est que prévoit la Convention collective de la publicité pour les cadres, avec possibilité de renouveler cette période une fois. Mais comme 84% des embauches se font actuellement en contrat à durée déterminée (CDD), selon l'Insee (chiffre du 1er trimestre 2014), un niveau record depuis quinze ans, c'est bien souvent le CDD qui fait office de période test.
Chez les annonceurs, la règle pour les cadres est différente: six mois renouvelables une fois. «Mais la tendance est plutôt 4+3, note Pierre Cannet, de Blue Search. Quand une entreprise investit dans le digital et recrute un responsable e-commerce, c'est comme une sorte de greffe, car ce cadre doit contribuer à définir la stratégie globale, mais aussi se faire adouber par les autres services et collaborateurs.» Un vrai défi.
Premier conseil: ne pas se survendre en entretien, sinon la période d'essai pourrait tourner au calvaire. «Il faut aussi éviter de vouloir tout remettre en question, précise Charlotte Vitoux-Evrard. L'idée n'est pas non plus de s'adapter à toute vitesse, car la fraîcheur du regard et l'apport de nouvelles méthodologies peuvent être appréciés par votre nouvel employeur.» Enfin, il faut prendre le temps d'observer les us et coutumes et ne pas hésiter à rédiger un rapport faisant part de son étonnement.
7 - Comment bien choisir ses stages?
L'idéal est de pouvoir alterner stage en agence, dans une start-up et un grand groupe, et de se frotter ainsi à trois façons de travailler très différentes. «Il n'y a pas de bon ou de mauvais stage, ce qui compte, c'est ce que l'on en fait, et les enseignements que l'on en retire, insiste Charlotte Vitoux-Evrard. Il faut accepter de faire de l'opérationnel et ne pas hésiter à poser des questions, comme “Qu'est-ce que vous avez apprécié/détesté chez les précédents stagiaires?”.» Le jeune peut aussi demander à avoir des points réguliers avec son manager et que celui-ci lui fixe des objectifs.
