Métiers
Ils sont yield manager, media trader, audience specialist ou data scientist… Au pays des algorithmes et du big data, de vraies têtes bien faites pilotent des technologies sophistiquées pour faire parler les données. Portraits de onze métiers de spécialistes de la publicité en ligne.

Jean-Philippe Degrandi, insight manager chez Fullsix

Jean-Philippe Degrandi s’appuie sur sa connaissance du consommateur pour aider les marques clientes de cette agence digitale à communiquer le bon message : « Il faut avoir une approche ethnographique et sociologique du consommateur pour le comprendre », explique ce diplômé du Celsa passé par le planning stratégique chez OMD et Young & Rubicam. Pour connaître sa cible, l’insight manager épluche les requêtes du consommateur inscrites dans les moteurs de recherche, identifie quels mots clés se réfèrent à quel produit et analyse ce qui se dit des marques sur les forums et les réseaux sociaux. « Le digital est un “focus groupe” à grande échelle, qui nous permet de dépasser le déclaratif des études qualitatives », vulgarise le trentenaire. Une fois ce travail accompli, il segmente l’audience en typologies de profils et personnalise les messages des campagnes digitales en fonction des cibles.

 

Clément Pinon, product manager chez Quantcast

Clément Pinon est un ingénieur au royaume de la publicité. Depuis octobre 2014, il fait le lien entre les informaticiens américains et les équipes commerciales françaises de Quantcast en les formant aux produits de cette société américaine spécialisée dans la mesure d’audience. Le ciblage des profils jumeaux n’a pas de secret pour lui. Diplômé de Centrale Lyon et de Columbia, il code aussi pour adapter les produits au marché français, particulièrement focalisé sur la visibilité des impressions. Sa vision « marché », acquise dans l’audit, lui permet également d’évaluer l’opportunité du lancement de nouveaux produits dans l’Hexagone. « Il faut savoir communiquer avec des interlocuteurs variés et avoir un esprit analytique pour ne pas être écrasé par le volume de données », explique ce presque trentenaire, formé à l’analyse de données pendant trois ans chez Fifty-Five. Pour un product manager, l’échelle de salaire varie de 50 000 à 70 000 euros.

 

Antoine Busi, yield manager chez Ebay

Antoine Busi a commencé par exercer son métier dans le secteur du tourisme, notamment chez Thomas Cook. L’essor du programmatique a rendu ses compétences précieuses pour la publicité en ligne : « Les éditeurs ont des stocks d’emplacements publicitaires qui ont une durée de vie limitée. Il faut donc optimiser le taux de remplissage en adaptant le prix selon la demande et la saison », explique ce diplômé de l’université Paris Dauphine, où il a étudié les mathématiques appliquées et l’informatique. Ainsi, lorsque les internautes affluent pendant les soldes sur le site d’un e-commerçant, il en profite pour proposer des inventaires premium enrichis en données sur les internautes. En saison creuse, en revanche, il baisse les prix de vente de ses espaces publicitaires pour conserver un taux de remplissage satisfaisant. « Notre challenge est de dégager des tendances à partir d’un grand volume de données », observe Antoine Busi. Le salaire en début de carrière d’un yield manager ? 40 000 euros par an.

 

Kevin Sanner, media trader chez Tradelab

Kevin Sanner a une double casquette commerciale et scientifique au sein du trading desk indépendant Tradelab : il a étudié l’analyse statistique à la Toulouse School of Economics, et les affaires à la Toulouse Business School. Depuis deux ans, celui qui a débuté son parcours dans les banques et les cabinets de conseil met en place des campagnes RTB pour le compte d’annonceurs. Il est l’homme derrière la machine. Car si l’algorithme achète en 120 millisecondes une audience qualifiée, le media trader doit adapter cet algorithme aux problématiques spécifiques des marques : augmenter les ventes en ligne, favoriser le nombre de formulaires d’inscription… « Savoir coder simplifie la vie, reconnaît Kevin Sanner, mais la rigueur est la principale qualité requise pour ce métier. Une erreur est en effet vite arrivée lorsqu’on gère autant de paramètres. » Une bonne  maîtrise des modèles statistiques permet cependant de prendre les bonnes décisions malgré la somme de données en jeu. Salaire d’un trader en début de carrière : 30 000 à 35 000 euros par an.

 

Julien Budynek, vice-président data science chez Ezakus Labs

Comment prédire qu’un internaute cliquera sur une bannière ou achètera sur le site d’un annonceur ? Chez Ezakus, spécialiste de la qualification et du ciblage d’audience, adepte du « prétargeting », cette question fait le quotidien de Julien Budynek. Diplômé de l’École polytechnique et de Telecom ParisTech, il a manipulé les datas dans des start-up françaises et américaines avant d’intégrer Ezakus en 2012. Grâce aux données de navigation réunies sur les internautes ayant cliqué sur une bannière, cet ingénieur en informatique identifie, via des modèles mathématiques, les internautes présentant un profil similaire. Puisque leurs modes de navigation se ressemblent, ils seront à même de cliquer sur les mêmes messages. « Nous devons être attentifs à bien sélectionner les données sur lesquelles s’appuyer pour avoir la meilleure prédiction, le plus rapidement possible », explique-t-il. C’est-à-dire quelques millisecondes, la durée de l’enchère. 

 

Joseph Lieber, business intelligence manager chez Criteo

L’analyse des données jalonne son parcours. Sorti ingénieur statisticien de l’Ensai, Joseph Lieber a exercé son talent dans les enquêtes, chez Ipsos, puis chez CaixaBank et Boursorama. Entré chez Criteo en 2012, il dirige aujourd’hui une équipe de business intelligence managers. En lien avec les équipes commerciales, leur rôle est d’analyser l’impact des campagnes orchestrées par le retargeteur. À l’aune des données anonymes recueillies sur les internautes identifiés sur les sites des e-commerçants et des éditeurs, ils analysent le nombre de ventes ou le trafic généré par la campagne en tenant compte des parcours de navigation. « La principale difficulté, c’est de rendre ces analyses compréhensibles et dignes d’intérêt auprès de nos clients, et notamment auprès des e-commerçants adeptes du clic final », explique le quadra. Si la compétence statistique est un avantage, les business intelligence managers se recrutent aussi après une école d’ingénieur ou de commerce. En sortie d’école, leur rémunération est de 40 000 à 50 000 euros.

 

Andrea Schminck, account manager chez Nugg.ad

Nugg.ad aide les éditeurs à qualifier l’audience de leurs sites : en plus de l’analyse classique des comportements de navigation, la société soumet des sondages aux internautes pour mieux les connaître. Andrea Schminck a rejoint cette agence allemande il y a sept ans, après une formation en Sciences politiques et informatique des deux côtés du Rhin. Comme dans un institut d’étude, son travail consiste à élaborer les questionnaires pour en tirer des conclusions sur la surreprésentation ou le manque de présence d’une cible sur les sites de l’éditeur. Ces sondeurs du net réalisent un second type d’enquête auprès des visiteurs, destiné à mesurer l’efficacité d’une campagne. Une partie du travail d’Andrea Schminck consiste aussi à former les éditeurs à la promotion des solutions de Nugg.ad auprès des annonceurs. « Il faut avoir des compétences très variées : analytiques, statistiques, informatiques... Alors qu’il n’existe pas de formation dédiée », explique cette Allemande de 34 ans.

 

Rebecca Crown, responsable inventaire chez Rocket Fuel

Cette jeune Anglaise de 28 ans est responsable, depuis deux ans, de l’inventaire en France de la plateforme d’achat programmatique Rocket Fuel. Parfaitement bilingue, elle a étudié le commerce international de l’autre côté de la Manche et fait ses armes dans la publicité en ligne en monétisant l’inventaire d’AOL, après s’être essayée aux métiers de la finance chez BNP Paribas. Aujourd’hui, elle scrute les pages web proposées aux annonceurs par les places de marché et s’assure qu’elles répondent à des critères de qualité suffisants en termes de brand safety (contenu approprié, visiteurs humains plutôt que robots…), de visibilité (proportion de la bannière sur l’écran) et de qualité des données. Une partie de son travail consiste à rencontrer les éditeurs pour faire connaître leurs problématiques à ses account managers. « C’est un métier varié, qui évolue vite, donc il faut avoir une grande capacité d’adaptation », analyse Rebecca.

 

Sébastien Noël, audience specialist chez Yahoo

Grâce à ses services – boîte de messagerie, moteur de recherche, galaxie de sites d’information –, Yahoo! a une connaissance particulièrement fine de ses utilisateurs. De précieuses données qui peuvent être utilisées pour optimiser les campagnes. « Les audience specialists commercialisent des segments d’internautes auprès des annonceurs. Ils doivent avoir une bonne connaissance du programmatique et de l’audience de Yahoo. Et la fibre commerciale pour pousser nos offres », explique Sébastien Noël. Ce titulaire d’un BTS action commerciale a rejoint Yahoo en 2014 après des expériences dans le e-commerce, le conseil informatique et la publicité en ligne. Responsable du programmatique et de la publicité par l’audience, il est en charge d’une équipe de spécialistes audience.

 

Lucille Depardieu, directrice media buying chez HiMedia

Lucille Depardieu a accompagné la conversion de la régie digitale au programmatique. Diplômée de l’école de management Léonard-de-Vinci, spécialisation e-business, elle a trois principales missions : analyser l’inventaire des 150 éditeurs de la régie, pour en dégager les emplacements et formats publicitaires les plus performants. Cela permet de s’assurer de leur optimisation et, pour les annonceurs, que leur message soit le plus en affinité avec l’audience ciblée. Ensuite, elle analyse les achats des trading desks pour leur offrir transparence et optimisation de leur campagnes, ainsi qu’un suivi adapté à leurs besoins et achats média. Enfin, elle effectue une veille technologique sur les outils qui faciliteront la collecte et l’analyse des données semées par les internautes au cours de leur navigation sur les sites des éditeurs. « La compétence technique est un plus, explique la jeune femme de 29 ans, mais il faut surtout avoir des capacités d’analyse et un bon sens commercial. »

 

Guillaume Valicon, business analyst chez Performics

Diplômé en marketing de l’université Paris Dauphine, Guillaume Valicon manage une équipe de neuf business analysts, au sein de l’agence digitale Performics, du groupe Publicis. Ils analysent la performance des campagnes des annonceurs. À partir des données recueillies sur les ad servers et les plateformes, les business analysts identifient les problèmes et les points à améliorer, afin de soumettre des recommandations aux media traders. Par exemple, en proposant de réallouer les budgets sur des canaux plus efficaces. « Les business analysts ont un profil plutôt hybride, puisqu’ils doivent avoir des compétences analytiques et des connaissances marketing », précise Guillaume Valicon. Cette double compétence leur permet d’être l’interface en interne entre les data analysts et les commerciaux. « Il faut faire preuve de beaucoup de curiosité pour défricher le nouveau monde du programmatique, qui est particulièrement complexe. Et avoir un esprit analytique, car on passe beaucoup de temps la tête dans les chiffres. » 





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