Tribune
Face aux bouleversements en entreprise nés de la crise sanitaire, la communication interne a face à elle un défi de taille : recréer les conditions de la confiance, de l’engagement et de la performance des salariés.

Longtemps, la communication interne a été le parent pauvre de la communication, à la traîne en matière d’investissement, d’innovation et de digitalisation. C'est une situation profondément regrettable tant cette expertise est un levier stratégique des entreprises, quand elle mobilise et engage les collaborateurs, quand elle permet de mieux travailler ensemble et quand elle rassure, et ce, tout particulièrement quand les temps sont durs. La preuve, quelle période plus douloureuse que celle à laquelle nous tentons de survivre aujourd’hui aurait pu enfin révéler la dimension cruciale de la communication interne et permis à ce point d’accélérer sa transformation digitale ?

C’est bien simple, en quelques mois seulement, nous avons fait un bond de 10 ans en avant. Depuis le début de la crise, les dircom internes donnent tout pour connecter les équipes - qu’elles soient ou non en chômage partiel, en télétravail et/ou en présentiel -, et entretenir la relation à l’entreprise, à grand renfort de messageries instantanées, de digital workplaces, de newsletters, de visios, de vidéos, d’événements réinventés en mode phygital... Conséquences de cette lame de fond, la plupart des collaborateurs sont désormais connectés (notamment ceux qui, hier, ne l’étaient pas ou peu) aux infrastructures, les usages digitaux se sont développés chez les plus réticents, et la communication interne peut enfin adresser de manière spécifique chacune des communautés de l’entreprise. Quelle révolution.

Restons toutefois alertes car cet océan d’outils peut se révéler, à bien des égards, aussi bénéfique que pervers. Dans l’urgence, les outils se sont empilés, sans prendre de recul sur leurs bénéfices réels et leur articulation avec les outils historiques et, si l'on n'y veille pas, des collaborateurs déjà en souffrance pourraient s’y noyer. Messageries instantanées, réseaux sociaux internes, espaces collaboratifs, digital workplace, newsletters, e-mails, conférences téléphoniques, SMS… : trop d’outils tuent l’outil. Alors, pour éviter la «toolbésité» (et l’infobésité qui va généralement de pair), revoyons ces écosystèmes pour les auditer et les optimiser sur la base de retours d’expérience, et assurons-nous déjà de suivre une règle d’or : un canal = une fonctionnalité.

Délitement progressif de la culture d’entreprise

Au-delà de ce prérequis de bon sens (qu’il n’est pas forcément aisé d’appliquer dans la réalité), il y a fort à parier que la multiplication comme le mésusage de ces outils ont et auront une part croissante de responsabilité dans ce qui se joue plus insidieusement dans les organisations. Ce qui se joue, c’est le délitement progressif de la culture d’entreprise, devenue priorité numéro un des dirigeants, selon une étude de Microsoft, devant l’innovation, qu’une réunion salariés à distance ou tout moment de partage et de convivialité organisé par écrans interposés ne saurait résoudre, ni même panser.

Trop indifférenciée, morcelée et, in fine, diluée dans les différents outils, attention à ce que la culture d'entreprise ne s’effondre pas avec la Covid-19. Habillage des outils, charte de langage, plateformes de messages par audience, cohérence des prises de parole : il est temps de repenser en profondeur tous ces éléments à l'aune de la crise pour donner toute sa force à la communication interne. C'est un sujet fondamental, vital même, autour duquel gravitent une somme d’enjeux profonds nés de la crise ou renforcés par cette dernière.

Parmi ces enjeux, 95% des jeunes nés dans les années 2000 souhaitent désormais exercer une activité qui a du sens, selon un sondage Opinionway ; 86% des managers déclarent que le télétravail impose une vigilance particulière concernant les liens collectifs pour éviter l’isolement, d'après une étude Malakoff Humanis ; 89% des managers estiment qu’il faut revoir les pratiques managériales pour s’adapter aux nouveaux modes de travail, selon l'Apec ; 44% des salariés français se disent en situation de détresse psychologique et un quart d’entre eux estime que sa motivation professionnelle s’est dégradée, d'après un sondage Opinionway.

C'est une situation aussi critique pour les entreprises qu’enthousiasmante et challengeante pour la communication interne qui, plus que jamais, doit avoir et se donner les moyens de (re)créer les conditions de la confiance, de l’engagement et de la performance. À l’heure où vous lisez ces lignes, la communication interne n’est plus celle d’hier et n’est certainement pas celle de demain. Tout reste à inventer et à réinventer, à vitesse grand V. À nous de relever ce défi sans précédent et de nous assurer d’apporter sens et soin, dans la période et au-delà.

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