Dossier Formation
Comment s’imprégner de la culture et des pratiques professionnelles sans avoir accès à l’entreprise ? Les alternants « Covid » ont découvert des voies inédites d’intégration.

Alors en première année de master direction artistique à Sup de Pub, Erwan Réaud a commencé sa période d’alternance à Havas Paris en avril 2020. En plein confinement, toute option de rencontre était exclue. Son intégration dans l’équipe s’est donc faite à distance. Une première pour ce jeune féru de vidéo et de photo : « Au départ, c'était un peu compliqué. J'ai été présenté aux équipes en visio, cela permet de savoir qui est qui. » Heureusement, l’équipe est « assez jeune », de sorte qu’il a pu tisser des liens hors de la sphère professionnelle. Marina Struillou, en Master 1 d'UX design à l'ECV Digital, est aussi arrivée en plein confinement chez RATP Smart Systems, au sein d’une équipe de sept personnes. Si elle a rencontré son tuteur à son arrivée, elle est aussitôt passée en mode distanciel et les membres de son équipe gardent encore aujourd'hui un côté un peu mystérieux : « Certains membres de l'entreprise ne mettent jamais la caméra, je ne les ai jamais vus. »

Transition douce

Comme eux, de nombreux étudiants ont entamé une alternance en pleine crise sanitaire, et il n'est pas toujours facile de s'intégrer dans une entreprise, de s'imprégner de sa culture et de ses pratiques, à distance. Gabrielle Carrouset, conceptrice-rédactrice en alternance chez Castor & Pollux depuis septembre 2019, a connu les deux modes de fonctionnement, au bureau et en télétravail. « Avant le passage en télétravail, nous avions beaucoup de points hebdomadaires et mensuels sur site. Ils ont été transférés en distanciel. Nous avons utilisé des logiciels comme Figma, Dropbox, Slack et Keynotes, des outils qui permettent de voir ce que fait le DA et d'échanger avec lui en temps réel », explique-t-elle. Couplés à la visio, ils ont ainsi assuré une « transition douce » vers le télétravail.

Gagner en autonomie

À Bpifrance, Léa Estermann, en master 2 communication stratégie social media à l’IIM, est arrivée huit mois avant le confinement. Pour sa tutrice, Nadia Ejdaa, responsable marketing de Bpifrance, le passage de l’une à l’autre période a produit du positif : « Pouvoir tester les deux façons de travailler a permis de constater que Léa était capable de prendre ses responsabilités à distance et de s'organiser. Elle a été super investie et efficace. » Léa Estermann estime avoir aussi gagné au passage au distanciel : « C'est une organisation plus formelle et concrète, il faut passer par les agendas. À distance, j'ai été plus productive et cela m'a permis de gagner en autonomie, dans les campagnes d'e-mailing par exemple. Je procédais à plus de vérifications avec ma tutrice avant le début du confinement alors qu’après, je vérifiais plus de choses par moi-même pour ne solliciter Nadia [Ejdaa] qu'en fin de process et uniquement pour obtenir une validation. »

Cette période à distance a été aussi une opportunité pour en savoir plus sur l’entreprise grâce à des réunions hebdomadaires élargies à d’autres membres de la direction animation du réseau. « Nous étions une vingtaine et cela a été l'occasion pour moi de mieux connaître les autres membres de la direction ainsi que leurs missions, reconnaît Léa Estermann. J'ai découvert d'autres métiers que le marketing et j'ai mieux compris les liens entre leurs missions et les miennes. »

La fréquence des échanges et les outils utilisés varient aussi d’une entreprise à l’autre. Chez RATP Smart Systems, Marina Struillou participe quotidiennement à un « daily design » de 15 à 30 minutes : « Nous utilisons Trello pour lister et organiser les tâches à faire et nous échangeons. Chacun prend la parole et, à la fin, les décisions sont prises collectivement. » Des whiteboards [tableaux blancs en ligne] sont aussi utilisés ainsi que Figma, un outil de prototypage collaboratif qui comprend un canal de chat et des sous-salles pour mener des échanges spécifiques. « Il est aussi possible d'utiliser en parallèle Figma et Teams », précise Riyad Lounissi, chef de l’UX chez RATP Smart Systems.

Un « investissement » pour l’entreprise

Chez Havas Paris, le « cocktail » des échanges à distance est différent. « Parallèlement à Teams, nous avons un compte WhatsApp pour l'animation "off" du pôle. C'est un espace où nous pouvons commenter et partager nos inspirations, des choses amusantes et nous entraider aussi. Nous avons intégré Erwan [Réaud] dans les meet-up et les petits-déjeuners virtuels », détaille Leah Morse, directrice de création social media à Havas et tutrice de l'étudiant de Sup de Pub.

Malgré leur diversité, ces pratiques ont ancré le distanciel dans le quotidien. Riyad Lounissi est convaincu que celui-ci va perdurer même si tout n’est pas parfait : « Le distanciel est parfois plus chronophage parce que la charge cognitive est plus lourde et, parfois, les participants "ratent" des échanges. » Il a donc décidé de réserver une demi-journée, une fois par mois, pour converser avec ses équipes autour de questions professionnelles (nouvelles méthodes, nouveaux protocoles, difficultés...) mais aussi de passions personnelles. S’il concède qu’il s’agit pour l’entreprise d’un « investissement », il en espère « un retour sur la qualité de la cohésion et la montée en compétences ». De quoi aussi conjurer le risque de voir le groupe devenir « une somme d’individus »...

De la difficulté du brainstorming en distanciel

Faire germer les idées réclamerait-il une présence physique ? Pour Erwan Réaud, en première année de master direction artistique à Sup de Pub et alternant à Havas Paris, le distanciel n’aide pas : « Parmi les inconvénients, il y a le manque de contact humain. Se trouver avec d'autres personnes permet de rebondir sur une idée et d'échanger sur d'autres sujets. » Contre toute attente, la force des habitudes lui fait regretter les brainstormings en présentiel : « On peut dessiner ses idées ou des maquettes sur une feuille, les passer aux autres. En ligne, nous avions un whiteboard [tableau blanc] mais il n'a pas été beaucoup utilisé. » Riyad Lounissi, chef de l’UX à la RATP Smart Systems, ne dit pas le contraire : « Avant, les ateliers d'idéation ou de priorisation des fonctionnalités se faisaient en présentiel et nous étions habitués à ce schéma. Nous avons dû les adapter à distance. »

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