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Marc Tessier côté social
30/06/2005Le président de France Télévisions, candidat à un nouveau mandat, a importé pour ses cadres des méthodes de management du privé. Pour les autres, son bilan social est plus nuancé.
J'espère que vous nous trouvez plus proche du privé que de l'administration publique. »Bernard Broyet, directeur des ressources humaines de France Télévisions, a un point commun avec son président Marc Tessier : il défend son bilan en homme d'entreprise. Certes, à la différence du président, le DRH n'est pas en campagne, il est beaucoup plus avare de chiffres et n'a qu'un demi-mandat en commun avec son patron, élu en août 2000. Mais lorsque les neuf sages du Conseil supérieur de l'audiovisuel entendront, ce 5 juillet, le candidat-président, ils ne manqueront pas de se pencher sur sa gestion sociale et sa politique de ressources humaines. La mise en musique du DRH sera alors aussi importante que la partition du compositeur en chef.
Marc Tessier, le rassembleur ? Ce serait l'un des points forts de ce patron-gestionnaire à qui l'on doit l'intégration de France 5, puis de RFO et France 4 au sein du holding France Télévisions. Une démarche d'autant plus délicate que les 9 000 salariés du groupe public ne sont pas tous logés à la même enseigne : seuls ceux de France 2 et France3 ressortent de la convention collective de l'audiovisuel public.« Nous avons eu le souci de la mise en cohérence de l'ensemble,fait valoir Bernard Broyet.Nous sommes partis de très bas, mais nous allons vers une coordination des politiques sociales et une plus grande mobilité. Tous les emplois vacants sont ainsi accessibles sur l'intranet, et chaque société est signataire d'une charte de mobilité. »Un aspect qui a son importance, notamment pour les salariés de RFO qui souffrent d'une certaine « ghettoïsation » et attendent beaucoup de France Télévisions.
Bernard Broyet reconnaît pourtant que, dans le groupe France Télévisions, l'intégration des ressources humaines a pris du retard par rapport à l'intégration financière. Côté RH, Marc Tessier s'est surtout fait remarquer en annonçant, en 2004, un plan « d'action positive » en faveur des minorités. Il a aussi, cette année-là, réduit de 7 % le recours aux intermittents en intégrant une centaine d'emplois. Mais la priorité du président de France Télévisions vis-à-vis du holding fut de mettre en place son « plan Synergia » qui, grâce aux économies d'échelle, a permis de dégager 50 millions d'euros en 2004. D'où le sentiment parfois exprimé par les syndicats que la gestion des hommes laisse à désirer :« Il n'y a plus aucun dialogue entre le président et les personnels,dénonce Dominique Pradalié, déléguée SNJ de France 2.Pour lui, c'est : je cause, ils m'écoutent. »
Mieux prévenir les conflits
Si le DRH de France Télévisions estime donc que les cinq dernières années furent une période de« relative paix sociale », la réalité est vécue différemment en interne. Nul n'a oublié les 22jours de grève qui affectèrent les journaux de France 3, puis de France2, en novembre 2002. Les syndicats demandaient alors une revalorisation de 10 % du point indiciaire salarial de l'audiovisuel public. Ils se heurtèrent à un refus du gouvernement.« Nous n'avons obtenu aucune augmentation du point d'indice depuis 1997,rappelle Dominique Pradalié.On peut obtenir 5 % de hausse salariale maximum en commission paritaire, mais cela ne concerne pas tout le monde. Pour la rédaction de France 2, ce n'est pas plus de 70 personnes sur 400. »
La grève dénonçait aussi l'externalisation des émissions auprès de sociétés de production extérieures. La production du jeuQuestions pour un championfut donc rapatriée à France 3. Mais pour Jacques Ricau, secrétaire général de la CFDT-audiovisuel, c'est très insuffisant. Selon lui, 80 % de la production de France 2 et 60 % de celle de France 3 sont aujourd'hui confiés à des producteurs extérieurs.« C'est bien au-delà de ce qu'exigent les décrets Tasca,estime-t-il.Il est temps de réorganiser le travail. On continue de payer des gens qui travaillent à moitié. »Pour lui, la gestion des diverses catégories de personnels s'est faite en fonction des rapports de force : les journalistes et les techniciens ont été favorisés aux dépens des personnels administratifs et des programmes. Selon le SNJ-CGT,« la structure de l'emploi à France 3 présente 70 % de permanents et 30 % de précaires. »
Le temps du conflit social peut-il revenir ?« On a dénombré 483 jours perdus pour cause de grève en 2004, contre 6 028 en 1995 »,relativise Anne Brucy, directrice de la communication de France3.« Il faut aller plus loin dans la prévention des conflits et sortir de la logique du préavis de grève »,estime Bernard Broyet.
Une catégorie de personnels a en tout cas bénéficié de la gestion RH de Marc Tessier : les cadres de direction. Pour eux, à France 3, et bientôt à France 2, une part variable d'intéressement a été mise en place, qui atteint 8 à 10 % de la rémunération annuelle. À France Télévisions Publicité, où le risque de débauchage est plus grand, l'intéressement peut même atteindre 30 % (il est en moyenne de 12 à 15 % à la régie publicitaire et concerne la totalité des effectifs). La méthode, qui s'inspire des outils du secteur privé, consiste à lier le bonus à la réalisation d'objectifs fixés au cours d'entretiens annuels. Un rédacteur en chef adjoint de France 3 se voit ainsi confier trois à six objectifs. Lors de l'évaluation, l'objectif est déclaré dépassé, atteint, potentiellement atteint ou non atteint. Une part variable de rémunération est automatiquement affectée en fonction de la performance.« Nous sommes dans une démarche de développement des entretiens individuels à l'ensemble du personnel »,précise Serge Bonnafé, DRH adjoint de France 3.
Effet de ciseaux à craindre
Cette forme de rémunération au mérite rompt avec la convention collective. Car, fidèle au cadrage de Bercy, l'enveloppe salariale ne peut progresser de plus de 3 % par an à France Télévisions. Même si elle ne concerne que 690 personnes sur 4 700 à France 3, la part variable contribue donc à un alourdissement de la masse salariale. En hausse moyenne de 9,6 % par an entre 2000 et 2004, les charges de personnels de France Télévisions ont suivi en cinq ans le même rythme que la croissance des programmes achetés (+ 9,1 %). Cherchez l'erreur... Or, comme le note un récent rapport de la Cour des comptes, les recettes peuvent faire défaut en raison d'une redevance qui stagne (+ 0,3 % par an). L'effet de ciseaux est donc à craindre même si, comme le note le rapport, il est masqué par le« dynamisme des régies publicitaires du groupe, qui ont su jouer de manière innovante sur la rareté de l'offre ».« Nous avons généré 150 millions d'euros de plus que le marché en cinq ans »,confirme Philippe Santini, directeur général de la régie.
Un éventuel nouveau président changerait-il quelque chose ? On peut en douter.« Les entreprises publiques ont besoin d'une présidence qui dure et ne soit pas soumise aux aléas politiques,estime Luc Deléglise, délégué CGT.À nous d'exercer un rapport de force si nous ne sommes pas d'accord. »Avec l'État actionnaire ?
En savoir +
>www.ccomptes.fr/Cour-des-comptes/ publications/rapports/rp2004/france- televisions.pdf