Les bonnes idées sont souvent à piocher chez nos voisins. Exemples à Londres, Rome, Stockholm, Berlin et Madrid.

ANIMALS

En Italie, la BD sort ses griffes

Arrivé dans les kiosques italiens en mai 2009, Animals est né de l'envie d'une dessinatrice transalpine, Laura Scarpa, déjà passée par l'édition et qui souhaitait créer une revue de BD «qui n'existait pas» sur le marché des «fumetti». C'est sous ce nom, les «petites fumées» (en référence aux bulles) que la bande dessinée est connue en Italie. «Je voulais retrouver en kiosques de la BD qui puisse atteindre un plus large public, raconte-t-elle. Une revue qui unisse les idées, la littérature, l'image et les "fumetti".» Publié par la maison d'édition Coniglio Editore, ce mensuel en couleurs tire aujourd'hui à 20000 exemplaires et est distribué en kiosques comme dans les librairies plus spécialisées et par abonnement. Il s'appuie sur de la BD d'auteurs, italiens et étrangers, et propose aussi des textes plus littéraires, le tout avec un regard contemporain et acéré sur des sujets sociaux et politiques. Le foot, les sans-domicile fixe ou les Brigades rouges seront au sommaire des prochains numéros.

Animals a su s'affranchir des cases et a séduit les amateurs de «fumetti» classiques comme ceux de «graphic novels», plus narratifs et moins légers, et même un public assez éloigné de la BD. «Beaucoup de lecteurs nous ont écrit pour nous dire qu'ils avaient découvert la BD grâce à Animals», se félicite Laura Scarpa. Dans un marché de l'édition submergé par les offres promotionnelles et les revues bling-bling sur papier glacé, ce mensuel au format tabloïd et aux pages légères, vendu 5 euros, a réussi à séduire grâce à ses histoires, ses traits et son ton. Et a fait taire les sceptiques, même s'il doit encore améliorer ses ventes et développer sa présence sur le Net, où il ne dispose pour l'instant que d'un blog.

 

Stéphanie Wenger, à Rome

 

En savoir + : animals-theblog.blogspot.com

 

WIRED

Retour gagnant au Royaume-Uni

«Work smarter!» La dernière couverture du magazineWired, lancé au Royaume-Uni en 2009 seize ans après l'édition américaine, fait dans le «flashy». Logo rose, titre noir, l'édition d'avril 2010 invite les entrepreneurs à découvrir les méthodes de management ou de croissance les plus novatrices. «Ideas, technology, culture, business», les quatre thématiques inscrites au-dessus du logo attirent l'étudiant aux dents longues ou le quadra dynamique en quête d'une combinaison d'inspiration, de théories proactives, de détente et de «branchitude». Déjà fourni, le paysage des magazines britanniques a connu un petit frisson avec l'arrivée de cette marque phare de l'américain Condé Nast.

Le succès est au rendez-vous, avec notamment le prix du meilleur lancement de l'année aux British Press Awards. Belle revanche, en tout cas, quatorze ans après l'échec d'un premier lancement. Le magazine se situe entre Vanity Fair, New Yorker et le Wired américain dont il n'est pas la fade copie. Son rédacteur en chef, David Rowan, un ancien du Times et du Guardian, ne veut pas que le Wired britannique ressemble à «tant d'autres magazines où l'on voit une fille en bikini avec un Iphone. Nous ne voulons pas faire dans le superficiel ou le vide, nous sommes du sens.» Régal visuel, informations parfaitement agencées, articles complexes bien vulgarisés («Les secrets du trading automatisé»), contrepieds pince-sans-rire en série («Comment se couper les cheveux tout seul»), Wired UK caresse l'intelligence dans le sens des synapses.

 

Johann Harscoët, à Londres

 

En savoir + : www.wired.co.uk

 

M MAGASIN

L'Oprah Winfrey suédoise

 

Bien dans sa tête et dans son corps, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Amelia Adamo, 62 ans, n'est pas avare de ses charmes. Elle pose chaque mois en couverture du mensuel senior M Magasin, en robe de soirée, en jeans ou même en maillot de bain à l'occasion. L'Oprah Winfrey suédoise, comme on la surnomme, est la star du groupe Bonnier, le plus gros groupe d'édition du pays. Née à Rome en 1947 d'un père ouvrier et d'une mère bonne à tout faire, elle a construit un empire de la presse féminine avec un principe simple: ne pas vendre du mensonge sur papier glacé. On n'est jamais mieux servi que par soi-même: son premier fait d'armes est un magazine pour jeunes femmes qu'elle a prénommé, en toute simplicité… Amelia.«Les lectrices en ont assez des top-models, estime cette sculpturale blonde. J'ai créé un magazine pour la "girl next door". Nous écrivons sur les femmes indépendantes, celles qui travaillent. Nous avons un pied dans l'évier, l'autre dans des talons aiguilles.»

Son succès repose sur un principe bien connu des éditeurs: celui du chaînage. «La lectrice d'Amelia a des enfants encore petits, et est ouverte sur les autres. La lectrice de Tara élève des adolescents et reprend le contrôle de sa carrière. Quant à la lectrice de M, elle a tellement de temps pour elle qu'elle aime que l'on ait besoin d'elle, notamment lorsqu'il s'agit de ses petits enfants. » Pour autant, M Magasin, très inspiré du mensuel O d'Oprah, ne montre pas des mamies blanchies sous le harnais qui font de la confiture. On est très loin de l'ambiance tisane et déambulateur, avec des femmes qui assument leur âge et des articles sans tabous sur la sexualité ou sur des sujets de société comme les couples homosexuels. «J'ai voulu changer l'attitude démodée qui consiste à penser que les femmes de plus de cinquante ans ne sont plus séduisantes, ni au lit ni dans le marché du travail.» C'est réussi.

 

Delphine Le Goff

 

En savoir + : www.m-magasin.se

 


NEON

 

La bible des adulescents allemands

 

«En théorie, nous devrions être des adultes.» Sauf que non. Avec son slogan régressif, la campagne de publicité du magazine Neon, publié par Gruner+Jahr, a instantanément séduit son cœur de cible: les 20-30 ans qui ont, délibérément et sans complexes, décidé d'attendre encore un peu pour grandir. Mais, attention, s'il affecte des poses d'ado, le lecteur de Neon n'a pas oublié de bien travailler à l'école: le magazine cible un public citadin, aisé, cultivé et très concerné par sa carrière. Il joue volontiers la provocation. En couverture du dernier numéro, le titre «Ich liebe dich trotzdem» («Je t'aime quand même») annonce un dossier fourni sur l'importance de la dispute dans le couple et les recettes des scènes de ménage réussies. Un autre article, «Zukunft der Arbeit» («L'avenir du travail») défend l'idée que l'open space, pourtant honni la plupart des salariés, peut être un espace de travail «sympa».

Exaltation de l'adolescence, le titre peut aussi s'enflammer sur des sujets de société: dans le dernier numéro, on trouve aussi un reportage sur les Africains qui trouvent la mort en voulant rejoindre l'Europe. Erreur de jeunesse: le magazine a récemment dû présenter des excuses à ses lecteurs. Il avait publié, entre 2004 et 2010, cinq fausses interviews de stars telles que Christina Aguilera ou Beyoncé. Cela n'entame pas le succès du titre, qui vogue à 190000 exemplaires. Et si le président de Prisma Presse, Rolf Heinz, qui déclarait le 28 mars au Journal du dimanche «vouloir lancer un nouveau magazine qui pariera sur l'intelligence émotionnelle et sera à destination des jeunes», introduisait sur le marché français l'enfant terrible de la presse allemande ?

 

Delphine Le Goff

 

En savoir + : www.neon.de

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