Dossier
L'information par le rire s'impose sur les ondes matinales des stations généralistes. Au risque d'un certain mélange des genres ?

Ils sont drôles, parfois méchants, et rassemblent quelques millions d'auditeurs chaque matin sur RTL, Europe 1 ou France Inter. Les «humoristes du matin» se sont imposés sur les ondes des grandes chaînes généralistes «depuis dix à quinze ans», estime Frédérice Jouve, directeur des programmes de divertissement de RTL. Issus de la tradition des chansonniers, les humoristes du matin occupent un espace entre l'éditorial et le comique, statut hybride qui leur permet de jouir d'une forme d'impunité quand ils abordent des sujets politiques, people, sérieux, légers… ou tout cela à la fois. La Revue de presque de Nicolas Canteloup est d'ailleurs écrite comme une véritable chronique de l'actualité.

Peu à peu, les humoristes sont devenus les rois de l'info sur les stations de radio, en délimitant un espace où il est permis de tourner en dérision l'actualité… comme les emballements médiatiques. «Aujourd'hui, l'information tourne parfois autour de sujets tels que : Est-ce que Balkany a réellement couché avec Brigitte Bardot? Heureusement , il y a des humoristes pour relativiser tout ça», pointe Frédéric Jouve. Mais il arrive aussi qu'un Stéphane Guillon ou qu'un Laurent Gerra contribuent, par la caricature, à la "pipolisation" de la politique.

Mélange des genres

L'amuseur public ne fait pas rire tout le monde. «Par définition, l'humour n'est pas ce qui est le plus fédérateur», note Laurent Ruquier. Il n'empêche que les chroniqueurs, souvent controversés, remportent tous un succès d'audience indéniable sur les matinales. Entre 8h45 et 9h sur RTL, Laurent Gerra comptait 1741000 fidèles en novembre-décembre 2009, en progression de 6% par rapport à son audience des deux mois précédents. Sur la même tranche horaire d'Europe 1, Nicolas Canteloup rassemblait 1581000 auditeurs sur les deux vagues cumulées de septembre à décembre 2009, en hausse de 172000 paires d'oreilles sur un an. Enfin, le trio Stéphane Guillon (lundi au mercredi), Didier Porte (jeudi) et François Morel (vendredi) qui assurent la chronique L'Humeur de…  de 7h55 à 8h, sur France Inter, affichait 1827000 auditeurs quotidiens.

Si sur RTL et Europe 1, on mise beaucoup sur les talents d'imitateurs de Nicolas Canteloup et Laurent Gerra, France Inter a imposé l'impertinence comme marque de fabrique. La chronique de Stéphane Guillon provoque régulièrement l'ire de ses cibles… au risque d'un certain mélange des genres, qui voit le journaliste aux commandes de la matinale, Nicolas Demorand, hériter d'un invité qui vient d'être malmené. Après un rude portrait de Guillon, on se souvient que Dominique Strauss-Kahn avait déclaré en direct que l'humoriste avait dépassé les bornes de l'humour et flirté avec celles de la méchanceté.  Un microévénement qui avait servi de prétexte à Nicolas Sarkozy pour éconduire Jean-Paul Cluzel, alors patron de Radio France.

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