RH
Le groupe de télécoms prépare la refonte de sa gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Il rend accessible à tous son appareil de formation pour s’adapter aux nouveaux usages.

C’est dans un immeuble moderne de Montrouge, rue Barbès, face au siège du groupe Bayard, que les cadres du groupe Orange se forment à la transformation de leurs métiers. Dans le cadre son plan stratégique « Engage 2025 », le groupe présidé par Stéphane Richard a décidé de consacrer 1,5 milliard d’euros à la formation de ses 148 000 salariés d’ici 2025. Objectif : répondre à la digitalisation qui est en train de bouleverser l’entreprise à un rythme jamais vu jusqu’à présent, les deux tiers des salariés estimant que leur métier en sortira profondément transformé.

Un chantier très ambitieux dont Orange Campus est le navire amiral. Créée en 2010, la structure a déjà recueilli 150 000 participations à un parcours de formation. Mais il s’agit désormais d’aller plus loin : ce ne sont plus simplement les managers mais l’ensemble des salariés qui sont invités à s’adapter à l’évolution de leurs métiers en se formant. « Pour répondre à ce défi de compétences, on passe à une école en réseau plus inclusive et plus immersive », explique Valérie Le Boulanger, directrice exécutive des ressources humaines du groupe, qui redistribue son Orange Campus dans quatre domaines : la data et l’IA, la cybersécurité, le management et les compétences pour tous.

Des expériences ludiques

L’immeuble de Montrouge offre des expériences assez ludiques pour faire de la formation sinon un plaisir au moins une occasion d’apprendre en s’amusant. En posant sur son crâne un casque de réalité virtuelle, le salarié se retrouve par exemple plongé sur une scène de théâtre à l’italienne face à une foule qui interagit avec lui. « Racontez-nous le dernier film que vous avez vu », entend-t-il alors. Lorsqu’il se lance, il découvre une assistance plus ou moins attentive dont il va chercher intuitivement, ou non, à capter l’attention. Thème de la formation : la prise de parole en public.

Dans un coin d’un grand espace de rencontres, l’œil est aussi attiré par un bar que l’on jurerait sorti d’une fête foraine. Le « barman » vous invite à choisir un dessous de verre coloré en bois avec une image qui vous correspond. Au dos, un QR code renvoie vers une formation dispensée sous forme de podcasts : « comprendre les bitcoins », « développer son leadership », « trouver son équilibre vie pro/vie perso »… Orange Campus propose aussi un « escape game » ou un « hacking room ».

Derrière cette mise en musique, les enjeux sont colossaux. Car l’opérateur entend à la fois renforcer son expertise en doublant en cinq ans le nombre de ses experts en technologies (cloud, développement, logiciels…) et accompagner ses salariés dans la perspective d’évoluer. « Ils doivent intégrer les usages des technologies qui sont au cœur de la data, de l’IA ou de la cybersécurité, et développer leurs compétences humaines, sociales relationnelles, adaptatives », précise la DRH.  Des soft skills qui ne s’imposent pas seulement pour faciliter le vivre ensemble. L’efficacité aussi en dépend : « Tout le monde est interconnecté, souligne Elisabeth Fonteix, directrice de la formation et du développement des compétences du groupe, les personnes doivent communiquer, travailler ensemble, échanger et faire des feed backs. Il en va de la capacité à agir tout en étant dans un cadre collectif ». En 2025, la moitié des effectifs seront à l'international (38% aujourd'hui).

Plaza, réseau social d'entreprise

Si les managers restent clés, l’idée est donc de démocratiser l’accès à ces compétences. Pour cela, Orange peut compter sur son réseau social d’entreprise, Plaza, dédié aux managers. La plateforme, suivie par un tiers d’entre eux, soit 6000 abonnés, permet de partager, d’apprendre et de prendre du recul avec des contenus inspirants. « Les managers donnent leurs trucs et astuces, certains deviennent même rédacteur en chef de la semaine », souligne Jean-François Hadida, directeur d’Orange Campus. Avec un accompagnement managérial, l’idée est ainsi de « rendre chaque salarié acteur de son développement », comme dit Elisabeth Fonteix. « La data RH est plus que jamais fondamentale pour connaître de façon détaillée la cartographie des compétences et pour travailler l’ultra-personnalisation pour chaque salarié », ajoute-t-elle. De quoi créer une injonction à évoluer, source de stress et d’insécurisation ? La question est sensible dans une entreprise qui a été traversée, il y a dix ans, par une « crise de suicides » liée à la mobilité forcée tous les trois ans qu’avait mise en place son ancienne direction. Sauf qu’il ne s’agit pas cette fois de contraindre les gens à quitter l’entreprise mais d’assurer la compétitivité d’un corps social en le formant. « Nous voulons trouver la réponse qui va bien à chacun selon son parcours et son potentiel, reprend Valérie Le Boulanger, que le salarié soit bien acteur de son parcours ».

Seulement, on ne se forme pas aujourd’hui comme hier (lire encadré). La transmission des savoirs se fait de façon plus horizontale, par échanges entre pairs – surtout chez les jeunes – et via le smartphone. C’est tout le bien fondé de « l’entreprise apprenante » qui, par sa formation en situation de travail (« Fest »), vise à se glisser dans le continuum du travail. « Il s’agit de partir de situation vécue dans l’entreprise comme une réunion sous l’œil d’un pair ou d’un formateur, relate Jean-Pierre Charon, directeur adjoint de la formation et du développement des compétences. C’est important que cet accompagnateur soit formé, qu’il ait de la bienveillance et une certaine seniorité. Ensuite, il débriefe sur les points à améliorer ». Selon lui, l’expérience fonctionne aussi bien pour la tech ou la relation client que pour le management.  Orange a formé ainsi 500 personnes – sans compter 100 accompagnateurs – et entend passer à 4000 personnes en 2020.  D’ici la fin mars, la DRH Valérie Le Boulanger proposera aux partenaires sociaux une nouvelle organisation de sa GPEC. « La transformation durable d’Orange sera liée à la capacité des salariés à apprendre, à partager leurs connaissances et à apprendre à apprendre », annonce-t-elle.

La formation au cœur des nouveaux métiers

Attirer des talents pour des métiers nouveaux, c’est l’un des objectifs d’Orange. L’opérateur a lancé en ce sens un partenariat avec l’école IA de Microsoft et Simplon pour former, sans condition de diplôme, 18 apprenants aux logiciels de data et d’intelligence artificielle. « Je croise des doigts pour qu’ils viennent tous à Orange », espère la DRH, Valérie Le Boulanger. Pour l’accès aux savoirs et les parcours d’excellence, le groupe s’appuie sur une trentaine d’écoles (HEC, Insead, Cnam…). Il a aussi établi une chaire de data science à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire). Avec 3500 apprentis, il s’est par ailleurs décidé à créer son propre centre d’apprentis (CFA). Des jeunes de moins de 29 ans y reçoivent une formation adaptée pour devenir technicien dans le cloud, ingénieur en cybersécurité ou data analyst. Pour le groupe, qui veut 20 000 experts en technologies, le présenciel représentera plus que 50% de ses formations en 2025 contre 97% en 2015. Le digital occupera 30% d'entre elles et les nouvelles approches immersives 20%.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.