FOCUS
Après les start-up et les GAFA, les géants de l’industrie pharmaceutique entendent s'intégrer dans l’écosystème des objets connectés. Et développer des services au-delà des médicaments.

La santé connectée intéresse décidément tout le monde. Le 9 mars, Tim Cook, CEO d’Apple, ouvrait longuement sa keynote sur la santé connectée, dévoilant Research Kit, un cadre logiciel «open source» qui aidera les médecins et les scientifiques à récolter des données relatives à la santé auprès de patients utilisant des applications mobiles Iphone. Il a dévoilé des partenariats avec des hôpitaux et structures de recherche pour développer des études sur l’asthme, le cancer du sein, les maladies cardio-vasculaires, le diabète et la maladie de Parkinson. Pour Apple, ses applis «aident déjà des millions de clients à effectuer un suivi de leur santé et à améliorer celle-ci», affirmait-il dans un communiqué.

Les objets connectés pourraient-ils s’imposer dans la médecine du futur? Tout doucement, ces objets qui permettent de relever des données comme la tension artérielle, le poids ou la glycémie, glissent de simples objets de bien-être à des objets santé, voire au suivi de symptômes et de traitements longs. Des données qui seront relevées et agrégées sur une appli mobile. Les objets connectés ont fait entrer le «quantified self» dans les usages, pratique qui consiste à relever ses données, depuis le suivi de ses performances en course à pied à la mesure de son taux de glycémie. Optimiste, l’institut GFK prédit qu’il se vendra en France deux milliards d'objets connectés ces cinq prochaines années. Même si, en 2014, il n’y a eu que 50 000 appareils connectés santé (balances et tensiomètres) et 200 000 trackers (bracelets de suivi d’activité) vendus.

Services ajoutés

De nouveaux entrants sont arrivés avec fracas dans le système fermé de la santé: start-up couplant objets connectés et quantified self (Withings, Scanadu, Body Cap, Glooko…), les géants Google et Apple, et les constructeurs (Samsung, Philips…). Le Français Withings ainsi que les Américains Fitbit et Jawbone proposent des balances connectées et des trackers d’activité. Des marques de petit électroménager s’y mettent aussi, comme Terraillon et Braun.

Certains ont développé des plateformes mobiles reposant sur des données santé ou bien-être: Apple Health Kit, Samsung Digital Health Initiative, Microsoft Health Vault, Google Android Wear, etc. Dans le cadre de son partenariat avec Apple, Stanford a lancé son appli My Health pour IOS, qui permet à ses utilisateurs de rassembler les données récoltées via leurs applis mobiles et leurs informations de santé.

Les groupes de l’industrie pharmaceutique prennent aussi des initiatives, couplant suivi médical avec télésurveillance à distance, y ajoutant objets connectés et applis. Il y a deux ans, certains, tel Novartis, ont mené des tests avec des salariés équipés d’objets connectés pour observer les usages, les fonctions de suivi, tout en garantissant l’anonymisation et le stockage sécurisé des données.  

«Avec l’arrivée de l'e-santé, de la télésurveillance et de la télémédecine, les technologies seront des alliées des médicaments. Elles pourront accompagner un meilleur usage des médicaments», souligne Eric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales sur l'e-santé du Leem, structure qui regroupe les entreprises du médicament. Le think tank Isidore Santé, qui réunit des acteurs du secteur (sauf les institutionnels), espère pouvoir transposer un jour en France une disposition adoptée par le gouvernement canadien, qui a ôté la TVA des objets connectés vendus dans les pharmacies.

L’avenir, pour les groupes pharmaceutiques, résiderait dans la création de services ajoutés, surtout pour des maladies chroniques, où il y a des prises en charge de long terme et où l’autogestion de sa maladie par le patient est du coup plus importante. «Au-delà du médicament, on pourra participer à des projets pour ajouter des services et obtenir une meilleure utilisation des médicaments qu’on produit. Actuellement, la moitié des patients oublie de prendre ses médicaments et ne respecte pas les doses prescrites», appuie Vincent Varlet, directeur exécutif de Novartis France et président d'Isidore Santé.

«Il s’agirait de développer des solutions de services qui aillent au-delà de la délivrance de médicaments. Les services marketing cherchent des moyens de fidéliser les patients avec des solutions, services et applis qui accompagnent une prise en charge de médicaments», souligne Alexis Normand, responsable du développement santé de Withings.

Optimisation

Une des initiatives les plus prometteuses est le projet Diabéo de Sanofi, conçu avec Voluntis, une start-up, qui a par ailleurs levé 20 millions d’euros en 2014. A partir d’une application mobile, il permet de calculer en temps réel les doses d’insuline pour le patient, couplé à un télésuivi automatisé pour les soignants. Actuellement en essai clinique, il devrait bénéficier d'une prise en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie. «C’est un exemple d’alliance d’un traitement classique et d’une technologie de santé permettant d’optimiser les résultats de traitement pour le patient. Mais Diabeo et Sanofi y ont investi cinq ans pour prouver que ce logiciel participait à l’amélioration de la santé publique», signale un concurrent.

Autre initiative, l’association entre Google X Lab et Alcon (filiale ophtalmologie de Novartis), annoncée en juillet 2014, dont le but est de développer des lentilles de contact pour les diabétiques qui mesureront la présence de glucose dans le liquide lacrymal et télétransmettront les données à un récepteur mobile, mesurant en temps réel la glycémie de l'individu. Là, «la lentille de contact devient un objet médical connecté améliorant sa fonctionnalité santé», souligne Vincent Varlet. Equipées de capteurs et de microprocesseurs pour mesurer en temps réel plusieurs données vitales, ces lentilles pourraient aussi surveiller d'autres syndromes, assure Novartis, qui pense notamment à la presbytie.

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