L'ameublement et la décoration sont marqués par l’épure et un retour aux matières naturelles. Quant aux consommateurs, ils recherchent de la personnalisation.

Grand-messe des professionnels de l'ameublement et de la décoration, le salon Maison & Objet ouvrira ses portes le 3 septembre dans un contexte encore marqué par la crise (lire page xx). Cette toile de fond rejaillit sur l'inspiration des créateurs et les comportements des consommateurs. Décryptage des tendances du secteur.

«Dans la décoration, il n'existe pas une seule direction, mais plusieurs axes qui s'interconnectent », analyse Karin Aubertin, architecte d'intérieur chez Ikea, spécialisée dans l'aménagement de la maison. «Dans les années 1950 et 1960, poursuit-elle, il y avait une norme en matière de décoration, par analogie avec la longueur des jupes dans la mode. Aujourd'hui, les individus souhaitent personnaliser leur intérieur. Les consommateurs papillonnent d'une enseigne à l'autre et picorent chez plusieurs marques afin de constituer leur propre melting-pot. La féminisation de l'offre se traduit aussi dans la communication, car les femmes sont les principales acheteuses et prescriptrices dans cet univers.» Les hommes acceptent ainsi les ambiances élaborées autour de teintes douces et de formes arrondies.

L'environnement dans tous les tons

En matière de matériaux utilisés pour les meubles et les objets de décoration, la prise de conscience de l'environnement est passée des effets d'annonce et des déclarations d'intention à des exemples concrets. « Lors du salon de Milan 2008 [le rendez-vous international de référence du secteur], le thème était déjà “Go Green”, mais rien ne le matérialisait vraiment, se rappelle Karin Aubertin. Aujourd'hui, les productions des marques intègrent cette notion environnementale.» Cela s'exprime dans une recherche de matières plus authentiques.

«Cette impulsion se renforcera encore dans les mois à venir et se traduit par un travail sur les matières naturelles, comme le bois ou le lin, souligne Philippe Chomat, directeur de la communication du salon Maison & Objet. Ainsi, le bois employé provient d'Europe plutôt que de lointaines forêts exotiques. Autre exdmple: le designer François Azambourg a conçu un siège en fibres de lin aussi résistant et léger que s'il était réalisé en fibres de carbone issu des industries pétrolières.»

Les matériaux «naturels» proviennent notamment des fibres végétales, comme la paille, le rotin ou encore les feuilles de bananier. «Même les plastiques sont plus respectueux de l'environnement, et la communication met en avant leur caractère recyclable», note Karin Aubertin. D'une certaine manière, les couleurs du moment sont redéfinies par l'emploi de matières brutes. «On retrouve des couleurs pastel et assez douces dans tous les tons, explique Philippe Chomat. Cette gamme de couleurs est plutôt conjoncturelle et liée à la rentrée 2010. Cela correspond à un besoin d'être plus proche de la nature, car la maison est désormais en phase avec l'extérieur. Elle se veut la plus lumineuse et la moins consommatrice d'énergie possible.» La couleur n'est pas exclue pour autant. «Des couleurs primaires, tel le rouge, sont employées en ponctuation, par exemple sur un accessoire ou sur un meuble, mais ne domine pas la totalité de l'atmosphère de la maison», relève Karin Aubertin.

Entre lumière et intimité

Dans la décoration, le grand changement provient de la lumière, des LED (diodes électroluminescentes) et des éclairages fluocompacts (tubes fluorescents). «Cela forme une atmosphère qui se rapproche plus de celle obtenue avec la lumière du jour que celle des lampes à incandescence, constate Karin Aubertin. Une harmonie est ainsi à retrouver entre ces matières authentiques et la lumière. On se dirige vers un intérieur qui s'épure, sans toutefois oublier ce qui le rend chaleureux. Cela explique l'engouement pour la brocante et les objets qui rappellent le passé.»

Le mobilier de la maison est empreint des nouveaux modes de relations sociales, de leurs bouleversements sur la Toile et de la frontière toujours plus floue entre la vie privée et la vie publique. «Le cahier d'inspirations de Maison & Objet, qui sort au moment du salon de septembre, a cette année pour thème l'intime, indique Philippe Chomat. La maison est en effet un vecteur d'intimité dans un monde entièrement dévoilé par les réseaux sociaux.»

Deux tendances de fond se détachent dans le mobilier. Une première évolution de l'aménagement de la maison réside à… l'extérieur. Le même soin et la même précision sont apportés tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des habitations. «L'hôtellerie le fait très bien et c'est aussi le cas actuellement des projets résidentiels», observe Philippe Chomat.

Deuxième tendance: la transformation de la salle de bains en une pièce à vivre. « Après le décloisonnement du salon et de la cuisine, une nouvelle orientation se dessine, remarque Philippe Chomat. La salle de bains devient une pièce à vivre, au même titre que la chambre. On y passe du temps pour se ressourcer, se soigner et s'habiller. Les spas dans la salle de bains en sont une illustration. Entre lit et baignoire, les séparations se font plus douces, presque sans changer de pièce, notamment dans des projets résidentiels haut de gamme.»

Artisanat et interactivité

Dans les points de vente, le modèle Ikea, une allée de circulation avec un parcours qui invite à la promenade et des espaces mis en scène, a été peu à peu repris par les autres enseignes du secteur. «Un alignement de canapés ne suffit plus pour séduire les consommateurs, souligne Karin Aubertin. L'exposition de produits ne suffit plus, les rayons doivent être séduisants. Paradoxalement, les consommateurs souhaitent trouver rapidement les objets et en même temps flâner et s'immerger dans un univers.»

Une autre tendance en matière de points de vente est de remettre au goût du jour les artisanats et leur savoir-faire. Des magasins-concepts, comme Merci à Paris, s'inscrivent dans ce registre, tandis que des petits points de vente, tels ceux du quartier du Marais à Paris, s'essayent à l'interactivité, en proposant des éléments à combiner à ceux que les consommateurs possèdent déjà.

Une interactivité en laquelle croient les acteurs spécialisés sur Internet. Si les ventes en ligne de meubles neufs ne représentent que 5% du marché (lire page xx), certains y placent beaucoup d'espoirs, notamment fondés sur l'essor de technologies, telle la réalité augmentée. Pour l'heure, des sites comme L'usine à design, Made in design et My Fab misent sur une promesse de design à prix accessible grâce à la suppression des intermédiaires.

La personnalisation via Internet

«Entre Ikea et Cinna, Internet peut trouver sa place dans un créneau moyen-haut de gamme, pense Olivier Mathiot, président du conseil de surveillance du site L'usine à design et cofondateur de Priceminister.com. La Toile démultiplie les possibilités de personnalisation des meubles et des accessoires.» À l'heure actuelle, cette personnalisation se limite généralement aux couleurs, aux matériaux et aux dimensions, un peu à la manière de Nike ID dans le domaine des baskets. «Nous n'en sommes qu'aux premiers degrés de la personnalisation, dans une phase de configuration et de combinaisons d'éléments, mais cela va se développer», poursuit Olivier Mathiot.

Un parallèle entre la mode et la décoration peut être établi. «La mode s'est développée sur Internet grâce, notamment, aux ventes privées, estime-t-il. À l'inverse, l'univers du meuble est moins régi par les marques, donc l'aiguillon du marché sera le design.»

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