Ressources humaines
Reconfinement oblige, le lien avec les salariés doit à nouveau composer avec la distance mais avec cette fois de nouvelles orientations qui seront sans doute durables.

Bis repetita ? Pas exactement. L’agence Change a tiré les leçons du premier confinement durant lequel différentes « propositions » avaient été soumises aux collaborateurs : webinars avec une psychologue mais aussi visites virtuelles de villes avec un guide culturel ou encore apéros visio… Après le déconfinement, un « feed back global » a permis de révéler que les collaborateurs ont ressenti un excès de connexion, qui parfois a pu créer de la fatigue. Pour le reconfinement, l’agence a choisi le télétravail à 100 %, mais avec un régime allégé, sans « propositions » durant la première quinzaine.

Donner un cadre

Outre des appels réguliers pour prendre le pouls des troupes, Franck Leroyer, office manager de l’agence Change, a aussi glissé dans les agendas deux séries de « notifications » : la première pour rappeler l’heure du déjeuner, trop souvent zappé durant le premier confinement, et la seconde pour rappeler les horaires de travail. « Si un collaborateur place un événement avant neuf heures ou après dix-huit heures, il voit apparaître une notification lui indiquant qu'il se situe hors des horaires de travail "normaux" et qui l'invite à trouver un autre créneau, précise Franck Leroyer. Ce n'est pas une obligation, juste un rappel qui donne un cadre. »

Une demande a émergé : l’amélioration des conditions de travail à domicile. « Nous leur avons fait parvenir leurs sièges de bureau et leurs écrans, mais aussi des rehausseurs ou des coussins qui permettent d'assurer le maintien de la colonne vertébrale, détaille Franck Leroyer. Cet aménagement est nécessaire car le travail à domicile va s'ancrer dans nos organisations et dans nos méthodes de travail. » Une start-up, Chefing, propose même de livrer des coffrets repas « engageants » aux salariés à domicile (entre 49 et 115 euros). Parmi ses clients, Ouigo, Total, Direct Energie, Sony...

Accompagnement one-to-one

Publicis France a aussi opté pour le 100 % télétravail dès l’annonce du confinement mais les salariés à qui « l’isolement pèse trop » peuvent avoir accès aux locaux et à un « accompagnement one-to-one ». L’agence a misé sur sa plateforme collaborative Marcel, lancée lors du premier confinement. « Elle permet de garder le lien avec nos talents mais aussi de leur apporter des informations et de leur proposer d'évoluer avec des offres de mobilité ou des appels à mission », explique son COO Gautier Picquet. Les salariés peuvent aussi échanger avec le comité de direction lors d’une « plénière » mensuelle et chaque agence a mis en place un dispositif de calls réguliers, collectifs et individuels.

Des échanges mensuels ont lieu aussi avec le CSE (comité social et économique) et la CSSCT (commission santé sécurité et conditions de travail). « À partir de décembre, nous avons prévu de mettre en place un dispositif d'accompagnement extérieur, des lignes extérieures d'écoute, pour ceux qui ne se sentiraient pas libre de parler à leur manager ou au département RH, précise Gautier Picquet. Nous allons aussi lancer une newsletter, "Smile" pour partager de bonnes nouvelles et aussi apporter des "tips" pour bien manager à distance et des guides des bonnes pratiques qui ont été capitalisées durant le premier semestre. »

Double volontariat

Ici Barbès a choisi une stratégie différente. L’agence est accessible une fois par semaine, le mercredi, sur la base du double volontariat (collaborateur et manager), avec 20 personnes maximum. « Nous avons gardé cette possibilité pour les travaux complexes qui ne peuvent pas se faire par visio mais aussi pour les gens qui veulent avoir une respiration et ne pas rester toujours enfermés chez eux », explique Nicolas Petermann, directeur général. Quid de l'incitation au télétravail d'Elisabeth Borne, ministre du Travail ? « Elle a dit que le télétravail n'est pas une option mais en même temps, le protocole national pour assurer la sécurité des salariés en entreprise dit que "les employeurs fixent les règles applicables [...] en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l'isolement des salariés en télétravail", indique le dirigeant. Les entreprises doivent donc faire attention au risque d'isolement qui s'est manifesté durant le premier confinement. » Pour maintenir le lien avec les salariés, Ici Barbès a aussi instauré des échanges directs, au moins mensuels, et qui sont amenés à perdurer, entre les salariés et trois membres du codir, ainsi qu’une « minute RH », diffusée chaque jeudi, qui évoque des sujets tels que la paie, la QVT [qualité de vie au travai] ou encore les meilleures postures pour travailler.

En arrière-plan, la volonté de garder le lien avec les collaborateurs dans un futur incertain favorise la communication RH et modifie son périmètre. De quoi développer l’activité d’acteurs comme Siaci Saint Honoré, spécialiste des assurances et de la protection sociale, qui se dit de plus en plus sollicité pour concevoir le bulletin social individuel (BSI) envoyé habituellement aux salariés en juin. « Jusqu'à présent, la communication RH faisait la part belle à la rémunération mais demain, elle portera davantage sur les avantages sociaux car les dirigeants ont pris conscience de l'importance des dispositifs de protection sociale ainsi que des avantages sociaux dans une période où la santé devient primordiale », explique Clémence Perrin, directrice communication RH. La crise sanitaire semble bien projeter les liens entre salariés et entreprises dans une ère nouvelle.

Avis d'expert

« Une manière différente d’évaluer la performance »



L’analyse de Daniel Ollivier, directeur associé de Thera Conseil et auteur de Manager le travail à distance et le télétravail.



Quelle regard portez-vous sur ce deuxième confinement ?

Le premier confinement a fait apparaître la méconnaissance existant autour du télétravail, terme qui a donné lieu à une utilisation abusive. Il aurait été plus cohérent de parler de travail distant en situation de crise ou en mode dégradé. La durée de ce nouveau confinement reste une inconnue. Cela peut durer un mois ou trois mois. Or face à cette inconnue, nous continuons à bricoler dans une forme de fuite en avant.



L’attitude des managers a-t-elle évolué ?

Ils ont pris conscience que la dimension relationnelle est fondamentale car elle est au cœur de la confiance que se portent les gens mutuellement. Durant le confinement, les managers doivent prendre contact régulièrement avec chaque membre de leur équipe et créer une sorte de « bulletin météo ». Cela peut être très simple, il suffit d’un simple mail pour recueillir des réactions, mais il faut aussi un contact direct pour avoir le ressenti du collaborateur. Ces échanges permettent aussi d’identifier des suggestions mais aussi de mettre au point une manière différente d’évaluer la performance, à travers justement le ressenti des acteurs. Les managers doivent sortir d’une vision construite uniquement sur les résultats quantifiés. Il y a aussi une dimension psychologique à prendre en compte.

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