Billet

[Billet] Au cœur de l’été a émergé, sans prévenir, la notion déprimante de « tracances ». Le néologisme désignerait le fait de marier travail et vacances.

Se mettre en vacances, c’est aussi cela : choisir qui l’on voit, ce que l’on écoute, ce que l’on regarde, ce qu’on lit. Échapper aux discours creux, aux éléments de langage épuisants, aux expressions frelatées. Mais la fabrique du bullshit contemporain, semble-t-il, ne prend jamais de congé. Au cœur de l’été, l’on a ainsi vu émerger, aussi coruscante qu’une invasion de méduses gluantes, la notion de « tracances ». Le néologisme désignerait le fait de marier travail et vacances. Épatant. Les bons termes ne seraient-ils pas plutôt « servitude » et « moderne » ? Le mot anglais est encore plus répugnant, et fait penser à une maladie honteuse : le « bleisure » - contraction de « business » et de « leisure ». On a immédiatement envie de sortir la pénicilline. Parallèlement, l’on notait l’inflation de l’injonction à « profiter » de ses vacances, comme on tirerait profit d’un PEL, des soldes, d’une fusion-acquisition - en pressant le fruit juteux de l’oisiveté jusqu’à la dernière goutte. Bien fatigant, tout ça. Arrête de ramer, t’es sur le sable… « Comment des années si courtes se fabriquent-elles avec des journées si longues ? », s’interrogeait Vladimir Jankélévitch. Alors que l’été jette ses derniers feux, comment sommes-nous censés « profiter » au max de notre rentrée au bureau ? L’on attend, avec une gourmandise mêlée d’effroi, le prochain mot-valise…

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