Tribune

Un environnement de travail agréable ou la mise en place de cours de yoga ne suffit pas pour assurer le bien-être des salariés. L’entreprise doit convaincre et former ses collaborateurs pour qu'ils aient un comportement bienveillant les uns envers les autres.

Livres, colloques, débats, chartes de valeurs : la bienveillance a envahi le champ du travail, au point de susciter quelques malentendus, voire controverses contre ce qui peut être perçu comme une injonction aux équipes, ou du RH washing. Pour réhabiliter une valeur somme toute bénéfique pour les salariés comme pour les entreprises, une clarification s’impose.

Les outils pour améliorer le bien-être des salariés, par exemple, sont sympathiques mais cosmétiques. Que ce soit avec des salles de sport, des jardins partagés ou la mise à disposition de paniers bio, les entreprises ne manquent pas d’imagination pour chouchouter leurs salariés, attirer les talents ou donner envie aux équipes de revenir au bureau plutôt que télétravailler. Le salarié est ainsi considéré dans son intégralité, comme une personne. Le risque : diminuer la frontière entre vie pro et vie perso, être accusé de retenir les équipes au bureau, voire installer un cadre « sympa » pour faire passer la pression sur les résultats…

Les chartes de la parentalité, de la diversité, les guides du bon déroulement des réunions, les interdictions des coups de fil et mails le week-end sont aussi de bonnes idées pour protéger les équipes de certains excès et comportements abusifs – à condition que ces cadres soient co-construits et surtout intégrés et respectés au quotidien. Mais attention au risque de se contenter du respect des règles, sans considérer leur finalité. Car le cadre, quand il est appliqué à la lettre, peut générer des difficultés, à l’opposé de l’esprit de bienveillance.

Météo personnelle

Cependant, proposer des cours de yoga ou mettre en place des chartes ne sert à rien si les individus ne sont pas attentifs les uns aux autres. Pour cela, il existe deux leviers d’action plus durables : encourager la création de liens et mettre la pression sur le changement de comportement. L’organisation de moments de détente, parce qu’ils aident à se rencontrer en laissant de côté les fonctions, et colorent émotionnellement les relations, est un bon début pour casser la glace et veiller aux liens, surtout en période de travail à distance. Un temps de « météo personnelle » en début de réunion ou en fin d’entretien permet d’inclure les ressentis, de nettoyer les émotions et malentendus. On peut aussi aller plus loin en développant certaines qualités, comme l’intelligence émotionnelle, ou via des formations au management, aux relations, à la médiation, à la motivation d’équipe ou à la communication non violente. Et en cas de comportements problématiques, un coaching est souvent prescrit.

Mais mieux se connaître pour mieux travailler ensemble suffit-il ? Pas toujours. Si l’entreprise ne « contraint » pas ses collaborateurs à avoir un comportement bienveillant, chacun se contentera de faire le minimum. L’assujettissement de la rémunération variable des managers à leur bienveillance envers leurs collaborateurs est une idée ; les fameuses évaluations « 360° » – par son entourage – en sont une autre, à condition que les résultats soient annoncés avec tact, et que soit prise en compte la trajectoire de changement.

Enfin, dans toute réflexion sur le bien-être au travail, trois écueils sont à éviter. D’abord, celui de proposer un modèle identique pour tout le monde. Car si nous avons tous des progrès à faire pour être davantage bienveillants, nous ne partons pas du même point. Le second écueil est d’imposer une norme sociale qui pousserait les individus à avoir des comportements lisses, hypocrites. Enfin, il convient de ne pas oublier qu’il ne sert à rien, pour un dirigeant ou un codir, de prôner la bienveillance aux équipes, s’il ne s’applique pas la règle à lui-même, en ayant un comportement cohérent et « modélisant » pour les autres. La preuve par l’exemple.

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