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Méconnu et pourtant incontournable, le topeur est un chef d'orchestre, un maître du temps de l'événement. Une profession qui exige un calme à toute épreuve.

Bruno Barde est un organisateur de festivals serein. « Avant, installé dans la salle, j’étais anxieux, les choses n’étaient jamais tout à fait parfaites, le rythme jamais exactement le bon. Aujourd’hui, je peux me reposer et profiter du moment. » Qu’est-ce qui a changé pour le directeur général du Public Système Cinéma, organisateur notamment des festivals de Deauville et Marrakech ? Il fait appel depuis dix ans aux services d’un topeur.
Ce métier spécifique à l’événementiel, proche de celui de scripte à la télévision, consiste à lancer, dans le bon timing, les séquences qui ponctuent une manifestation : vidéos, musiques, lumières, jingles, speakers… Équipé de son casque d’interphonie, grâce auquel il communique avec tous les intervenants – techniciens, artistes, modérateurs –, le topeur est le garant des délais et le chef d’orchestre d’une représentation qui ne se jouera qu’une fois et qui n’a quasiment pas été répétée.


« C’est un métier de niche qui n’est exercé que par une vingtaine de professionnels en France », explique Jean-Benoît Fournier, qui s’y consacre depuis 2008, après avoir été directeur de production et régisseur général. En effet, le topage d’un événement est parfois assuré par le metteur en scène, le chef de projet, voire le régisseur général. Mais pour de grands événements, lorsque plusieurs techniques sont réunies ou qu’un haut niveau de qualité est exigé, les organisateurs font appel à un topeur spécialisé. Si bien que leurs domaines d’intervention sont variés : manifestations sportives, festivals de cinéma, défilés de mode, lancements de produits, remises de prix et de trophées, assemblées générales, congrès d’entreprise…


Insuffler la motivation
« Le terme topage est réducteur, estime Jean-Benoît Fournier, qui en enseigne les bases à l’Institut de l’événement. En plus de donner les tops, il comporte une dimension conseil et coaching importante. » Anne Laloy, qui exerce le métier depuis cinq ans, ajoute : « C’est un travail très humain et collectif, où l’on doit faire preuve d’empathie pour sentir l’humeur des intervenants et comprendre ce que l’on attend de nous. Selon la taille des événements, on peut même être amené à faire de la mise en scène. » Pour Bruno Barde, « ce sont aussi des experts du rythme qui savent imprimer un tempo tel qu’il n’y aura pas de blanc et que l’ennui ne s’installera pas ».


En amont du jour J, le topeur peut aider le chef de projet à définir l’événement et les moyens à mettre en œuvre. Il s’approprie ensuite le sujet en préparant sa « conduite », qui est comme sa partition. Avant le lancement, Frédérique Touillot, qui exerce depuis vingt ans, a pris l’habitude d’insuffler de la motivation aux techniciens : « Je leur fais un discours sur l’événement que l’on s’apprête à réaliser en revenant sur sa raison d’être, son objectif, sa complexité… »


Les topeurs ont souvent une longue expérience professsionnelle. Ils se sont frottés à toutes les briques de l’événement : « Les agences ne confient pas leur bébé à n’importe qui. C’est un métier vers lequel on s’oriente lorsqu’on a déjà vu l’ensemble de la chaîne de valeur de l’événementiel », précise Jean-Benoît Fournier. On y trouve ainsi des transfuges de la régie générale et de la production, voire d’anciens scriptes de télévision.


Cette expérience leur permet de maîtriser les qualités essentielles à l’exercice de ce métier. Notamment un calme et une maîtrise de soi à toute épreuve : « Il y a toujours des imprévus à gérer en quelques secondes : une vidéo qui ne part pas, un intervenant introuvable, etc. », explique Frédérique Touillot. Alors que les enjeux économiques et d’image sont souvent importants, le stress peut vite monter si l’on n’y prend garde. « Pour parer à toutes les éventualités, on duplique tout ce qui peut l’être : ordinateur, lumière, vidéoprojecteur… », précise Frédérique Touillot. Ce sang-froid est aussi précieux dans le management : « L’interphonie, sur lequel tout le monde entend les échanges, est un amplificateur de stress. Hors de question d’en ajouter par des cris ou des remarques désagréables », détaille Jean-Benoît Fournier.

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