Réseaux
La francophonie ne se limite plus aux échanges culturels. En témoigne l’essor de réseaux qui rapprochent les entrepreneurs et investisseurs travaillant dans cette langue.

Longtemps, la bataille pour la francophonie s’est cantonnée au champ linguistique et culturel. Le Québec a joué un rôle pionnier pour défendre la place du français dans l’administration, l'audiovisuel et l’éducation. La France quant à elle ne cesse de promouvoir dans le monde l’apprentissage de sa langue et son cinéma. Plus récemment, la francophonie a pris la mesure de son poids économique. Selon l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), les 80 pays membres (57 membres et 23 observateurs) totalisent plus 900 millions de personnes, soit 13 % de la population mondiale, 16 % du PIB mondial et 20 % du commerce mondial.

Les pays francophones tendent à davantage échanger et investir entre eux : en moyenne, chacun échange un quart de sa production avec des partenaires partageant la même langue. Et le meilleur est à venir puisque le nombre de locuteurs dans la langue de Molière devrait doubler d’ici 2050, grâce essentiellement à la croissance démographique en Afrique. Cela n'a pas échappé au cabinet de conseil et d’audit PwC qui prévoit de recruter « 1700 personnes en France et dans les pays francophones d’Afrique » entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018, notamment pour accompagner le développement de ses activités de conseil en transformation des entreprises.

Sur le papier, la francophonie économique, qui porte la promesse d’un codéveloppement, est donc plus forte que jamais. Et l’organisation de la francophonie économique va désormais bien au-delà du Franc CFA de l’Afrique de l’Ouest, les initiatives se multipliant pour promouvoir l’innovation dans les espaces francophones.

Ainsi l’OIF a-t-elle créé en 2010 le Réseau francophone de l’innovation (Finnov), une plateforme qui favorise l’échange d’informations et la mise en relation des acteurs francophones impliqués dans le domaine de l’innovation. Concrètement, Finnov offre des services de veille et des espaces collaboratifs en ligne dans quatre secteurs : agro-alimentaire,  numérique et économie du savoir, technologies et économie verte, industries culturelles et économie de la culture.

Autre initiative au croisement de l’entrepreneuriat social et de l’Afrique, Résonances Nord-Sud (RNS) est un incubateur d’entreprises fondé en 2014 implanté à Montreuil qui accompagne des entrepreneurs sociaux franciliens dont les projets peuvent bénéficier aux deux côtés de la Méditerranée. « Notre positionnement fait sens au regard de l'importance de la communauté africaine francophone en Seine-Saint-Denis » remarque Mélissa Etoke la coordinatrice de cet incubateur. Diplômée d'un Master en finance d'entreprise de l'école de commerce de Rouen, cette trentenaire incarne parfaitement cette nouvelle génération d’entrepreneurs détenteurs d'une double culture sur lesquels s’appuie désormais la francophonie économique. 

Start-up vertes et sociales.

De son côté, la Région Île-de-France a lancé cette année en partenariat  avec Impact Network – Inco, l’accélérateur mondial de start-up vertes et sociales le réseau Sprint (Startup Paris Region International). Sprint fédère des incubateurs francophones franciliens et africains pour promouvoir l'entrepreneuriat social, solidaire et durable comme modèle de développement dans les zones de coopérations prioritaires de la Région Île-de-France. Chaque année, le réseau Sprint accompagnera six incubateurs de start-up dans six villes africaines : Abidjan (Côte d’Ivoire), Antananarivo (Madagascar), Alger (Algérie), Casablanca (Maroc), Dakar (Sénégal) et Tunis (Tunisie).

À terme, Sprint ambitionne de créer 700 emplois durables, d’accompagner 200 start-up et de former 900 jeunes à l'entreprenariat « social green tech ». Parmi les projets les plus porteurs, Medtrucks, une start-up franco-marocaine basée sur les deux rives de la Méditerranée entre Montpellier et Casablanca qui entend répondre à la problématique des déserts médicaux notamment sur le continent africain grâce aux nouvelles technologies. « Le Français nous permet effectivement de pouvoir présenter notre solution sans avoir à chaque fois à faire un grand travail d'adaptation de notre "pitch". Nous pouvons bien évidement présenter notre solution en anglais mais notre discours serait moins impactant et les échanges plus complexes. Même la langue arabe varie selon les pays » explique Anass El Hilal, cofondateur de Medtrucks.

Obstacles et limites

Mais ces initiatives ne doivent pas occulter les obstacles et limites auxquels se heurte la francophonie économique. D’abord les pays émergents ou PMA [Pays Moins Avancés] francophones dont les économies sont peu complémentaires échangent beaucoup avec l’Europe, la Chine ou l’Amérique du Nord mais finalement, peu entre eux. Seulement 13 % des échanges de la zone CFA sont intracommunautaires quand ce chiffre dépasse 60 % dans l’Union européenne. La complémentarité est plus évidente avec les pays francophones développés d’Europe mais ces derniers ont vu leur part relative décliner avec l’essor de la Chine dont le commerce avec l’Afrique dépasse depuis 2007 celui du commerce franco-africain. La mondialisation, une meilleure maîtrise de l’anglais incite par ailleurs les dirigeants d’entreprises des pays francophones africains et européens à sortir de leur pré carré. Lafarge, Total, Bolloré vont là où se trouvent les matières premières ou la demande, pas forcément là où on parle français. Et de plus en plus les élites africaines francophones vont étudier dans des pays anglophones.    

Pour avancer, la francophonie économique doit enfin miser sur des mesures concrètes plutôt que sur des colloques aux discours parfois ronflants. «Notre espace foisonne déjà d’échanges économiques, mais ce marché commun, - et c’est ainsi que nous devons nous penser désormais -, mérite d’être mieux valorisé et exploité, d’être plus dynamisé et structuré », reconnaissait Michaëlle Jean, secrétaire générale de l'OIF le 14 septembre lors des 2e Journées de la francophonie économique et numérique. À cet égard, « il y a encore des progrès à faire concernant les procédures de visas pour faciliter la mobilité des étudiants et entrepreneurs francophones » déplore Etienne Giros, président délégué du CIAN, le Conseil français des investisseurs en Afrique.

Les communicants francophones ont leur cercle

Créé en 2014, le Cercle des communicants francophones entend construire « des ponts intellectuels entre les professionnels de la communication issus de tout l'espace francophone » explique son président Damien Arnaud. Très porté sur l’entraide, le Cercle a lancé en janvier 2017 la Route de la Com, une initiative qui vise à favoriser l’insertion professionnelle des étudiants et des jeunes diplômés en organisant un système de parrainage par des professionnels francophones de la communication. Cette année, chacun des 60 jeunes d’Afrique et d’Europe parrainés devra faire découvrir à son parrain/marraine une initiative de communication originale (une action, un outil, une campagne…). Il devra aussi réaliser une interview de son parrain/marraine pour le Cercle des communicants francophones et partager son expérience sur les réseaux sociaux du Cercle (#LaRouteDeLaCom).

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