OBJETS CONNECTES
Derrière une effervescence apparente, le secteur des objets connectés est encore balbutiant et peu organisé. Mais pour les marques, il constitue l'occasion inédite de proposer un service client ultrapersonnalisé.

Le secteur naissant des objets connectés annonce-t-il le renouveau de l’industrie française? En tous cas, l'effervescence est bien là. Nombre de start-up ont investi ce domaine et brillent dans les salons spécialisés, comme en janvier au CES de Las Vegas. La ville d'Angers vient de se doter d’une Cité des objets connectés, une plateforme d'innovation industrielle sur 1 800m² comprenant des espaces de bureau et des machines, le tout soutenu par 17 actionnaires privés et publics (Orange, Eolane, Air liquide, Pays de la Loire…). Le phénomène profite de plusieurs facteurs: la généralisation des smartphones, point central de connexion de ces objets via les applications, la baisse du coût des puces informatiques, l’explosion de la connectivité (3G, 4G, wifi, bas débit avec Sigfox, Lora, etc.) et les plateformes de financement participatif, telle Kick Starter, qui permettent de tester un marché. Les chiffres les plus optimistes circulent: 15 milliards d’objets connectés vendus en 2012, au moins 50 milliards en 2020, où chaque foyer disposera de 30 objets connectés, selon l’institut GFK. Des objets du quotidien, voitures, autocuiseurs, ampoules, compteurs, thermostats - bientôt le corps humain? - deviennent connectés.

Comment les marques vont-elles s’imposer face à des géants qui créent leur «hub» connecté, qu'il sagisse d'Apple (Home Kit, Health Kit), de Samsung (Smart Things), de Google ou encore d'Orange (Homelive)? Certaines ont commencé à s'y greffer, comme Nest, Philips, Mercedes, Jawbone chez Google, Allianz, Somfy, Withings, Legrand chez Orange, Haier, Netatmo chez Apple, comme le relève l’étude de l’institut Oliver Wyman sur l’internet des objets, parue début juillet. «Le client arrive avec un besoin identifié, comme de surveiller sa maison, puis le besoin d'un deuxième produit, qui se couple au premier. Nos produits doivent alors se parler entre eux. Ce n’est pas nous qui allons empêcher Apple d’imposer sa technologie», précise Fred Potter, PDG de Netatmo, qui a rejoint Apple.

Un client à vie ?

L'enjeu de marché est clair pour les marques: constituer la base de données la plus qualifiée à gérer. Grâce aux datas particulièrement fines qu’ils permettront de collecter, les objets connectés vont en effet créer un nouveau mode de relation ultrapersonnalisé au client. «Ils sont une source précieuse sur le comportement en temps réel du consommateur, souligne Raphaël de Andreis, CEO d'Havas Media France. Imaginez qu’un lave-vaisselle connecté donne des signes de fatigue, le service client pourrait aussitôt faire une offre de reprise. Les objets connectés seraient des médias. Les alertes et “push notifications” émises par des marques sur les objets connectés ont du potentiel si c’est fort, rare et bien ciblé.»

«Notre rôle en tant qu’agence est de révéler, par l’objet connecté, une information qui n'était jusque-là pas visible. Il permet de créer un lien par un nouveau service», estime Elodie Bongrain, à la tête de l’entité Objets que vient de lancer l’agence Fabernovel. A l’avenir, les marques espèrent fidéliser les clients à vie en leur proposant des objets connectés avec des services personnalisés payants de coaching. Dans son étude «Ibody, la nouvelle frontière», BETC Digital imagine un coaching payant pour un régime alimentaire lié à un bracelet connecté, «que les gens seront prêts à suivre toute leur vie».

Autre enjeu dans ce marché encore balbutiant: la communication. Elle est indispensable pour faire œuvre de pédagogie auprès du grand public. Apple contribuera peut-être à rendre ce segment séduisant, en lançant une offensive de charme pour promouvoir sa Watch. «Apple a toujours axé son message sur la valeur ajoutée côté consommateur. Puis fait émerger des services, la réalité technologique derrière», rappelle Julie Hardy, vice-présidente de DAN Paris, dont la maison mère TBWA gère la communication de la marque à la pomme. Mais, pour l’heure, ce sont surtout les distributeurs qui ont assuré leur communication en aménageant des corners pour les objets connectés, tels la Fnac, Orange ou Bouygues Telecom. La Fnac vient ainsi de lancer un spot (agence Konbini), diffusé sur le web et destiné aux jeunes, qui en vante les usages.

Des frontières qui s'estompent

Assurément, l’internet des objets dynamite les frontières entre industries, il irrigue tous les secteurs. Les marques gagnantes vont donc, grâce aux objets connectés, élargir leur périmètre initial. Le cabinet de conseil Wymans imagine ainsi que Withings pourrait se lancer dans l’assurance santé. D’où le test mené avec l’assureur Axa en 2014. «Il faut inventer un nouveau type de prévention, suivre des mesures médicales, qui vont permettre de dire à l’utilisateur où il en est. A partir de l’historique de chacun, on doit pouvoir lui signaler une dérive», explique Eric Caarrel, fondateur et PDG de Withings. De leur côté, Orange et Google pourraient se pencher sur l’assurance domotique et maison. Dans la santé, Google serait également aux avant-postes alors qu’il s’intéresse de près à «l'homme augmenté» via sa filiale Google X. Plus fort, Wymans imagine qu’Amazon pourrait développer un «supermarché virtuel» lié à la maison connectée du consommateur, et le faire livrer par un service tel Uber. Aux Etats-Unis, le client peut déjà dicter ou scanner sa liste de courses grâce à l’objet connecté Amazon Dash.

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