Social vidéo
L’offensive de Facebook dans la vidéo a réussi, en un an seulement, à bousculer sérieusement le marché. Twitter se lance aussi sur ce segment. Vine, Snapchat et Instagram devraient suivre.

C’est la fin de l’hégémonie de You Tube. La plateforme de vidéos, propriété de Google, est sérieusement concurrencée, en nombre de vues du moins, par Facebook. L’ascension a été fulgurante: en un an, le nombre de vidéos «postées» par utilisateur sur le réseau social a augmenté de 75% dans le monde et de 94% aux Etats-Unis. Depuis juin 2014, près d’un milliard de vidéos ont été visionnées chaque jour sur Facebook, dont les deux tiers sur mobile, et le visionnage a augmenté de plus de 50% entre mai et juillet 2014. En France, Facebook s’est hissé à la troisième place des «brand players» les plus visités, selon Médiamétrie Net Ratings de novembre 2014, avec 13,5 millions de visites et 26 millions d’heures passées durant ce mois. En temps passé, il dépasse Dailymotion, qui totalise pourtant plus de visiteurs (16 millions). En tête du classement, Google en compte, lui, 29,3 millions.

Les chiffres de Facebook sont largement dopés par l’adoption de l’autoplay: depuis mai, les vidéos hébergées par le réseau social se lancent automatiquement dans le fil d’actualité de l’utilisateur lorsqu’elles apparaissent à l’écran. «Une vidéo en autoplay est sept fois plus consommée qu’en clic-to-play», confirme Florence Trouche, global client partner chez Facebook. «L’instauration d’un compteur de vues a aussi poussé l’envie de faire des vues sur Facebook», relève Naël Hamameh, directeur associé de l’agence digitale You to you. Ces options ont aussi séduit les annonceurs, comme Perrier, qui ont mené des campagnes vidéos consacrées en exclusivité à Facebook.

Sûrement inspiré par ce succès, Twitter lance en ce début d’année un service de vidéos. Le réseau social permet à certains éditeurs d’intégrer à un tweet une vidéo “native” d’une durée maximum de dix minutes, et à tous les utilisateurs sur mobile de mettre en ligne, en direct, des vidéos de 30 secondes dont la miniature apparaît dans le fil d’actualité. Depuis août, les annonceurs peuvent intégrer une vidéo à un tweet sponsorisé, et donc payant. «Nous travaillons beaucoup avec des studios de cinéma. Orange, EDF, Renault et Air France ont aussi souscrit à nos offres permettant la synchronisation avec la télévision», explique Mathieu Gabard, head of BtoB marketing chez Twitter France.

Pour inciter annonceurs et éditeurs à héberger leurs vidéos sur Twitter, le réseau social leur fournit des outils statistiques, comme le nombre de vues et le taux de complétion (part des individus exposés à une vidéo publicitaire qui la visualisent jusqu’au bout). Des rumeurs affirment que Twitter va aussi mettre en place un système autoplay, mais, officiellement, rien ne serait décidé. Vine, Snapchat et Instagram, qui a déjà lancé des vidéos publicitaires de 15 secondes aux Etats-Unis, en Angleterre et en Australie, doivent aussi faire leur entrée dans ce marché dans le courant de l’année.

L'intérêt des annonceurs

Si le segment de la vidéo est l’un des leviers de la publicité digitale qui progresse le plus, avec 65% de hausse des investissements entre 2013 et 2014, à 224 millions d'euros, selon l’Observatoire de l’e-pub du Syndicat des régies internet (SRI), le marché est-il assez grand pour tous ces acteurs? L’institut d’études américain Social Bakers note en tout cas que la montée de Facebook dans le domaine fait de l’ombre à You Tube: le réseau social a compté cette année 20 000 vidéos de marques postées sur sa plate-forme de plus que You Tube. «Avant, les annonceurs distinguaient les budgets réseaux sociaux des budgets de diffusion vidéo. Facebook a réussi à réunir les deux», analyse Naël Hamameh.

«On ne compare pas les choux et les carottes: chez nous, un utilisateur vient pour chercher une vidéo, et notre force est le temps passé sur la plateforme. D’ailleurs, nous prenons en compte qu’une vidéo est vue à partir de 30 secondes de visionnage», rétorque Arnaud Monnier, directeur branding de Google France. Il est vrai que chez Facebook, le décompte commence à partir de 3 secondes de visionnage et «à 76%, les gens découvrent une vidéo sur notre plateforme», détaille Florence Trouche. Elle confie toutefois que «les annonceurs nous disent souvent que nous sommes concurrents de You Tube».

Chez Dailymotion, Anas Nadifi, le directeur de la régie publicitaire, le reconnaît: «Nous sommes certes concurrencés par Facebook, et bientôt Twitter, mais nous ne répondons pas aux mêmes objectifs.» Pour lui, «l’offre augmente un peu plus vite que la demande», mais les annonceurs ont intérêt à distribuer leurs publicités partout, en adaptant leurs créations, au minimum dans la longueur.

En effet, quand Facebook revendique «la puissance et le ciblage» et garantit une couverture additionnelle à la télévision, Twitter argue être le meilleur outil pour répondre «dans l’instant», notamment à ce qui se passe à la télévision, et assurer une couverture complémentaire aux campagnes télévisées. You Tube et Dailymotion restent quant à eux les moteurs de recherche référents de vidéos. «Les annonceurs, selon leur maturité et leurs objectifs, ont intérêt à investir le maximum de réseaux», confirme Naël Hamameh, de You to you.

Et Facebook ne compte pas s’arrêter là: «Nous ne sommes qu’aux débuts de la vidéo», glisse Florence Trouche. Mathieu Gabard, de Twitter, annonce également «plusieurs développements, côté annonceurs et consommateurs».

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