Incentive
Renforcer la cohésion, la confiance et la motivation des équipes: s’ils vont de soi en période de croissance, les objectifs de l’incentive deviennent impérieux en période de crise.

«Avant 2008, les entreprises dépensaient de 1 500 à 3 500 euros par personne pour les opérations ciblant les équipes internes, et de 3 000 à 6 000 euros pour celles destinées aux forces de vente indirecte. Aujourd’hui, le budget peut descendre à 1 000 euros et ne dépasse que très rarement 4 000 euros.» Eric  Charonnat, directeur général de l'agence Boulevard de la stim, a planté le décor: l’incentive, discipline historique de la communication événementielle, doit composer depuis plus de cinq ans avec des compressions budgétaires drastiques et des acheteurs à l’affût de la moindre marge cachée.

Et comme si la crise ne suffisait pas, voilà que le marché doit aussi s’accommoder depuis fin 2011 d’une loi qui assimile les avantages en nature ou sommes versées par des structures n’ayant pas la qualité d’employeur à une rémunération soumise à cotisations. Traduction: un éditeur informatique qui récompense un réseau de vente doit s’acquitter d’une taxe pouvant équivaloir à 50% du montant alloué à l’opération de motivation. Résultat: selon Coach Omnium, alors que 76% des entreprises programmaient des opérations de team building en 2006, elles n’étaient plus que 46% en 2013. «Beaucoup de PME sont freinées par le poids des contraintes réglementaires. Certaines se sont en effet retrouvées aux prud’hommes pour ne pas avoir été assez vigilantes dans la rédaction et la publication d’un règlement», note Serge Tapia, directeur général d’Au service de l’événement.

Timide sortie de l'ornière

Pourtant, malgré ce contexte tendu, le marché résiste, selon les professionnels. Si l’on en croit Coach Omnium, dans un marché global du MICE (Meetings, Incentives, Conferences & Exhibitions) en baisse de 5,2% en 2014, l’activité incentive semble, pour la première fois depuis 2008, redémarrer. Ainsi, 21% des entreprises ont organisé une opération de ce type dans l’année. A titre de comparaison, elles n’étaient que 14% dans ce cas en 2011. «On sort de l’ornière. Depuis deux ans, il semble que les entreprises renouent avec le besoin de fédérer leurs effectifs», confirme Cécile Mondelli-Forray, directrice de la stratégie de Lever de rideau.

Pour Frédéric Bedin, président du directoire d’Hopscotch Global PR Group, les entreprises les plus performantes sont aussi celles qui investissent davantage dans les opérations d’incentive. «Google, Sales Force, Facebook: les géants de l’internet ou du digital ont, mieux que d’autres, compris qu’en créant des occasions de rencontre décalées et conviviales, on démultiplie les potentiels d’intelligence collective», observe-t-il. Les GAFA ne sont pas les seuls, ni même les premiers. En 2009, sous l’impulsion d’un nouveau patron, le groupe informatique GFI amorce une refonte en profondeur de son organisation: désenclavement des business units, instauration d’une marque et d’une culture d’entreprise, dynamique transversale de fédération des équipes. Un sacré chantier pour un groupe qui compte près de 10 000 collaborateurs dans 40 agences en France et six filiales à l’étranger. «Nous avons mis en œuvre une politique soutenue d’incentive à destination des managers, commerciaux et directions des filiales. L’objectif étant d’apprendre aux équipes à se connaître et à travailler ensemble», explique Sabine de Leissègues, directrice communication corporate de GFI Informatique. Efficacité d’une telle approche? «Les chiffres sont là: une croissance de 8,3% du chiffre d’affaires 2014, une marge opérationnelle en progression de 16% et un résultat net en augmentation de 48%.»

Composante importante de l'incentive, le voyage d'affaires est crédité d'une augmentation comprise entre 2% et 2,8% en 2014 par le dernier baromètre 3 Mundi. Certes, arbitrages budgétaires oblige, les destinations ont changé. L’explosion de la croissance dans nombre d’économies émergentes rend prohibitifs certains horizons. L’Asie a encore le vent en poupe, avec des destinations comme le Vietnam, le Cambodge et la Malaisie. Le Kazakhstan et l'Ouzbékistan ont également gagné leurs galons. Côté Europe, American Express Meetings & Events a établi le classement des dix villes les plus tendances pour 2015: Londres, Paris, Barcelone, Amsterdam, Berlin, Nice, Bruxelles, Rome, Francfort et Munich.

Reste que, comme le montre Coach Omnium, les opérations se sont très massivement concentrées sur des destinations plus proches. La partie transport, qui représente à elle seule plus de 30% du coût total du voyage, constitue en effet la première et principale variable d'ajustement. En 2003, près de la moitié des entreprises choisissaient d’expatrier à l’étranger leurs opérations de séminaire ou d’incentive. En 2013, elles n’étaient plus que 28%.

Encapsulage des opérations

Faute de dépaysement, les entreprises ont au moins le choix en matière d’animations. Si les épreuves à connotation sportive conservent la faveur de nombre d’acheteurs (basket sur trampoline, mêlées de rugby, simulation de course automobile ou de pilotage d’avion de chasse…), la cuisine s’est, en l’espace de deux à trois ans, hissée au rang d'activité des plus prisées. Mais la grande tendance du moment est aux jeux d’évasion (Hint Hunt, Mystery Escape, La Pièce, Team Break, etc.) ou à la «Murder Party» (ABCrime, Murder 2000 Pro…). Mortelle Soirée, société fondée en 2009 à Toulouse et spécialisée dans les enquêtes policières grandeur nature, a récemment ouvert deux antennes, à Paris et à Lyon, pour répondre à la demande et ajoute chaque année de nouveaux scénarios à son catalogue.

Ateliers des chefs, enquêtes policières ou toboggans géants, les contenus clés en main viennent alimenter une incontestable tendance au low cost, offrant aux entreprises la possibilité d’encapsuler des opérations d’incentive dans d’autres événements internes plus globaux. Attention aux risques de brouillage, prévient Franck Louvrier, président de Publicis Events: «Les lancements de plans stratégiques peuvent donner lieu à des événements multifacettes et multimodaux. Mais le multicible, c’est aussi du multirisque.»

En revanche, il apparaît clairement que les incentives se construisent de plus en plus dans une logique globale de gestion des ressources humaines. «Pour une entreprise qui décide de lancer un référentiel des bonnes pratiques managériales, nous allons intervenir en amont dans le recueil du contenu et la réalisation du livrable, puis dans l’événement, qui marque le lancement du document auprès des managers. Ensuite dans le déclenchement des incentives d’appropriation du dispositif, puis dans la démultiplication des messages RH en aval», explique Valérie Levasseur, présidente de Connect Factory.

Le digital pour converser en continu

C’est sans doute ici que digital montre toute sa puissance. Réseaux sociaux pour fédérer les participants, tablettes pour avoir accès en mobilité à des plates-formes d’animation, applications pour favoriser le partage des informations en ligne… «Si les outils digitaux ont toute leur place dans les grands événements ouverts comme les salons, je ne suis pas sûr qu’ils permettent vraiment d’enrichir en temps réel les incentives. En revanche, ils sont incontournables pour créer des moments de partage avant et après», remarque Matthieu Chaumin, directeur de l'activité communication événementielle d'Human Live. Paradoxe: avec le digital, média de la distance, l’incentive, média de la proximité, s’affranchit de son instantanéité pour s’inscrire dans un continu conversationnel, clé d’animation de tout l’écosystème relationnel.

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