Selon les retours d’expérience et analyses de terrain des professionnels interrogés, les entretiens factices et les recrutements frauduleux sont minoritaires dans le secteur de l'emploi. Difficile pour autant de les quantifier. La Police nationale rattachée au ministère de l’Intérieur recense les escroqueries dans leur globalité, notamment sur Pharos, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements. Créé en 2009 et placé sous l’autorité de la sous-direction de lutte contre la cybercriminalité de la direction centrale de la police judiciaire, ce portail traite les contenus illicites en ligne signalés sur le site www.internet-signalement.gouv.fr
1. Déjouer les pièges. Pôle emploi distingue les propositions d’embauche factices des offres de recrutement frauduleuses. Marion Guertault, avocate associée en droit social au cabinet Hogan Lovells, identifie deux stratégies d’approche dans les entretiens factices qui reposent sur le recueil de renseignements. «L'entreprise peut passer par un chasseur de têtes pour tester la fidélité de ses salariés et récupèrer des informations sur ce qui est susceptible ou non de les motiver, comme le critère de rémunération par exemple. Ou alors elle cherche à attirer des collaborateurs de concurrents, afin d’obtenir des informations de leur part.» Si le recrutement n’a pas lieu, l'avocate parlera d'«exécution déloyale du contrat de travail». Augustin Valero, associé chez Florian Mantione Institute, cabinet de recrutement et de conseil, a également identifié la pratique des entretiens factices au sein de cabinets de recrutement en France. «Pour constituer une base de données, des consultants positionnent un maximum de candidats face à des entreprises n’étant même pas en phase de recrutement.»
Sur Indeed France, des postulants ont déjà signalé la présence d’offres ne correspondant pas véritablement à des offres d’emploi. «Nous avons repéré ce genre d’abus dans des secteurs d’activité qui recrutent massivement et ayant besoin de beaucoup de main-d'œuvre, comme le service à la personne, l’immobilier ou encore la logistique», explique Éric Gras, spécialiste du marché de l’emploi chez Indeed France. Au bout de deux signalements, Indeed supprime l’agréation de l’entreprise sur son moteur de recherche. La pratique relève du droit pénal «lorsqu’il y a une constitution d’escroquerie, soit l’utilisation de moyens frauduleux pour obtenir quelque chose, stipulé par l’article 313-1 du Code pénal, rappelle Sonia Fibleuil, porte-parole de la Police nationale. L'organisme définit l’arnaque à l’embauche comme la diffusion d'une offre d’emploi en ligne ne débouchant à aucun recrutement et dont l’objectif est de soutirer de l’argent.
2. Analyser l’offre d’emploi. L'offre doit être «définie dans une zone géographique précise et dans une nature de contrat, doit mentionner un poste rémunéré et indiquer les compétences attendues», indique Éric Gras. Indeed est un moteur de recherche qui indexe en priorité les offres d’emploi agrégées sur les sites carrière des entreprises. Si le postulant n’est pas redirigé vers le site carrière ou la page de l’entreprise, le contact du recruteur doit être indiqué.
3. Avoir une posture d’acheteur. Avant de transmettre son CV, il faut avoir le réflexe de collecter les informations essentielles sur l'offre, dont l’identité du recruteur et de celle de l’entreprise. «Le recrutement est pratiqué avec beaucoup d’amateurisme de la part du candidat et du recruteur. Certaines pratiques managériales reflètent la politique de l'entreprise. Or le recrutement ne peut jamais être une relation déséquilibrée, c’est-à-dire que le candidat est aussi en mesure d’être exigeant sur les informations», lance Augustin Valero, de Florian Mantione Institute. Le candidat peut se rendre sur les site carrière et sur des sites spécialisés dans l’évaluation des entreprises. Sur Indeed, qui compte 6,4 millions de visiteurs uniques par mois (1), près de 80% des candidats en France cliquent sur la page entreprise insérée dans l’offre d’emploi avant de passer un entretien d’embauche. «Depuis moins de cinq ans, nous avons constaté une évolution du comportement du candidat. Ce dernier est un peu plus aguerri et se renseigne beaucoup plus sur l’entreprise», indique Éric Gras.
4. Cibler l’entretien sur le poste. Quelles sont les missions et responsabilités ? À combien s’élève le salaire ? Quelles sont les perspectives de carrière ? «Il doit y avoir une adéquation entre le poste, le profil et les compétences du candidat», résume Tarik Chakor, maître de conférences en sciences de gestion à Aix-Marseille Université. Si le contenu de l’entretien n’est pas raccroché au parcours du postulant, il peut s’agir d’un signal d’alerte. Dans ce cas, par exemple, «l’échange tournerait plutôt sur le chiffre d’affaires ou sur les projets de l’entreprise dans lequel le candidat est déjà en poste», illustre l'enseignant. Ou bien sur des demandes douteuses liées au physique du candidat.
5. Contractualiser l’entretien. Depuis un an, Marion Guertault, chez Hogan Lovells, a observé une tendance dans le secteur des nouvelles technologies, plus précisément au sein d’entreprises proposant des innovations couvertes par des brevets. «Dès le début de l’entretien, un accord est signé entre le candidat et le recruteur pour attester qu’aucune information confidentielle ou concurrentielle ne sera partagée au cours de l’entretien.» Pour Marie Delmont, dirigeante et associée de la société MPI Conseil, spécialisée dans l'accompagnement RH et managérial, ce document risque de renforcer le côté anxiogène d’un entretien d’embauche. «Un bon recruteur comprendra parfaitement que certains éléments doivent rester confidentiels. Réorientez plutôt la question.»